BIOSPHERE-INFO de mai, totale empathie animale

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La compassion pour les animaux sauvages ne va pas de soi alors qu’elle paraît évidente à l’égard des animaux domestiques. Il faut donc ouvrir davantage son esprit pour pouvoir mieux appréhender la vie sous toutes ses formes. Voici quelques exemples, à vous ensuite de vous entraîner en choisissant un animal ou végétal de votre choix et en vous identifiant à lui. Si vous pensez que votre production mérite d’être publié, nous pouvons le faire sur notre blog biosphere. Ecrivez-nous à biosphere@ouvaton.org

1/6) conte animalier pour favoriser l’empathie humaine

Le conte scientifique animalier est un récit qui permet au lecteur de s’imaginer partager la vie d’un animal sur la base des  connaissances scientifiques disponibles. Il s’agit de favoriser une approche de la biodiversité par l’empathie, cette faculté propre aux humains de pouvoir se mettre à la place d’un autre, de percevoir ce qu’il ressent. Les capacités humaines d’empathie s’exercent malheureusement assez peu envers les autres humains (même les plus proches), et de façon insignifiante envers les autres membres de la Biosphère, si ce n’est quelque animal domestique qu’on traîne en laisse à côté de soi. Pourtant, plus vous augmenteriez l’empathie, plus le monde des humains et des non-humains pourrait coexister pacifiquement.

En 2005, le premier conte animalier censé favoriser l’empathie porte sur l’ornithorynque. Il a été choisi comme modèle pour son caractère aussi étrange qu’attachant et son extrême rareté. « Pour entrer dans l’histoire, imaginez-vous quelque part sur la bordure est du continent australien, dans l’atmosphère tiède et obscure d’un terrier, transformez-vous en un œuf d’ornithorynque et laissez-vous vivre. » Ainsi se termine l’introduction du Journal intime d’un ornithorynque.

Ce journal intime de l’ornithorynque n’est pas destiné à la vente puisque financé sur fonds européens. Il est disponible auprès du CIRASTI, BP 485, 86012 Poitiers cedex (édité en 2005).

2/6) Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes

Un livre d’Allain Bougron Dubourg aux éditions Les Echappées (2018). Voici un résumé du chapitre « Lettre du loup au berger » :

«  Le chasseur Jean-Charles d’Enneval, envoyé en Gévaudan par Louis XV, se flattait d’avoir tué 1200 loups. Le dernier des nôtres aurait été abattu en 1937 dans le Limousin, et nous imaginions naïvement que la page était tournée. Du reste nous bénéficions d’une protection sans pareille : trois conventions internationales interdisent officiellement une quelconque agression à notre égard car nous sommes considérés comme « espèce strictement protégée ». Mais en ce mois de novembre 1992, nous aurions dû rebrousser chemin. Quittant le parc italien des Alpi Marittime, ma compagne et moi avons poursuivi jusqu’au Mercantour. Au loin un garde, les yeux collés à ses jumelles, ne perd pas une seconde de notre progression. L’alerte ne tardera pas à être donnée. Nous n’aurions pas dû fouler le territoire français, mais comment imaginer que nous risquions ainsi de provoquer une guerre dont nous ne sortirons pas vainqueurs ?

Je suis le coupable à abattre. Pendant que l’on me pourchasse, on se garde bien d’expliquer clairement pourquoi le métier de berger n’est plus tenable. Affaire de gros sous, tout simplement ! L’effondrement des frontières a fait subir aux éleveurs français une terrible concurrence de la part de la Nouvelle Zélande, de l’Angleterre ou de l’Irlande. Résultat, la production française d’ovins est en baisse et ne survit que par des subventions annuelles d’environ 120 millions d’euros. En résumé, vous pourrez nous tuer tous, vous ne sauverez par la filière ovine, dramatiquement touchée par le marché mondial. C’est la concurrence déloyale qu’il faut éradiquer, par les canidés que nous sommes. Vous avez décidé l’abattage de 40 loups par an, ce n’est pas une fin en soi. Beaucoup de meutes ne posent aucun problème, c’est donc vers ceux d’entr enous qui s’acharnent sur un troupeau que l’on peut envisager des représailles. Quant aux autres, laissez-les vivre. Du reste, l’opinion publique français à 76 % ne dit rien d’autre, le loup a sa place dans la nature en France. »

3/6) Les lynx, sauvagement concurrencés par les humains

« Mes ancêtres lynx ont été sauvagement exterminés au cours des derniers siècles. Pourtant nous, lynx boréal, ne sommes pas plus gros qu’un berger allemand, nous ne vivons qu’une quinzaine d’année et nous pesons seulement 20 à 30 kilos. Au XVème siècle, nous existions encore partout en France, en plaine comme en montagne. Pourtant au milieu du XVIIe siècle, nous n’avions plus aucun représentant dans le massif vosgien et étions frappé d’extinction un peu partout ailleurs. Relégués dans les Carpates, nous ne pouvions que cultiver le souvenir de ce dernier lynx tué dans les Alpes en 1928. Miracle, au début des années 1970, notre espèce fait son retour sur le versant français du Jura depuis la Suisse toute proche où une vingtaine de lynx avait été relâchée. Notre réintroduction dans les Vosges débute en 1983, mais en 2014, plus aucun lynx n’avait été détecté. Aujourd’hui en 2017 ils font une nouvelle tentative à partir de l’Allemagne. Mais méfiance, des chasseurs nous attendent déjà avec impatience pour nous éliminer encore et toujours. Nous sommes persona non grata, considérés comme un perturbateur dans une nature jardinée. Il n’y a plus de nature sauvage, il n’y a que des humains et des routes à perte de vue, même dans leurs forêts d’exception modelées et remodelées, parfois détruites pour en faire du charbon de bois.

La plupart des chasseurs sont des monstres, ne regardant que leur nombril. Pour eux la nature doit rester figé telle qu’on l’a organisée par la main de l’homme, un espace domestiqué. Comme si les chevreuils étaient des animaux domestiques ! Ils croient qu’avec nous les lynx il n’y aura plus de chevreuils alors que nous n’en consommons chacun qu’une cinquantaine par an. Le taux de prédation d’un seul chasseur (à superficie comparable) est 4 ou 5 fois plus ! Le nombre de chevreuils abattus en France frise les 550 000 et pourtant ce prélèvement reste inférieur à l’augmentation naturelle de cette population. Les chasseurs se considèrent comme seuls propriétaires du « stock » de chevreuil. Ils ne comprennent pas ce que nous pouvons apporter, une régulation naturelle au lieu d’une biodiversité-fardeau. Le chasseur se croit tout puissant, il veut produire la totalité de son environnement à lui tout seul, incapable de comprendre que la raréfaction de la nature sauvage qu’il provoque fait disparaître une composante essentielle de son humanité. Juste un peu de statistiques pour mieux comprendre le problème. Chacun de nous, lynx, a besoin individuellement de 100 km² pour vivre et se nourrir. En France il y a plus de 100 habitants au km² , 117 exactement, une surpopulation qui étouffe toutes les autres espèces animales en prenant leur espace vital. Le nombre de chasseurs dépassent le million, nous les lynx sommes moins de 200 individus et nous perdons encore beaucoup d’entre nous, braconnés ou écrasés sur des routes. Les chiens en France sont plus de 7 millions ! Les Français comptent 67 millions de personnes qui s’entassent dans des maisons verticales au lieu de parcourir librement les forêts comme nous. Quand les humains seront seuls sur Terre avec leurs commensaux, pourront-ils survivre si ce n’est au milieu de leurs immondices ?

Heureusement commence à émerger une minorité de chasseurs plus clairvoyante, qui estime la prédation normale, donc ouverte à tous, les lynx compris. Ils sont conscients de la dynamique des écosystèmes, loin d’une vision figée de l’environnement, prenant les lynx comme des partenaires à part entière. A quand un « parlement du lynx » qui rassemblera toutes les parties prenantes ? Il semble que cela soit mis en place, avec des humains qui se font les avocats des acteurs absents, ceux qui ne peuvent participer directement aux négociations dites démocratiques comme nous les lynx, privés de parole, mais si heureux de notre liberté quand on nous laisse vivre. Notre ami Jean-Claude Génot estime que la révolution du XXIe siècle consisterait à abandonner l’anthropocentrisme dominant chez les humains au profit d’un écocentrisme, seul moyen de fixer des limites à l’expansion insoutenable de leur nombre et de leur activisme. C’est bien là l’expression d’une sagesse de lynx. »

(article de Michel Sourrouille, initialement paru sur le site JNE)

4/6)  Parole de requin bouledogue… confrontée aux humains

Je suis un requin bouledogue et porte-parole de mes congénères, très fier d’avoir l’honneur des colonnes du MONDE*. Je dois d’abord dire que si ce gamin, Elio, a été tué à La Réunion par l’un d’entre nous, c’est qu’il l’a bien cherché. Il savait qu’une eau turbide était propice à une attaque. Il avait lu l’interdiction de faire du surf, affichée partout sur les plages, et même lue à l’attention des touristes dès l’atterrissage des avions. Il a voulu braver le risque pour pratiquer son sport. On peut avoir 13 ans et être inconscient, cela se comprend. Comme il est encore plus évident que nous sommes partie intégrante de la mer. Nous pouvons faire le tour de l’île en quatre jours, comme des touristes mais sans embouteillage. Nous pouvons nous éloigner des côtes d’au moins 300 km, pas besoin de moteur et de pétrole. Nous sommes écolos, un peu les éboueurs des mers. Mais la mer est aussi notre garde-manger même si les humains ne sont pas notre plat de prédilection : seulement sept personnes tuées depuis 2011 à La Réunion. En effet une planche de surf n’est pas facile à digérer, je le sais de source sûre.

D’ailleurs nous respectons les plongeurs sous-marins qui vont parfois à notre rencontre et se contentent de regarder sans piller nos ressources. C’est pourquoi nous trouvons les réactions des humains disproportionnées. Pourquoi avoir massacré un requin-tigre qui ne vous avait rien fait lors de ce que vous appelez « opération post-attaque » ? Nous appelons cela une vengeance aveugle, la loi de Lynch au détriment de la justice inter-espèces. Vous voulez supprimer les squales de La Réunion alors qu’il y a eu plus de morts par ULM que de baigneurs tués ces quatre dernières années. Supprimez vos activités de loisirs débiles et vous aurez à déplorer moins de morts. Les 200 manifestants qui ont déversé de la peinture couleur sang devant la sous-préfecture pour dénoncer le « manque d’action de l’Etat » contre nous devraient être végétariens !

Il n’y a rien à faire contre les lois de la nature, il y aura toujours des prédateurs et des proies, mais vous ne savez pas partager. Il y a en effet de plus en plus d’humains et de moins en moins de requins. Au niveau mondial, nous faisons moins de 10 morts par an alors que les crocodiles en font 2000, les scorpions 3000 et les serpents 100 000. A comparer au nombre de meurtres perpétrés chaque année par les humains sur les vaches, cochons et poulets. Cela se chiffre en milliards. Rien que pour la demande internationale en squalane, substance hydratante couramment utilisée en cosmétique, on estime à trois millions le nombre de requins tués chaque année. Pour certaines espèces de squales, c’est près de 95 % de la population qui a été décimée. En nous supprimant, c’est toute la chaîne alimentaire marine que l’on déséquilibre. Pendant ce temps-là, la population humaine a triplé sur l’île de La Réunion, les maisons s’accrochent de plus en plus haut sur la montagne, les terres vivrières diminuent, l’industrie touristique a promu les activités nautiques… et Elio est mort à 13 ans en voulant faire du surf. Qui est responsable de sa fin tragique, les squales ou les humains ?

* Le Monde.fr | 17.04.2015, Comment La Réunion lutte contre les requins bouledogue après une nouvelle attaque mortelle

5/6) à consulter sur le blog biosphere, Les ours pyrénéens demandent la parole

6/6) Considérations d’éthique animale

Albert Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1954, a contribué à l’éthique animale. Il possède de l’éthique une vision large, englobante et cosmique qui ne se limite pas à la relation que les hommes ont entre eux, mais qui intègre l’univers tout entier. Schweitzer identifie l’éthique au respect de la vie. Toute vie est sacrée, même celle des êtres que l’homme considère comme inférieurs. Le seul cas où l’on peut être amené à sacrifier une vie est de le faire pour en sauver une autre que l’on considère plus importante. Il donne l’exemple suivant : « Je viens de tuer un moustique qui voletait autour de moi à la lumière de la lampe. En Europe, je ne le tuerais pas, même s’il me dérangeait. Mais ici, où il propage la forme la plus dangereuse du paludisme, je m’arroge le droit de le tuer, même si je n’aime pas le faire (…) Un grand pas sera franchi quand les hommes commenceront à réfléchir et parviendront à la conclusion qu’ils ont le droit de tuer seulement quand la nécessité l’exige. »  Notons que le critère de considération morale de l’éthique n’est pas pour Schweitzer la sensibilité, ou capacité de souffrir, comme c’est généralement le cas en éthique animale, mais le fait d’être vivant. A ce titre il préfigure le biocentrisme qui ne fait pas de rupture entre l’animal et le végétal.

– Le discours d’Arne Naess : « Nous ne disons pas que chaque être vivant a la même valeur que l’humain, mais qu’il possède une valeur intrinsèque qui n’est pas quantifiable. Il n’est pas égal ou inégal. Il a un droit à vivre et à prospérer (blossom). Je peux tuer un moustique s’il est sur le visage de mon bébé mais je ne dirai jamais que j’ai un droit à la vie supérieur à celui d’un moustique. »

– Pour une synthèse, « éthique animale » de Vilmer Jean-Baptiste Jeangène (éditions Puf, 2008)

… La France a une tradition profondément humaniste, qui a ses avantages, mais qui signifie aussi anthropocentrisme et se montre très soucieuse de maintenir l’homme sur son piédestal et de lui subordonner son environnement. On place volontiers l’homme et l’animal dans des vases communicants et l’on se persuade qu’augmenter la considération de l’un ferait immanquablement chuter l’autre. Entre les deux, il faudrait choisir son camp ! Comme s’ils étaient contradictoires, comme si les droits de l’homme  étaient en fait des droits contre les animaux et vice versa. Comme si, en somme, l’homme devait perpétuellement écraser l’animal pour ne pas douter de son ascendant…

6 réflexions sur “BIOSPHERE-INFO de mai, totale empathie animale”

  1. Teysseire A. Marie

    Je souscris totalement à l’idée d’un écocentrisme. L’écologie est le respect de ce qui vit sous quelque forme que ce soit (et les paysages, les rivières et les montagnes font aussi partie du vivant).
    Le Roman de Renart n’a pas empêché les humains de décimer dans la réalité tous les héros du livre et pourtant, il était écouté à une époque où nous étions bien plus proches des animaux ( puisque nous leur faisions des procès). Tout comme Saturnin ne nous a pas dégoûtés de manger du canard.C’est pourquoi, je suis un peu dubitative sur la portée des contes écologistes « moraux ». Il faut un changement total de perspective sur notre place dans notre biosphère. Plaise à tous les dieux cachés dans les arbres, qu’il n’advienne pas trop tard!

  2. Teysseire A. Marie

    Je souscris totalement à l’idée d’un écocentrisme. L’écologie est le respect de ce qui vit sous quelque forme que ce soit (et les paysages, les rivières et les montagnes font aussi partie du vivant).
    Le Roman de Renart n’a pas empêché les humains de décimer dans la réalité tous les héros du livre et pourtant, il était écouté à une époque où nous étions bien plus proches des animaux ( puisque nous leur faisions des procès). Tout comme Saturnin ne nous a pas dégoûtés de manger du canard.C’est pourquoi, je suis un peu dubitative sur la portée des contes écologistes « moraux ». Il faut un changement total de perspective sur notre place dans notre biosphère. Plaise à tous les dieux cachés dans les arbres, qu’il n’advienne pas trop tard!

  3. C’est là le cœur de l’écologie et de ce que devrait être l’humanisme. Non pas un calcul nous dictant que la protection de la nature est nécessaire à notre propre survie, mais une empathie, un respect, un amour pour ce qui vie, indépendamment de ce qui serait notre intérêt.
    Dans le livre « Moins nombreux plus heureux » j’avais cité l’exemple de la forêt amazonienne que certains écologistes veulent défendre parce qu’elle serait susceptible de receler des espèces de plantes utiles à notre pharmacopée. Très mauvais argument, car il laisse entendre que si ces plantes n’existent pas, alors nous pouvons détruire la forêt.
    C’est quelque chose de plus profond, de plus fort qui doit nous la faire défendre : sa beauté, le fait qu’elle est vivante et abrites des millions d’animaux et de plantes qui ont le droit à la vie. Ainsi seulement notre combat pour la nature sera digne…

  4. C’est là le cœur de l’écologie et de ce que devrait être l’humanisme. Non pas un calcul nous dictant que la protection de la nature est nécessaire à notre propre survie, mais une empathie, un respect, un amour pour ce qui vie, indépendamment de ce qui serait notre intérêt.
    Dans le livre « Moins nombreux plus heureux » j’avais cité l’exemple de la forêt amazonienne que certains écologistes veulent défendre parce qu’elle serait susceptible de receler des espèces de plantes utiles à notre pharmacopée. Très mauvais argument, car il laisse entendre que si ces plantes n’existent pas, alors nous pouvons détruire la forêt.
    C’est quelque chose de plus profond, de plus fort qui doit nous la faire défendre : sa beauté, le fait qu’elle est vivante et abrites des millions d’animaux et de plantes qui ont le droit à la vie. Ainsi seulement notre combat pour la nature sera digne…

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