L’industrie nautique française subit les effets de la crise économique, le marché est en chute de 20 à 30 % (LeMonde du 30.06.2008). Tant mieux ! Enfin on s’aperçoit que le bateau n’est pas un produit de première nécessité. Zodiac Marine ferme trois de ses sept sites de production en Europe, les amateurs de balades dans les criques se montrent de plus en plus regardant sur les prix, et le coût de l’essence continue de grimper. Tout va mal, tant mieux !
Du point de vue de l’éthique de l’environnement, le choix de nos loisirs n’est pas neutre. Bien que nous considérions le choix entre le bateau à moteur et la planche à voile, comme une pure question de goût, la différence est essentielle : le bateau à moteur suppose la consommation de carburants fossiles et l’émission de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ; la planche à voile, non. Quand nous aurons pris au sérieux la nécessité de protéger notre environnement, les bateaux ne seront pas une forme de divertissement plus acceptable d’un point de vue éthique que ne le sont aujourd’hui les combats d’esclaves. La planche à voile est peut-être préférable au bateau à moteur, mais si nous achetons sans cesse de nouvelles planches à voile au gré des changements de mode du design (ou si nous allons à l’océan en voiture), la différence devient négligeable.
Nous devons réviser notre conception du luxe. Une petite virée à la campagne est une dépense inutile de carburants qui contribuent à l’effet de serre. Durant la Seconde guerre mondiale, quand le pétrole était rare, on lisait sur des affiches : « Votre voyage est-il réellement nécessaire ? » Le danger du CO2 sur notre environnement est certes moins visible, mais la nécessité de supprimer les bateaux de plaisance et autres formes de consommation superflue est tout aussi grande. L’apologie d’un mode de vie plus simple ne signifie pas que l’éthique de l’environnement réprouve tous les plaisirs, mais ceux qu’elle valorise ne doivent pas provenir d’une forme de consommation spectaculaire. Ils tiennent au contraire aux relations personnelles et sexuelles épanouies, à l’affection des enfants et des amis, à la conversation et aux divertissements pratiqués en harmonie avec l’environnement, et non à son détriment ; et à la jouissance des espaces sauvegardés de la biosphère où nous vivons. Aucune morale nouvelle ne s’est développé pour répondre à la menace pour notre survie de la prolifération des êtres humains, ajoutée aux sous-produits de la croissance économique.
Une éthique de l’environnement placerait la vertu dans le fait de sauver et recycler les ressources naturelles, et le vice dans leur dilapidation extravagante et gratuite.