Pour déterminer si un comportement est naturel ou culturel, on peut envisager deux critères. Si ce comportement est universel chez une espèce, il s’agit sans aucun doute d’un conditionnement génétique. Montrer que ce comportement est relatif, variable selon les individus, serait donc une preuve de conditionnement culturel. Il suffit alors de mettre à jour l’apprentissage social d’un comportement pour déterminer d’où il vient. C’est ce que fait Christine Rollard, une spécialiste des araignées au Muséum national d’histoire naturelle. Son dernier ouvrage, cosigné avec le psychothérapeute Abdelkader Mokeddem, s’intitule « Je n’ai plus peur des araignées ». Extraits de son discours :
« La réaction de peur n’est pas ancestrale mais culturelle, car elle n’existe pas partout dans le monde. Dans la plupart des pays qui ont une approche de la nature différente de la nôtre, avec une connaissance des animaux et des plantes plus fine, cette image négative n’apparaît pas. D’où provient la peur des araignées dans la culture occidentale ? On ne le sait pas précisément, mais il s’agit sans doute d’un phénomène ancien. Les écrits en témoignent, cela fait longtemps que l’araignée y est associée à quelque chose de méconnu, nocturne et invasif. Cette crainte a par la suite été amplement entretenue par les médias et les productions cinématographiques. On ne compte pas les films ou les araignées sont exploitées pour déclencher l’effroi et l’horreur ; on oublie, en revanche, que les araignées, pendant que nous dormons, nous débarrassent des moustiques et d’autres petits insectes dont elles se nourrissent. Certains naturalistes amateurs sont captivés par la diversité de ces animaux (plus de 48 250 espèces dans le monde, réparties en 120 familles !). Les araignées ont la caractéristique d’être toutes carnivores et venimeuses. Pour autant, aucune araignée n’est mortelle pour l’homme. En général, elles n’injectent pas de venin, produit précieux qu’elles gardent uniquement pour attaquer leurs proies. Enfin, quand bien même elles en injecteraient, celui-ci est très peu actif sur les gros mammifères que nous sommes. »*
Un des problèmes de l’écologie, c’est cet affrontement artificiel entre nature et culture. Même s’il n’y a aucun danger objectif comme dans le cas des araignées, on peut avoir très très peur. Voir un serpent en tétanise plus d’un. Paradoxalement, même si le péril est immense, on peut socialement le nier, ainsi du réchauffement avec les négationnistes du climat. Les attaques virulentes contre ceux et celles qui essayent de faire leur travail de conscientisation comme Greta Thunberg montrent que nous n’affronterons la réalité de nos peurs que quand la planète aurait basculé vers des conditions de vie insoutenables. Voir Bolsanoro se réjouir intérieurement de l’Amazonie en feu est un triste symbole de nos aveuglements culturels. Il nous faut oeuvrer de toute urgence pour la réconciliation de la Nature et de nos cultures.
* LE MONDE du 24 août 2019, Christine Rollard : « La peur des araignées n’est pas ancestrale mais culturelle »
« Même s’il n’y a aucun danger objectif comme dans le cas des araignées, on peut avoir très très peur. Voir un serpent en tétanise plus d’un. »
Pas tout à fait d’accord. Il existe tout de même des serpents et araignées très dangereux.
Je pense que cette peur, qui existe aussi dans le cas d’animaux domestiques (bien des gens ont peur d’un gros chien lorsqu’ils
Sont seuls face à lui), vient aussi du fait qu’elles nous ramènent à notre animalité. Et que malgré nos connaissances et notre technologie un homme est vulnérable face à un serpent, la morsure d’un pitbull ou la piqûre d’une veuve noire.