Dans sa chronique, Eric Le Boucher (LeMonde du 31.03.2008) épouse parfaitement les thèses de Peter Mandelson commissaire européenne au commerce extérieur, qui proclame : « Je défendrai le libre-échange jusqu’à mon dernier souffle. » D’abord cette position rigide n’est aucunement une pensée ouverte : faudrait-il toujours s’ouvrir aux marchandises, et jamais adopter une idée nouvelle ! D’ailleurs, dans « Système national d’économie politique » paru en 1841, Frédéric List (naît dans le Wurtemberg actuel) pensait déjà que les libéraux se trompaient en croyant qu’il existait des lois générales de l’économie en tout temps et en tout lieu. Pour lui, l’évolution économique de chaque pays dépend de son évolution politique et culturelle. Aussi, on ne pouvait présenter le libre-échange comme modèle incontestable à une Allemagne ravagée par les guerres napoléoniennes et politiquement éclatée.
En fait List n’était qu’un libre-échangiste différé : son idéal d’avenir restait l’industrialisation (protection des industries naissantes), c’est-à-dire tout ce qui détruit les ressources de la planète. Nous sommes dans une économie qui s’est mondialisée parce que l’idéologie libérale a pris le dessus et que le transport est resté trop longtemps trop peu coûteux. Cela ne va pas durer. Beaucoup d’experts commencent à faire un lien entre démondialisation et pétrole cher. Aujourd’hui c’est Pascal Lamy, ancien commissaire européen chargé du commerce international, qui nous fait rêver. Directeur général depuis 2005 de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), qui indique dans le Nouvel Observateur du 14 décembre 2006, « la Terre en danger » :
« L’histoire nous a donné une leçon, quand il y a perception du danger, les hommes s’organisent pour y faire face. De ce point de vue, le mouvement écologique a apporté sa contribution à la perception de ces dangers. Cette conscience est plus forte qu’hier et elle progresse. Dans ses principes, l’OMC prévoit que le développement des échanges doit contribuer au développement durable. Vous avez donc le droit, au nom de la protection de l’environnement, d’instituer certains obstacles aux échanges. C’est parfaitement légal dans le système de l’OMC. Même si, comme partout en politique, il y a des arbitrages à faire entre les différentes urgences, entre la liberté et la sécurité, entre la pauvreté et le développement, entre l’environnement et la croissance (…) Les pays ne peuvent aboutir à un accord que si les uns et les autres font des compromis. C’est compliqué et difficile. Mais nécessaire si on veut que cette planète préserve elle-même son intégrité, notamment environnementale. »
Dans le journal Le Monde, c’est la pensée dominante, celle de Mandelson Le Boucher, qui est exprimée sans nuances dans un article qui conclut : « L’ouverture, c’est la croissance ». Ce sera donc la croissance et le libre échange contre l’environnement.