Biorégion, à vivre dans quelques dix mille ans

La biorégion est un espace géographique défini par ses caractéristiques naturelles – sa topographie, les cours d’eau qui le traversent, son microclimat, sa géographie animale et végétale –, et non par les lois humaines. Mais c’est surtout un lieu de vie dont les limites sont configurées pour réduire au maximum l’empreinte écologique des flux de ses habitants, et leur impact à la fois sur leur milieu de vie et sur d’autres territoires plus lointains. Il s’agit d’atteindre une autonomie durable tant au niveau alimentaire qu’énergétique et socio-politique.

Ce paradigme ou modèle de référence porte des noms différents : Communautés intentionnelles ou Ecovillages ou Agenda 21 local ou Towns transition ou Plan climat ou Cités jardins ou communautés de résilience … La profusion des termes montre la richesse de cette alternative à l’ère de la fin des combustibles fossiles. Un livre récent d’Agnès Sinaï reprend cette thématique :

Réhabiter le monde. Pour une politique des biorégions

L’ouvrage retrace l’histoire de cette idée de biorégion, élaborée il y a cinquante ans dans l’effervescence de la contre-culture californienne.Les pionniers Peter Berg et Judy Goldhaft imaginent un contre-modèle. Pour ces critiques de l’industrialisme des sociétés modernes, les solutions aux crises ne peuvent pas venir des institutions, responsables du développement sans limites de l’utilisation des énergies fossiles. Elles passent par un changement de posture, par la prise de conscience que le lieu où l’on vit est tissé de multiples relations écologiques au sein desquelles il s’agit de s’insérer, afin de le « réhabiter » plutôt que de s’en penser le propriétaire. Cette prise de conscience conduit à se confronter à la notion de dépassement (overshoot, en anglais) décrite par le sociologue William Catton et à renoncer, pour subvenir à ses propres besoins, à annexer d’autres territoires ou à hypothéquer l’avenir des générations suivantes.

Le biorégionalisme n’a rien à voir avec le localisme des mouvements réactionnaires et identitaires, insiste-t-elle. La réhabitation n’est pas un repli sur soi réservé aux seuls natifs du lieu. L’autrice, également cofondatrice et directrice de l’Institut Momentum, a imaginé entre 2016 et 2019 avec Yves Cochet et Benoît Thévard une Ile-de-France biorégionaliste (Biorégion 2050. L’Ile-de-France après l’effondrement) ; elle serait fragmentée en huit biorégions dont le découpage est déterminé par l’unité des paysages et le réseau des cours d’eau. Si la portée politique du mouvement bioégionaliste est encore peu concrète, cette utopie vient opportunément proposer une « rupture dans les imaginaires ».

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Biorégions pour le futur, instituer la résilience locale

extraits : La biorégion de Cascadia, située sur la côte pacifique, à cheval sur les États-Unis et le Canada. Le terme Cascadia vient du nom de la chaîne des Cascades, qui s’étend du Canada jusqu’au nord de la Californie. Une revendication indépendantiste est portée par une certains nombre de Cascadiens, un parti politique fut officiellement créé dans ce but en 2011. Des groupes plus informels promeuvent l’idée (essentiellement sur Internet) d’une Republic of Cascadia, reposant sur une confédération coopérative et biorégionale. La mobilisation citoyenne en Cascadia s’oppose notamment à des projets d’extractions d’énergies fossiles…

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Comment agir efficacement ? L’échec des conférences internationales et les inerties gouvernementales montre que cette voie est trop lente. Pratiquer à l’échelle personnelle la simplicité volontaire semble nécessaire mais insuffisant. Ce qui nous semble le plus pragmatique, c’est d’agir directement au sein de sa communauté d’appartenance pour en restaurer la résilience, la capacité de résister aux chocs.

1) notre objectif : instaurer un territoire de résilience

– une démarche logique : Les jumeaux hydrocarbures (pic pétrolier et réchauffement climatique) nous imposent une descente énergétique. Il ne s’agit pas de catastrophisme, mais d’une réalité. Le meilleur moyen est de tendre localement à l’autonomie alimentaire et énergétique.

– une démarche non idéologique : il y a un intérêt commun à adopter une telle voie, quelle que soit l’appartenance politique des habitants d’un territoire. Agir ensemble sur son territoire implique décentralisation en acte, mais aussi soutien de l’Etat à ce mouvement.

– une démarche pragmatique : le territoire doit élaborer un plan d’action de descente énergétique (Pade), ce qui peut rejoindre des pratiques locales existantes (plan climat local, AMAP, SEL, MAB, Velocity, point info-énergie, jardins partagés…) pour une dynamique collective.

2) un changement technique : usage de techniques douces

– doux à la nature : application du principe du berceau au berceau, c’est-à-dire un nouveau modèle économique où la notion même de déchets est bannie au profit de cycles fermés. Il faut suivre l’exemple de la nature qui opère selon un métabolisme au sein duquel le déchet n’existe pas.

– doux à la société : utilisation d’une spécialisation limitée et d’appareillages simplifié ; renouveau de la paysannerie et de l’artisanat ; principe de coopération et non de concurrence.

– doux politiquement : il s’agit d’instaurer une démocratie locale, sachant que seul le local est durable. L’avènement d’un territoire de résilience ne peut se faire qu’avec la participation de tous.

 3) un changement culturel

– limitation des besoins : les limites de la planète, qui ne se mesurent pas seulement au gaspillage des ressources fossiles, imposent une sobriété joyeuse et l’abandon du culte de la croissance.

– changement de valeurs : pour une éthique de la Terre qui combine respect de la nature (de ses cycles, des  différentes formes du vivant…) et défense des intérêts des acteurs absents (générations futures, non-vivants, habitants des autres territoires)

 4) les trois principaux ouvrages de référence sur les communautés de résilience

2006 Les Ecovillages de Jonathan Dawson

2010 Manuel de transition de Rob Hopkins

2011 comment sortir de la société de consommation (World Watch Institute)

 5) Site Internet des Territoires de Transition

http://www.transitionfrance.fr/

 

3 réflexions sur “Biorégion, à vivre dans quelques dix mille ans”

  1. J’ai toujours pensé que les langues régionales étaient un bon outil pour les gens des régions françaises de créer une solidarité démocratique mais ceci au cœur d’un nation française capable d’assurer la vivacité de la culture et du savoir capable de créer un avenir de lumière.
    Aujourd’hui , la déliquescence des fondements de la nation française font que l’urgence est de lutter pour qu’elle soit restaurer et qu’un futur de vérité face à l’obscurantisme soit possible.
    Les identités régionales sont ainsi repoussées à … 10 000 ans peut-être, quand nous seront revenu à l’âge glaciaire 😂

    1. Les spécialistes nous disent que la prochaine ère glaciaire, qui normalement devait arriver dans 50.000 ans… n’arrivera pas avant 100.000 ans. Et devinez pourquoi !
      Mais bon, là n’et pas le débat. 🙂 Sinon pour les langues régionales, et les patois, ça crée des liens je suis d’accord. Et je trouve dommage que ce langues disparaissent. Toutefois elles se maintiennent solidement dans ces régions caractérisées par une fort sentiment d’identité.
      J’aime bien les Corses et les Basques, par exemples… mais je me demande s’ils sont des bons modèles. De toute façon je n’aime pas du tout ce concept d’identité, en l’occurrence nationale. Que serait alors l’identité régionale ?
      Du côté de «chez moi» (c’est pas pour rien que je mets des «»), il n’y a pas si longtemps, celui qui venait de la vallée d’à-côté était un étranger. Misère misère ! Aujourd’hui ça c’est un peu arrangé, mais bon. Là aussi pour s’intégrer faut savoir être patient.

  2. Dix mille ans c’est loin, j’espère que tout ça verra le jour bien avant. Il y a un bon moment qu’ON a les plans, les expériences. Dans l’Antiquité déjà, la Cité idéale… Et plus tard les phalanstères, et Illichville… Alors qu’est-ce qu’ON attend ?
    L’idée de l’autosuffisance doit bien sûr être au cœur de ce projet, comme la coopération et la simplicité etc. mais elle doit dépasser le périmètre du quartier ou du village. La région c’est plus vaste, mais ça reste plutôt vague. Jusqu’où l’étendre, la biorégion ?
    Ce qui est sûr c’est qu’il faut en finir de ces aberrations. Pas question de manger en France du mouton de Nouvelle-Zélande, et de laisser crever nos bergers. Pareil pour les tomates, les fleurs et j’en passe. Pas question évidemment que les produits locaux (viande, poisson, bois, etc.) fassent le tour du monde pour être transformés, emballés etc. pour finalement revenir à leur point de départ, la biorégion ou l’écovillage.

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