Il était malthusien, LE MONDE* n’en dit rien. Dans la rubrique « Disparitions », Albert Jacquard est présenté comme généticien, humaniste et militant de gauche. Mais il a été aussi décroissanciste et malthusien :
– Je me souviens de ma dernière rencontre avec René Dumont, qui semblait avoir perdu tout espoir dans l’avenir de notre espèce : « L’homme est le pire danger pour tout ce qui peuple la planète. Lorsqu’il disparaîtra, les autres vivants pourront se réjouir de l’élimination du plus inquiétant des prédateurs. » Ce pessimisme est hélas lucide. C’est donc, dès maintenant, non pas une croissance zéro comme l’avait proposé le Club de Rome, mais une décroissance de la consommation des plus riches qui est nécessaire. Cette perspective n’a rien de sombre, à condition qu’elle soit accompagnée d’un développement des activités qui ne détruisent pas les richesses de la planète. (Mon utopie, Stock 2006)
– L’humanité est réellement prise à la gorge par l’accroissement de son effectif. Il ne s’agit plus d’éviter la disparition de l’espèce par une insuffisance de fécondité mais par excès de celle-ci. Un nouveau devoir s’impose : gérer l’effectif des hommes. Une maîtrise démographique ne peut être réalisée sans de profondes déchirures ; c’est le cœur même de nos cultures qui est en cause. Toutes devront procéder à une remise en cause douloureuse et tout particulièrement la nôtre dont la responsabilité est la plus décisive puisqu’elle sert, provisoirement, de modèle aux autres. Ce qui est arrivé à la Chine nous enseigne que les mesures à prendre pour échapper à la sursaturation humaine sont d’autant plus sévères que celle-ci est plus rapprochée. Devant les dangers d’une Terre saturée d’hommes, la tentation est grande de renoncer peu à peu à ce luxe inutile qu’est la liberté. La solution de tous les problèmes sera aisément obtenue au moyen d’une organisation pyramidale aussi bien à l’intérieur de chaque nation (quelques princes régneront sur une foule asservie) qu’entre les nations. On peut craindre d’être déjà engagé dans cette voie qui, à terme, élimine toute liberté. Dans quelques siècles, la fécondité des hommes leur sera peut-être imposée, la gestion de leur effectif résultera des calculs de quelques ordinateurs. (l’Explosion démographique – éd. Le Pommier 2006)
Ce n’est pas anodin que LE MONDE ne voit dans Albert Jacquard que son militantisme présentable, Droit au logement, lutte contre le nucléaire civile et militaire, positionnement par rapport au FN et la croyance aux inégalités génétiques. Il y a des sujets qu’il faut éviter quand ils fâchent…
* LE MONDE du 14 septembre 013, Albert Jacquard, généticien, humaniste et militant de gauche
(né en 1925, mort le 11 septembre 2013)