à qui profitent les OGM ? Un livre de Jacques Testart

Quelques extraits : « Si, plutôt que s’épuiser à chercher la malignité des plantes transgéniques, on exigeait de ceux qui veulent nous les imposer de démontrer leurs avantages ? Messieurs les bienfaiteurs de l’humanité, s’il vous plaît, dites-nous ce que vous savez faire aujourd’hui ! Ne vous contentez pas de prédire des lendemains qui chantent grâce au gène miraculeux qui ferait pousser des plantes sur les sables du désert. Les PGM (plantes génétiquement modifiées) permettent-elles de disposer de produits moins coûteux ? de meilleure qualité ? de meilleur goût ? se conservant mieux ? bénéfiques pour la santé ou pour l’environnement ? Voilà les questions que la stratégie des biotechnologies a permis qu’on ne se pose pas ! L’interrogation la plus audacieuse des autorités a porté sur la manière d’organiser la coexistence des PGM avec les autres plantes, même si cet arrangement est définitivement impossible sans préjudices irréversibles.

Il existe trois catégories d’OGM qui ne sont pas comparables en termes d’intérêt pour les populations. Les OGM cultivés en fermenteur (incubateur clos) sont des levures ou des bactéries, ou encore des cellules d’organismes pluricellulaires. Par transgenèse, on leur fait acquérir la propriété de synthétiser des molécules d’intérêt médical ou industriel. C’est un système qui a démontré son efficacité sans provoquer de désagréments. Une autre catégorie d’OGM est constituée par des organismes animaux ou végétaux qu’utilisent les laboratoires de recherche. On peut par exemple induire génétiquement une maladie humaine chez une souris qui deviendra l’objet d’études. Ces OGM sont contenues dans des espaces protégés et ne sont contestés que par des personnes opposées à toute expérimentation animale. Puisque leur apport à la recherche scientifique et médicale est important, on considère qu’ils profitent à l’humanité. Il ne sera donc question dans ce livre que des PGM destinées à remplacer les plantes traditionnellement cultivées. Elles sont par conséquent disséminées dans les champs où elles sont capables de filiations inédites et susceptibles et risquent d’interagir de façon largement imprévisible avec les autres êtres vivants. Ces PGM modifient fortement l’économie agricole (brevets, productivisme…) et le rapport à la nature (fonction du paysan, biodiversité…). Les PGM profitent un peu à des gros agriculteurs (surtout par économie de main d’œuvre) et beaucoup aux firmes qui les fabriquent et les vendent. En l’absence d’intérêts démontrés des PGM pour les populations, la balance bénéfice/risque leur est clairement défavorable. Une étude de la Commission européenne* affirmait dès 2006 que les PGM n’ont d’intérêt que pour économiser le temps de travail et diminuer le recours aux pesticides (du moins durant les 3 premières années puisque de nouveaux parasites apparaissent ensuite, comme Darwin l’avait prévu..) mais absolument pas pour augmenter les rendements.

Pourtant l’EFSA (Agence européenne de sécurité alimentaire) a donné son feu vert à plusieurs dizaines de PGM en une quinzaine d’années, sans en refuser aucune. L’EFSA ne semble pas décidée à prendre en compte l’impact socioéconomique de la culture de PGM, ni d’ailleurs à rendre publique les études de référence, ni à améliorer les tests d’évaluation. Quand, en 2012, G.-E. Seralini accepte de rendre publiques toutes les données de sa dernière étude à condition que l’EFSA fasse de même pour les données qui lui ont permis d’autoriser le même maïs NK603 en 2003, l’agence lui oppose le secret industriel. Comme si le devenir de quelques rats consommant ces semences pouvait constituer un secret d’intérêt économique ! A ceux qui prétendent que les Américains consomment des PGM sans problèmes, j’ai coutume d’opposer, par dérision, que c’est là la cause de leur obésité, une affirmation tout aussi invérifiable !

Après une quinzaine d’années de cultures commerciales, le marché est piloté par des compagnies multinationales qui fabriquent et vendent les semences et les herbicides qui leur sont associées : double bénéfice ! En même temps le prix des semences de soja GM tolérant au Roundup de Monsanto augmentait de plus de 230 % entre 2000 et 2010. Une situation de quasi-monopole permet de faire  régner sa loi. Les grandes firmes (Monsanto, Bayer, Syngenta, BASF, Dupont) déposent des centaines de brevets sur des gènes dépistés dans les plantes naturelles, celles sélectionnées depuis 10 000 ans par les paysans, dans le but de les inclure dans des plantes transgéniques, lesquelles seront payantes. Avec la découverte de l’ADN et du code génétique il y a un demi-siècle, la conception mécaniste du monde vivant a été stimulée chez les scientifiques, négligeant la complexité propre au fonctionnement interne des organismes et à leurs relations avec l’environnement. La sensation d’être capable de maîtriser les phénomènes biologiques est devenue arrogance. Prétendre que la transgenèse est « sous contrôle » relève de l’idéologie… ou de l’inconscience. Peut-on encore se fier au seul jugement des experts alors que les liens qui les portent à défendre l’innovation sont reconnus partout ? Outre les conflits d’intérêts économiques, la défense globale du progrès occupe l’expert, parfois viscéralement quand il s’agit d’évaluer un objet qui résulte en partie de sa propre activité inventive.

L’hyperspécialisation des chercheurs est aussi en cause : un généticien moléculaire est incapable d’apprécier les phénomènes liés à l’environnement et encore moins à l’économie rurale ou à la culture paysanne. Imagine-ton une agriculture paysanne fonctionnant avec des PGM ? Les paysans du Niger sélectionnent leurs semences de mil pour s’adapter au fil du temps à la sécheresse qui progresse très vite ; les processus technologiques de PGM, longs, coûteux et propriétaires, sont définitivement incompatibles avec la nécessité de réagir vite et de façon adaptée aux changements climatiques. Nul besoin de PGM pour la conversion nécessaire de la recherche agronomique aux modèles alternatifs et de proximité (agroécologie, agroforesterie, réduction de l’alimentation carnée, etc.).

Un mouvement pour démocratiser la technoscience apparaît dans les laboratoires comme dans la société. Il faut viser la pluridisciplinarité en sollicitant pour l’expertise des personnes compétentes dans des disciplines « non scientifiques » afin d’apporter un éclairage indispensable sur le sens et la portée de l’innovation (aspects socio-économiques, écologiques, juridiques, culturels, etc.) Mais c’est la conférence de citoyens qui nous semble le meilleur outil. C’est d’ailleurs sur le thème des OGM que le Parlement avait organisé en 1998 la première conférence de citoyens en France. Un jury de citoyens tirés au sort avait reçu une formation la plus complète possible, répartie sur plusieurs week-ends, et de contenu délibérément contradictoire. Ce jury avait exprimé plusieurs propositions pertinentes, entre autres l’exigence que toute la recherche nécessaire soit menée et achevée en laboratoire confiné avant dissémination dans les champs, ou que toute culture de PGM ne soit autorisée qu’à condition que ses conséquences éventuelles soient couvertes par un système d’assurance. Quinze ans après, ces mesures n’ont toujours pas d’effet réglementaire ! »

* Gomez-Barbero et Rodrigez-Cerezo, Economic impact of dominant GM crops worldwide : a review, décembre 2006

(CNRS éditions, 76 pages, 4 euros)

9 réflexions sur “à qui profitent les OGM ? Un livre de Jacques Testart”

  1. Wackes Seppi

    M./Mme Biosphère (…)

    NB : de la part des modérateurs du blog @ Wackes Seppi
    Vous envahissez l’espace, votre post originel avait atteint plus de 5100 caractères ! Nous l’avons donc réduit au maximum autorisé sur le monde.fr, soit 500 caractères. Votre commentaire devient :
    « Merci de me faire l’honneur de relever que je n’ai pas démontré l’utilité des PGM… Ce n’était nullement mon intention !
    Reprenons en bref :
    1. Non, je ne veux pas un renversement de la charge de la preuve.
    2. Non, je ne dénigre pas. Je constate.
    3. Non, je ne minimise pas « l’aliénation du système agro-industriel qui pèse sur les paysans ».
    4. Non, je n’attaque le CNRS.
    Pour le « débat démocratique », il y a des références historiques qui m’invitent à rejeter catégoriquement cette notion. »

  2. Apis mellifica

    Les OGM ne sont qu’une matérialisation de plus du système technicien et un pur produit d’un mode d’organisation sociale capitaliste (permettant entre autre de rendre captif un marché mondial en déposant des brevets sur des plantes).

    Ces soi-disant débats avec les petits soldats de l’ordre techno-scientiste – qui défendent les OGM avec la même hargne que le nucléaire – ont quelque chose d’écœurant et de risible à la fois : prétendre régler un problème de nature politique avec des « solutions » techniques est stupide et vain.

    « l’aliénation consiste à être l’allié de ses propres fossoyeurs » disait Milan Kundera.

    Bonne continuation à tous dans un monde où il est hors de question d’arrêter le progrès, voire de le redéfinir…

  3. Apis mellifica

    Les OGM ne sont qu’une matérialisation de plus de la système technicien et un pur produit d’un mode d’organisation sociale capitaliste (permettant entre autre de rendre captif un marché mondial en déposant des brevets sur des plantes).

    Ces soi-disant débats avec les petits soldats de l’ordre techno-scientiste – qui défendent les OGM avec la même hargne que le nucléaire – ont quelque chose d’écœurant et de risible à la fois : prétendre régler un problème de nature politique avec des « solutions » techniques est stupide et vain.

    « l’aliénation consiste à être l’allié de ses propres fossoyeurs » disait Milan Kundera.

    Bonne continuation à tous dans un monde où il est hors de question d’arrêter le progrès, voire de le redéfinir…

  4. Wackes Seppi

    Si, plutôt que de nous épuiser à insinuer la malignité des plantes transgéniques, on exigeait de ceux qui veulent nous les refuser de démontrer leurs défauts ? Messieurs les bienfaiteurs autoproclamés de l’humanité, s’il vous plaît, dites-nous ce que vous savez aujourd’hui ! Ne vous contentez pas de prédire des lendemains qui pleurent à cause du gène dévastateur qui ferait mourir l’Homme et la planète…
    On peut continuer ainsi.Cet opuscule est un concentré de sophismes, de contre-vérités, voire de mensonges.
    Que M. Testart et ses coreligionnaires nous disent pourquoi plus de 17 millions d’agriculteurs qui cultivent des PGM sur plus de 170 millions d’hectares se trompent selon lui. Et ceux qui cultivent des semences de contrebande. Et ceux qui manifestent en Inde quand les disponibilités en semences GM ne correspondent pas à la demande, leur demande.
    Et les producteurs hawaïens de goyaves transgéniques résistantes au Ringspot…
    Et aussi les éleveurs marocains qui préfèrent le maïs GM espagnol au conventionnel français.
    Les extraits reproduits ci-dessus démontrent à l’envi l’absence de profondeur de la réflexion et le caractère propagandiste du texte.
    En quatrième de couverture, l’éditeur – le CNRS ! Quelle honte pour la science française ! – a retenu :
    « Les plantes transgéniques permettent-elles de disposer de produits moins coûteux ? De meilleure qualité ? De meilleur goût ? Se conservant mieux ? Bénéfiques pour la santé ou pour l’environnement ? Voilà les questions que la stratégie des entreprises de biotechnologies a permis que l’on ne se pose pas. »
    Que M. Testart – et le CNRS tant qu’à faire – nous explique comment les entreprises s’y sont prises pour – en dernière analyse – nous interdire de nous poser ces questions.
    Qu’il nous explique comment il a pu écrire ça alors qu’il est tout imprégné par la littérature de ses coreligionnaires qui se sont évertués à « démontrer » que les PGM n’ont aucun intérêt.

    1. Bonjour Wackes Seppi
      Nous vous faisons simplement remarquer que votre texte ne démontre nullement l’utilité des PGM.
      Vouloir renverser la charge de la preuve, dénigrer par la parole l’opuscule de Testart, minimiser l’aliénation du système agro-industriel qui pèse sur les paysans, attaquer le CNRS ne fait que démontrer une chose : le débat démocratique en France sur la techno-science est faussé, il faudrait d’autres procédures de réflexion… Sur ce point, Jacques Testart (anti-OGM) et Alain Deshayes (pro-OGM) sont bien d’accord. Et vous ?

  5. Ben moua je trouve que ce qu’écrit bob a du bon sens.
    Sinon, « les scientifique [négligent] la complexité propre au fonctionnement interne des organismes et à leurs relations avec l’environnement.»
    Non c’est clairement faux. Tout est « system biology » maintenant. Testart a 20 ans de retard.

  6. Non, je rêve, pas lui, pas bob le bavard, bob le fat, bob le VRP des PGM…

  7. Non, je rêve, pas lui, pas bob le bavard, bob le fat, bob le VRP des PGM…

  8. «Ne vous contentez pas de prédire des lendemains qui chantent grâce au gène miraculeux qui ferait pousser des plantes sur les sables du désert.»
    Seul un naïf pathologique peut croire cela. Par contre les OGM et la sélection vont permettre de meilleurs rendements en cas de stress hydrique. Suffit de voir les travaux du CIMMYT.
    «la coexistence des PGM avec les autres plantes, même si cet arrangement est définitivement impossible sans préjudices irréversibles
    Pourquoi, et quels sont les préjudices? Je rappelle que Séralini dans son «étude» arrive à cultiver PGM et conventionnel.
    Je cite: « These two types of maize were grown under similar normal conditions, in the same location, spaced at a sufficient distance to avoid cross-contamination.»
    Testart l’agronome aurait-il des leçons à recevoir de l’International Scientist of the Year 2011 alias Séralini?
    «Ces PGM modifient fortement l’économie agricole (brevets, productivisme…)»
    Les brevets ne datent pas des PGM, ni le productivisme d’ailleurs.
    «le rapport à la nature (fonction du paysan, biodiversité…)»
    Ah bon et en quoi ce rapport change avec les PGM? En quoi la culture de PGM respecte-t-elle moins la biodiversité que le conventionnel?
    «Les PGM profitent un peu à des gros agriculteurs (surtout par économie de main d’œuvre) et beaucoup aux firmes qui les fabriquent et les vendent
    Des chiffres? Si le bénéfice est si minime pourquoi 16,7 millions d’agriculteurs en utilisent-ils en 2011?
    «En l’absence d’intérêts démontrés des PGM pour les populations, la balance bénéfice/risque leur est clairement défavorable
    C’est étrange, juste en bas il dit qu’on peut limiter l’usage des pesticides…
    «Une étude de la Commission européenne* affirmait dès 2006 que les PGM n’ont d’intérêt que pour économiser le temps de travail et diminuer le recours aux pesticides (du moins durant les 3 premières années puisque de nouveaux parasites apparaissent ensuite, comme Darwin l’avait prévu..) mais absolument pas pour augmenter les rendements.»
    Encore une fois, Testard l’agronome fait semblant de comprendre l’intérêt des PGM.
    Et puis ce serait bien qu’il développe un peu sur l’apparition de nouveaux «parasites»… Des chiffres pour comparer ce qu’il se passe dans un champ PGM face à un champ conventionnel?
    «A ceux qui prétendent que les Américains consomment des PGM sans problèmes, j’ai coutume d’opposer, par dérision, que c’est là la cause de leur obésité, une affirmation tout aussi invérifiable
    Et les Brésiliens, les Argentins et les Canadiens, là aussi leur obésité est due aux OGM? Testart l’agronome, phytopathologiste est aussi médecin spécialiste de l’obésité (dérision…).
    «Après une quinzaine d’années de cultures commerciales, le marché est piloté par des compagnies multinationales qui fabriquent et vendent les semences et les herbicides qui leur sont associées : double bénéfice ! »
    Et le brevet du Round-up il a expiré quand? Quid des coops qui vendent aussi des PGM? Tous capitalistes tous pourris? Testart est aussi agroéconomiste! Dieu qu’il est intelligent.
    «Avec la découverte de l’ADN et du code génétique il y a un demi-siècle, la conception mécaniste du monde vivant a été stimulée chez les scientifiques, négligeant la complexité propre au fonctionnement interne des organismes et à leurs relations avec l’environnement
    C’est osé de dire ça quand on a inventé la FIV! Testart, surdiplômé et comique. À quand un spectacle avec Séralini et Vélot?

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