D’un côté c’est «Coup de pompe», «Cher carburant», «Le gouvernement assassine le petit peuple», «La voiture c’est essentiel pour aller travailler», «des enfants moins gâtés à l’approche de Noël»… De l’autre on raille ces «ploucs» qui n’ont rien compris et qui feraient mieux de prendre leur vélo et de se contenter d’offrir pour Noël une orange à leurs rejetons ! Le président Macron emboîte le pas : « Les mêmes qui râlent sur la hausse du carburant, réclament aussi qu’on lutte contre la pollution de l’air parce que leurs enfants souffrent de maladies. » Comment créer dialogue et empathie, entre ces deux mondes ? Qui a raison ? C’est la question à laquelle sont confrontées nos sociétés, plus schizophrènes que jamais.
La fiscalisation du carbone, le fait de faire payer davantage tous les utilisateurs d’énergie fossile pour économiser une ressource qui deviendra de plus en plus rare tout en nous léguant le réchauffement climatique, ne prête pas à contestation. La transition écologique, le fait de rompre avec notre boulimie d’énergie qui émet des gaz à effet de serre, est une nécessité absolue. Agiter un gilet jaune ne change rien aux réalités biophysiques de la fin du pétrole à bas prix. Encore faut-il le comprendre, et cela ne se fera pas sans douleur. La voiture est tant glorifié par les médias, les publicitaires et les politiques qu’elle est devenue une idole indétrônable. Il faudra bien sûr lutter contre les inégalités, envisager un revenu maximum autorisé et préparer un rationnement par une carte carbone. Il faudra aussi expliquer où va aller l’argent alors que la taxe carbone peut être considéré comme un impôt supplémentaire. Que va faire l’État d’une ressource financière qui deviendra de plus en plus importante, la taxation des carburants préfigurant la taxation du fuel et de tous les autres produits à base de carbone ?
L’État macroniste a commencé à transférer ces sommes aux entreprises pour allègement des charges. Cet objectif strictement économique a déjà été suivi en 2016, il s’agissait de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. C’est là un soutien à l’économie croissanciste qui ne peut qu’accroître la demande d’énergie fossile et les émissions de gaz à effet de serre. Des alternatives plus écolos sont présentées ici et là. Utiliser l’argent pour conserver les services publics de proximité dans les territoires isolés. Reconstruire les réseaux ferrés locaux et subventionner le commerce de proximité. En gros relocaliser, relocaliser, relocaliser. Mais tant que les ménages pourront utiliser leur véhicules personnels, cela restera lettre morte. Nous vivons un cercle vicieux où l’automobile à complètement détruit la vie territorialisée pour mettre la mobilité à l’honneur et rendre absolument nécessaire le transport individuel motorisé. Comme disent les décroissants, il nous faut adopter un nouvel imaginaire !
En complémentarité de l’interdiction de la publicité pour les voitures, l’interdiction des grandes surfaces péri-urbaines, en attendant le dévoiturage en marche, la plus neutre des destinations des recettes de la taxe carbone serait le désendettement de l’État. Il y aurait baisse immédiate des impôts de façon globale tout en nous mettant sur la voie d’une baisse du niveau de vie moyen après paiement des taxes carbone ; ce désendettement profitera aussi aux générations futures. On ne peut perpétuellement vivre à crédit, ni au niveau financier, ni au niveau de l’empreinte écologique. Rappelons que depuis longtemps on nous indique politiquement qu’il faudrait diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, donc bouleverser notre mode de vie. Il est temps de s’en rendre compte un jour ou l’autre. Bientôt il sera trop tard pour en prendre conscience de façon policée…
« Les mêmes qui râlent sur la hausse du carburant, réclament aussi qu’on lutte contre la pollution de l’air [et patati et patata] »
Ça c’est bien vrai, ça ! Seulement le problème, c’est que cette vérité sort de la bouche d’un petit comique, notamment avec sa politique du « et en même temps ». Mais tout ceci n’est qu’un détail, finalement ça n’a même plus d’importance, au stade où nous en sommes. N’importe qui d’autre aurait très bien pu balancer cette phrase, moi le premier. Moi qui ne peut résister et moi qui succombe quand je vois et j’entends le petit Jupiter essayant de nous la jouer grand maître de sagesse. Le fou rire quoi. Je suis fou, il est fou, nous sommes fous, le monde est fou ! Ben oui.
Côté gueux, autrement dit côté public, bon public jusqu’à présent… il faut être fou pour se demander ce que l’État fera de tout ce pognon. Ou alors naïf, pour être gentil.
Par contre, là où il faut vraiment être fou, c’est pour imaginer que les tenants du Système utiliseront ces milliards pour reconvertir les publicitaires en agents de l’État chargés du nettoyage et de la sauvegarde de l’environnement, pour créer des millions d’emplois véritablement utiles, de véritables métiers d’avenir. Profs, infimièr(es), maréchaux-ferrants comme seuls exemples. Pour imaginer ça, là oui il faut être fou. Ou alors décroissant.