Publié pour la première fois en 1949 à titre posthume, l’Almanach d’un comté des sables d’Aldo Leopold (1887-1948) est devenu un classique des écrits consacrés à la nature. Il constitue l’un des textes fondateurs de l’écologie. Catherine Larrère cite ce passage : « J’ai lu de nombreuses définitions de ce qu’est un écologiste et j’en ai moi-même écrit quelques-unes, mais je soupçonne que la meilleure d’entre elles ne s’écrit pas au stylo, mais à la cognée. La question est : à quoi pense un homme au moment où il coupe un arbre, au moment où il décide de ce qu’il doit couper ? Un écologiste est quelqu’un qui a conscience, humblement, qu’à chaque coup de cognée il inscrit sa signature sur la face de sa terre (Les Notes de la Fondation de l’Ecologie Politique (n° 1, février 2014). » On peut, en lisant cette définition, se dire qu’il a été entendu. Qu’est-ce en effet que l’empreinte écologique, sinon la signature humaine sur cette terre ? A ce titre, si chacun de nous mesurait son empreinte écologique et s’efforçait de la diminuer, ne serions-nous pas tous des écologistes ?
« La relation à la terre est actuellement une relation de propriété comportant des droits, mais pas de devoirs. D’ailleurs pour l’homme des villes, il n’y a plus de relation vitale à la terre. Lâchez-le une journée dans la nature, si l’endroit n’est pas un terrain de golf ou un « site pittoresque », il s’ennuiera profondément. Vous imaginez alors que c’est l’industrie qui vous fait vivre en oubliant ce qui fait vivre l’industrie.
Les pratiques de protection de l’environnement ne sont en fait que des soulagements partiels apportés à la douleur de la communauté biotique. Il n’existe pas à ce jour d’éthique chargée de définir les relations de l’homme à la terre, ni aux animaux, ni aux plantes qui vivent dessus. Une éthique (écologiquement parlant) est une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence. Il faut valoriser une éthique de la terre et montrer sa conviction quant à la responsabilité individuelle face à la santé de la terre, c’est-à-dire sa capacité à se renouveler elle-même. L’écologie, c’est cet effort pour comprendre et respecter cette capacité. Le progrès n’est pas de faire éclore des routes et des paysages merveilleux, mais de faire éclore le sens de l’observation dans des cerveaux humains. Par exemple le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à « voir » le jardin à côté de chez lui. La nature intacte qu’on ne peut voir de ses propres yeux prendra alors plus de valeur. » (1ère édition 1946, Flammarion 2000)
extrait du livre« L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre) en librairie depuis le 11 juillet 2016
« Un écologiste est quelqu’un qui a conscience, humblement, qu’à chaque coup de cognée il inscrit sa signature sur la face de sa terre »
C’est vraiment une bien belle définition.