« La sécheresse vient d’entrer dans sa quatrième année en Californie. Le gouverneur Jerry Brown a décrété un rationnement général et obligatoire de 25 % de l’eau potable, et on a cessé d’arroser les pelouses : « Brown is the new green ». On est passé des amendes pour pelouses mal entretenues aux amendes pour tous ceux qui n’auront pas réduit leur consommation. Les citoyens décortiquent les quantités d’eau qui sont entrées dans leur consommation. Un hamburger : 2 300 litres ; un verre de vin : 121 litres… Et les amandes ! Plus personne n’ignore qu’il faut plus de 3 litres d’eau pour faire pousser une seule amande. Les piscines ne peuvent plus être vidangées. Il faut contribuer à l’effort général, afficher une certaine solidarité avec les zones agricoles dont le robinet s’est tari. Les riches qui « peuvent payer les amendes », sont dans la ligne de mire. Les collectivités locales ont ouvert des pages Web où chacun peut dénoncer les gaspilleurs qui arrosent en dehors des heures autorisées ou lavent leur voiture à grands jets. »*
Le rationnement obligatoire en Californie est un débat qui va se généraliser au fur et à mesure que les ressources naturelles vont se raréfier : l’eau, les combustibles fossiles, les métaux, les terres arables, etc. Ne plus pouvoir montrer sa pelouse bien verte n’est pas bien grave, mais ne plus avoir d’essence pour faire bouger sa voiture remet en question toute notre civilisation. Sur ce blog nous préparons les esprits au rationnement carbone (la carte carbone).
En France, le rationnement fait presque immédiatement penser aux heures sombres de la Seconde guerre mondiale. Mais au Royaume-Uni, les choses sont différentes : là aussi le rationnement est associé à la période de guerre, mais si le rationnement a été une période difficile, il a été aussi l’un des principaux instruments grâce auxquels la démocratie a pu s’organiser pour traverser la tourmente des pénuries. Le rationnement doit sa mauvaise réputation à son association à l’idée de pénurie… alors qu’il est une réponse à la pénurie, et non sa cause. En fait le rationnement présente deux aspects qui, tout en étant liés, sont bien distincts : d’une part la garantie d’un minimum de partage, et d’autre part la limitation de ce que les gens sont autorisés à consommer. Beaucoup d’entre nous rejetons le second aspect, mais en temps de pénurie nous exigerons le premier ! Et nous nous occuperons de notre potager au lieu de tondre la pelouse !
* LE MONDE du 24-25 mai 2015, Californie, gazon maudit