LeMonde économie du 26 mai célèbre la dixième édition du Prix du meilleur jeune économiste. Eric Fottorino vante l’économie qui « structure l’existence et le devenir de nos sociétés », mais constate aussi que « la crise majeure (des bulles financières) témoigne du grave décalage survenu entre les acteurs de l’économie et les réalités concrètes ». Ce n’est pas d’un décalage qu’il devrait parler, mais d’un gouffre, car l’impérialisme de l’économie nous fait penser et agir comme des aveugles. Il est stupéfiant de constater que les économistes plus ou moins jeunes ignorent complètement les véritables réalités concrètes, à savoir les processus qui gouvernent la biosphère, les matières et l’énergie que nous extrayons du sous-sol, les déchets que nous rejetons dans les milieux, et l’environnement dans son ensemble. La fable de l’économie telle que l’exposent les théoriciens de la crise financière en fait un système circulaire d’échanges de valeurs entre la sphère des entreprises, la sphère des ménages et le système des prix. Comme l’exprime Yves Cochet, c’est un système conceptuellement clos. Une plus juste représentation des réalités humaines est celle de trois cercles concentriques : le petit cercle économique au milieu, inclus dans le moyen cercle du social, lui-même contenu dans le grand cercle de l’environnement naturel.
Pour nous aider à comprendre ce qui se passe, et dépasse les économistes, il faut sortir des ornières d’une discipline qui se considère comme espace autonome. Thomas Philippon, l’un des deux lauréats cette année, approche la vérité : « La plupart des économistes n’ont pas vu venir la crise par manque de vision d’ensemble ». Mais il se cantonne au manque de liaison entre les experts de la consommation, du marché immobilier et du prix des actifs financiers, sans s’intéresser le moins du monde aux tendances biophysiques qui poussent nos sociétés vers des catastrophes écologiques à répétition !
Il nous faudrait une analyse d’ensemble qui mette en relation autant les jeunes économistes que les spécialistes de la biodiversité, du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources halieutiques, de la baisse des rendements agricoles, du malaise social, etc., etc. Sans cette approche systèmique, nous courons de plus en plus vite vers la crise ultime.
Sauf que plutôt que l’interdisciplinarité, c’est la tendance à la colonisation des enceintes institutionnelles par les économistes qui se poursuit. Pour un exemple en matière de « développement durable » : http://yannickrumpala.wordpress.com/2008/12/05/confirmation_de_tendance/