Pierre-Antoine Delhommais* a tort. Ce n’est pas parce que Cantona est un pur produit du système que ce qu’il prescrit n’a pas de sens ! Delhommais critique Eric Cantona pour ce discours : « Pour parler de la révolution, on va pas prendre les armes, on va pas aller tuer des gens. Il y a une chose très simple à faire. Le système tourne autour des banques, il est bâti sur le pouvoir des banques. Donc il peut être détruit par les banques. Au lieu d’aller dans les rues, tu vas à la banque de ton village, tu retires ton argent, le système s’écroule. Pas d’arme, pas de sang… » Agir brutalement n’est jamais bon, mais ne plus laisser son argent dans les banques affairistes est réaliste.
Notre argent n’est pas en sécurité dans les banques. Depuis la démonétisation de l’or, l’argent n’est qu’une valeur fiduciaire, c’est-à-dire que cet instrument de paiement repose sur la confiance que les gens lui donnent. Un billet de banque n’est qu’un bout de papier, un chèque ne correspond qu’à une ligne de compte, une carte bancaire n’est utile que si le réseau électrique ne tombe pas en panne. La dématérialisation progressive de la monnaie, son passage de l’or à la monnaie électronique est une vraie menace. Non seulement on ne perçoit plus à quoi correspond nos fonds, mais la pyramide de crédit que traficote nos banques peut s’écrouler du jour au lendemain (cf. crise des subprimes).
De plus les banques font « travailler » notre argent. C’est à dire qu’elles le placent dans des activités économiques ou financières dont nous ne sommes plus maître. Les banques financent des activités diverses qui sont plus ou moins émettrices de carbone. LeMonde** titrait il n’y a pas longtemps : « Diminuez l’empreinte carbone de votre épargne » ! Il est donc préférable de dépenser son argent immédiatement, soutenir une AMAP, financer un chauffe-eau solaire sur son toit, et donner son surplus financier à Greenpeace ou une autre association écolo. Les gens doivent se réapproprier leur argent.
« Se réapproprier l’argent » est le dixième point rajouté par Serge Latouche*** à son programme politique. Dans la transition vers une civilisation de l’après-pétrole, il convient d’encadrer l’activité des banques et de la finance, en finir avec la titrisation des crédits ou l’excès des effets de levier. Les flux monétaires devraient rester le plus possible là où ils ont été engendrés tandis que les décisions économiques devraient être prises à l’échelon local. Le développement des monnaies alternatives, locales ou biorégionales, selon des formules diverses, participe de cet objectif et constitue un puissant levier pour relocaliser. Le palmas brésilien, le chiemgauer allemand ou l’abeille française encouragent l’achat local et interdisent la spéculation****. Même le patron de Goldman Sachs aurait le droit (le devoir ?) de se lancer dans une croisade en faveur de banques relocalisées.
* LeMonde du 5 décembre 2010, d’Eric the King à Eric le Rouge
** LeMonde, supplément économie du 23 novembre 2010
*** Le pari de la décroissance, préface de juin 2010
**** LeMonde magazine, les frappés de la monnaie locale (4 décembre 2010)
2 façons de relocaliser les échanges :
– SEL (système d’échange local ou Local Exchange and Trading System) : les membres d’une association locale échangent des biens et des services comme s’il s’agissait d’un système de troc ou crédit mutuel. En fait, cela se concrétise souvent par une monnaie locale, convertible ou non dans une monnaie nationale, fongible ou non au cours du temps.
– Banques de temps : les services ou savoirs sont exprimés en unités de temps (Time Dollar aux USA, Banca del Tempo en Italie). L’unité monétaire correspond généralement à une heure de travail. Se pose alors le problème de l’équivalence entre heures de travail : une heure pour tailler un haie est-elle l’équivalent d’une heure pour une leçon de piano ?
Cela permettra peut etre de poser les vraies questions au sujeet de la finance.