A lire LeMonde, nous avons l’impression d’une éternelle abondance : « Vendez l’or et investissez tout dans le charbon. »… « La demande de charbon devrait tripler en Inde d’ici à 2030 ». Dans l’article* de Julien Bouissou, aucune interrogation sur la pérennité de cette ressource fossile et sur ses effets néfastes sur le réchauffement climatique. Comme toujours, les nécessaires économies d’énergie sont occultées au profit de l’euphorie des marchés (« Coal India valorisée à 28,3 milliards d’euros » !). Julien Bouissou devrait lire d’urgence Blackout, Coal, Climate and the Last Energy Crisis** de Richard Heinberg.
Après son livre de 2003 sur le pic pétrolier, Richard Heinberg se consacre au pic charbonnier : la production de charbon suit la même courbe que la production de pétrole. Elle aussi commence par augmenter, atteint un maximum, puis décline inexorablement au fur et à mesure que les gisements s’épuisent. Les chiffres officiels ignorent généralement les différentes qualités de charbon ou les présentent d’une manière exagérément simplifiée, ce qui donne une fausse impression d’abondance. Il n’empêche que le pic charbonnier chinois aura lieu entre 2015 et 2032, aux USA entre 2025 et 2040 …
Heinberg conclut que le charbon est suffisamment abondant pour avoir un impact conséquent sur le climat mais ne l’est pas assez pour remplacer durablement les autres énergies fossiles une fois qu’elles auront commencées à décliner. Après 2020 la stagnation puis le déclin de la production de charbon, combinée avec le déclin accéléré de la production de gaz et de pétrole touchera toutes les économies thermo-industrialisées. Entre 2030 et 2040, le commerce du charbon cessera presque totalement et la production de pétrole sera devenue marginale et essentiellement consommée sur place. Les coupures d’électricités deviendront la norme et l’activité industrielle disparaîtra progressivement. Les infrastructures mal entretenues s’effondreront tandis que le manque de carburant bloquera les communications. Les investissements dans les énergies renouvelables seront devenus impossibles, faute de moyens. Le niveau de vie baissera de manière dramatique. Seules les nations disposant de ressources fossiles ou d’une solide agriculture de subsistance pourront survivre. Partout ailleurs, l’ordre social disparaîtra et les gouvernements cesseront de fonctionner.
Comme disait le Sheikh Rashid ben Saïd al-Maktoum, émir de Dubaï : « Mon grand-père se déplaçait en chameau. Mon père conduisait une voiture. Je vole en jet privé. Mes fils conduiront des voitures. Mes petits-fils se déplaceront en chameau »***.
* LeMonde du 5 novembre 2010, En Inde, le plus gros producteur mondial de charbon…
** http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/richard-heinberg-pic-charbonnier-60648
*** in Pétrole, la fête est finie de Richard Heinberg (Résistances, 2008)