On parle de « sensibiliser à l’environnement » mais le plus souvent on s’adresse à l’intellect, pas à la sensibilité. Or ce qui est important c’est l’élan du cœur, la réceptivité, et surtout l’émotion. Ces émotions ne peuvent être vécues que dans la Nature elle-même, par une immersion qui exige de se désintoxiquer de la consommation, du virtuel, de la télévision, de tous les écrans. S’en affranchir exige un arrêt brutal et définitif, comme pour tous les toxiques. La plupart des jeunes n’ont aucune conscience de la Nature, branchés sur leur téléphone mobile et leurs gadgets, ils sont déconnectés des réalités bio-psychiques des mammifères primates que nous sommes. On ne sent vraiment la Nature que quand on la ressent dans ses muscles et cartilages. C’est par le corps, par le plaisir et l’émotion que passent au mieux les processus de mémorisation. Donnez le souffle des montagnes à vos projets éducatifs, emmenez vos jeunes dormir la nuit en forêt, ils ne l’oublieront jamais ; célébrez le lever du soleil, faites sentir la valeur sacrée et divine de la Nature sauvage, et vous pourrez vous nourrir de sa Beauté et pacifier la société.
L’éveil de tous nos sens ouvre sur la palette complète de nos facultés psychiques. S’immerger dans une forêt est la garantie d’impressions inoubliables ; les animaux sont des déclencheurs d’émotion. Le spectacle d’une belle futaie de hêtres n’est rien sans l’appel du coucou, sans un geai qui donne l’alerte, sans l’éclat de rire du pic-vert, sans les odeurs de sureau ou de genêts et le goût des fraises des bois cueillies soi-même. À vrai dire, c’est plus qu’un spectacle parce que nous vivons alors le sentiment d’y être inclus. Caresser des cheveux d’ange (stipe penné) ou des joubarbes est très sensuel. Le chant flûté du hibou petit-duc en Provence ou le coassement des grenouilles nous parlent d’une Nature familière et fraternelle. Approchée avec révérence, la Nature est une école initiatique. L’acceptation de sa solitude. Goûter la solitude dans la Nature est une autre condition pour aimer la Nature. Cela exige d’apprendre à se déconnecter du monde humain, artificiel et urbain. Avec notre malaise social généralisé, on constate hélas dans toutes les familles de grandes carences affectives : beaucoup d’individus en déshérence sont devenus incapables d’aimer. Notre société axée sur la volonté de puissance fabrique des handicapés sentimentaux par millions. C’est par l’Amour que tout commence, c’est la seule chose qui sécurise !
De même que François Terrasson disait qu’il ne fallait pas « protéger la Nature » (sous-entendu dans les parcs et réserves) mais surtout arrêter de la détruire partout, on pourrait le paraphraser en disant qu’il faut avant tout supprimer les idéologies anti-nature, les entreprises d’abrutissement collectif (comme le Rallye de Monte-Carlo, le Salon de l’Automobile, les Jeux Olympiques ou le Mondial de Foot). Pour resacraliser la Nature, le choix est clair : il faut en finir avec ces addictions et folies collectives, sinon nous serons amenés à en finir avec la Nature. Malgré la vulgarisation médiatique sur l’écologie, le nombre de gens qui s’intéressent vraiment à ce qui reste de nature sauvage n’augmente guère par rapport à la masse de la population. La conscience écologique, au lieu de renforcer le sentiment de la nature l’a souvent dilué. La conscience écologique aura progressé le jour où il y aura bien plus de gens intéressés et mobilisés contre la disparition du sauvage que de gens intéressés par le Tour de France.
Roland de MILLER (15 juin 2017)
@Michel C
Oui, mais c’est le laxisme en matière de réglementation environnementale, ainsi qu’une absence totale de respect de l’autre comme de la nature, qui salissent, pas le camping sauvage en lui-même. Que je trouve plus agréable, et c’est entre autres pour retourner (dans ma petite mais très suffisante Saxo) aux endroits qui m’ont plu que je n’y laisse aucune trace. De toutes façons, la majeure partie des problèmes de notre époque est liée à cet oubli du respect de la nature, qui est aussi un mépris des autres. Notre civilisation est celle du mépris.
@José
Quand je vois qu’il y en a qui prennent leur SUV (ou leur crossover) pour se rendre justement dans une salle, où ils pourront pédaler sur un vélo immobile, ou ramer sans avancer, ou encore courir sur un tapis roulant (hi han) … alors planter sa tente dans une salle… et pourquoi pas après tout.
Et quand je vois les merdes (à tous les sens du terme) que laissent traîner les gens dans la nature, je ne sais pas si nous devons regretter qu’aujourd’hui le camping sauvage (des années 70-80) soit pratiquement interdit partout.
Heureusement, à moins d’être handicapé (à tous les sens du terme) chacun a encore la possibilité (le choix, la liberté ?) de prendre un sac à dos, une petite tente etc. de prendre un train via la montagne. Là encore, en dehors des parcs qui sont réglementés, chacun peut profiter de cette nature dont on parle. Mais bien entendu, la montagne, ça se gagne !
Ceci m’a été rapporté par quelqu’un qui connaît bien Taïwan. Savez-vous ce que signifie là-bas camper pour les jeunes? Ils se regroupent et louent une salle (dans la nature quand même) dans laquelle ils pourront monter leurs tentes. Je n’ai pas eu l’occasion de le vérifier, mais je n’en serais pas surpris. On est loin du camping sauvage tel qu’il se pratiquait encore dans les années 70-80 un peu partout.
Le « goût de la Nature » … je pense qu’on l’a … ou alors on ne l’a pas.
Si depuis le berceau on a été élevé dans le béton et le coton je ne pense pas qu’on puisse réellement avoir ce goût là. On est trop embourgeoisé !
Bien sûr il y a un phénomène de mode, comme celui d’aller dormir dans les arbres, dans une cabane bien douillette, avec moustiquaires et bien sûr la lumière, avec le jacuzzi c’est le top. Mais ça c’est pour les bobos, c’est pour le business, en bas il y a le SUV, ou le crossover … de nos jours on ne dit plus bagnole.