Bioéthique, qui a le droit de vivre… ou de mourir ?

Qui a le droit de vivre et qui a le devoir de mourir ? C’est la bioéthique qui est censée nous donner des réponses sur la fin de vie, la procréation médicalement assistée, le clonage, etc. Un Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a été créé en 1983 pour mieux baliser le terrain. Les premières dispositions législatives ont été prises en 1994 avec l’adoption de trois lois sur la bioéthique. L’une d’entre elles prévoyait que la procréation médicalement assistée ne peut avoir pour objet que de traiter une stérilité ou d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie génétique grave. En outre, elle était réservée aux couples hétérosexuels vivants, en âge de procréer et vivant ensemble depuis au moins deux ans, l’un des gamètes au moins devant provenir d’un des deux partenaires. L’éthique change avec l’évolution des mœurs, très rapidement aujourd’hui, trop rapidement. En juin 2017, le CCNE s’est déclaré cette fois favorable à l’insémination avec donneur de femmes seules ou homosexuelles. Plus de référence aux couple hétérosexuels, la loi sur le mariage pour tous est passé par là.

Il n’y a actuellement aucune stabilité dans la définition des valeurs qui régissent nos comportements, même en matière de vie et de mort. En l’absence de données scientifiques qui puissent fonder nos conceptions de la naissance et du décès, tout devient possible. Il suffit qu’une majorité d’opinion semble se dégager pour qu’un gouvernement à la recherche du buzz lui emboîte le pas. Or la démocratie suppose la prise en compte d’avis éclairés plutôt que d’opinions, c’est là une condition nécessaire pour définir le bien commun. L’illusion en matière d’éthique est qu’une solution « juste » pourrait résulter du déballage non dosé des intérêts, des convictions, des impressions, et des espoirs. Aujourd’hui le président Macron met en place des États généraux de la bioéthique* sur la période du 18 janvier au 7 juillet 2018 : « Ce sera un vrai débat philosophique dans la société. » Sauf qu’une assemblée ouverte à tous peut être un lieu précieux d’information mais ne se prête pas au recueil d’un « avis citoyen ». Il faudrait pour cela s’assurer préalablement que les citoyens consultés représentent un échantillon représentatif de la population, qu’ils ne portent pas d’intérêts particuliers, et qu’ils sont tous suffisamment informés avant de s’exprimer. Ce n’est pas le cas pour ces États généraux. L’objectif est d’ouvrir le débat le plus largement possible, ce qui ne peut qu’entraîner la confusion générale. Le président du CCNE qui pilote ce fourmillement n’a voulu exclure aucun sujet, l’essentiel va se noyer dans les détails. On laissera s’exprimer ceux qui ont un avis tranché et souvent non négociable comme les représentants des diverses religions, l’association « La Manif pour tous » (opposée à toute évolution de la loi), l’association des familles homoparentales… Rien n’est prévu pour permettre la réflexion de chacun. Le consensus est impossible car chacun aura ses raisons d’avoir raison contre tous les autres. Il faudrait donc prendre la question éthique autrement.

Où sont les limites, limite de l’intervention de l’État sur nos vies, limite de l’utilisation des techniques, limite aux intérêts économiques et financiers ? On ne pourra pas définir de limites dans le cadre de délibérations sociales glorifiant la toute-puissance de l’espèce humaine. Il faut donc faire appel à des contraintes externes, imposées par la nature. L’activisme humain perturbe toutes les lois de la nature, les cycles de l’eau, du carbone, du phosphore, et même celles de la naissance et de la mort. Donner la vie malgré sa stérilité n’est que l’aboutissement d’une civilisation techno-industrielle qui donne aux humains la possibilité d’échapper à l’équilibre naturel dynamique qui empêche une espèce de proliférer continuellement au détriment de son milieu. L’avenir n’est pas à obtenir un enfant à tout prix, mais à faire moins d’enfants. L’avenir n’est pas à vivre 1000 ans, mais à savoir reconnaître et accepter quand vient l’heure de notre mort. Nous devrions avoir la lucidité de pouvoir choisir les techniques qui nous mettent en conformité avec les lois de la nature. Si nous ne le faisons pas, la pénurie énergétique nous obligera de toute façon à aller vers une éthique plus proche de nos aptitudes physiques directes sans passer par les structures médicales, institutionnelles ou technologiques. Il y a des techniques dures comme le DPI (diagnostic préimplantatoire) et les mères porteuses. Il y a des techniques douces comme le préservatif ou le stérilet. Il y a des techniques dures comme les soins palliatifs reliés à des tuyaux. Il y a le droit de mourir dans la dignité.

* LE MONDE du 7-8 janvier 2018, Bioéthique : des États généraux pour ouvrir le débat le plus largement possible

3 réflexions sur “Bioéthique, qui a le droit de vivre… ou de mourir ?”

  1. @Baumgartner
    Si problème il y a, il n’est pas nécessairement là où vous le voyez.
    La médecine dite « de pointe » n’est réservée qu’à une minorité. Des millions d’êtres humains manquent cruellement de personnels soignants (ce qui ne veut pas dire de grands spécialistes) ainsi que d’infrastructures et de médicaments de bases. Il ne s’agit pas d’un misérable problème de pognon, mais bien d’un choix de société.

  2. Notre médecine bien que techniquement très à la pointe , n est elle pas aussi absurde que la manipulation de l énergie atomique pour faire de l électricité ?

    N y avait il pas d autres voix possible ? le problème c est qu en cotissant au système sociale nous sommes directement aiguillé sur la médecine officiel .qui seule est prise en charge.

  3. Le plus tragique, le plus grave, le plus absurde… c’est que nous en soyons arrivés à nous poser cette question.
    Nous pouvons toujours lancer « un vrai débat philosophique dans la société »… le problème c’est qu’en l’état actuel de la réflexion, et pas seulement chez les dits citoyens, effectivement « tout devient possible ». Le meilleur comme le pire.
    « Où sont les limites ? » demande biosphère… justement aujourd’hui il n’y a plus de limites.

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