BIOSPHERE-INFO, des programmes pour présidentielle

Pour recevoir gratuitement par Internet le mensuel BIOSPHERE-INFO, il suffit de s’inscrire à cette adresse : biosphere@ouvaton.org . Voici son contenu pour mars 2017 

Disons-le tout net, les différents programmes pour la présidentielle française de 2017, quelle que soit l’étiquette politique de leurs candidats, ne sont pas à la hauteur de la situation actuelle : nous faisons la guerre à la planète, nous nous faisons aussi la guerre, par armes ou par marchés interposés. Pourtant, dès les années 1970, un certain nombre de propositions programmatiques ont été faites dont voici quelques exemples. Bonne lecture et agissons.

1971 The entropy law and the economic process de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN

Il convient d’expliquer au public cette double difficulté : un épuisement plus lent des ressources signifie moins de confort exosomatique, et un plus grand contrôle de la pollution requiert proportionnellement une plus grande consommation de ressources (…) Bien sot celui qui proposerait de renoncer totalement au confort industriel de l’évolution exosomatique, mais il faut un programme bio-économique minimal :

– interdire totalement non seulement la guerre elle-même, mais la production de toutes les armes de guerre

– aider les nations sous-développées à parvenir à une existence digne d’être vécue

– diminuer progressivement la population humaine

– réglementer strictement tout gaspillage d’énergie

– vous guérir de votre soif morbide de gadgets extravagants.

– mépriser la mode qui vous incite à jeter ce qui peut encore servir

– rendre les marchandises durables, donc réparables

– ne plus se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil qui rase plus vite encore

Ces changement de comportement conduiront à un émondage considérable des professions qui ont piégé l’homme.

1971 le message de Menton

Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal en point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre. Que faire ? Dans les années 1940, quand fut décidé la fabrication de la bombe atomique en deux ans, les Etats-Unis ont investi deux milliards de dollars et mis à l’œuvre les spécialistes du monde entier. Dans les années 1960, les Etats-Unis ont dépensé entre vingt et quarante milliards de dollars pour gagner la course vers la lune. Il est certain que les recherches à propos de la survie de l’humanité l’emportent de loin sur la recherche atomique et spatiale. Il faut les entreprendre sans délai à la même échelle, et avec une conscience plus aiguë de leur caractère d’urgence. Nous en appelons à l’action en même temps qu’à la recherche.

– Différer l’application des innovations technologiques dont nous ne sommes pas en mesure de prévoir les effets et qui ne sont pas indispensables à la survie de l’humanité. Ce qui inclurait les nouveaux types d’armement, les transports superfétatoires, les nouveaux pesticides dont les effets sont inconnus, la fabrication de nouvelles matières plastiques, l’implantation de grands complexes d’énergie atomique, etc. A quoi il faut ajouter les grands travaux dont les conséquences écologiques n’auraient pas été préalablement étudiées, les barrages, la « récupération » des jungles, les plans d’exploitation sous-marine, etc.

– Recycler largement certains matériaux pour éviter d’épuiser les ressources ; établir rapidement des accords internationaux sur la qualité de l’environnement, accords sujets à révision au fur et à mesure que seront mieux connus les besoins ; travailler à freiner l’augmentation démographique dans le monde entier en prenant garde de ne pas attenter aux droits civils. Il faut que de tels programmes soient assortis d’une baisse du niveau de la consommation des classes privilégiées, et que soit assurée une répartition plus équitable des ressources.

Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir. Tout ce qui nous divise est infiniment moins important que ce qui nous lie et le péril qui nous unit. Nous croyons que l’homme ne gardera la Terre pour foyer que si nous écartons enfin ce qui nous divise.

(Ce message, signé par 2200 hommes de science de 23 pays, a été remis à U Thant, Secrétaire général des Nations Unies le 11 mai 1971. Il est adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». C’est le message de Menton, ainsi nommé parce qu’il fut rédigé au cours d’une réunion qui s’est tenu dans cette ville française)

1972 les limites de la croissance ou rapport au club de ROME

Dans tout système fini, il faut qu’il existe des contraintes dont l’action contribue à l’arrêt de la croissance exponentielle. Nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. Lorsque l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène entraînent une réduction supplémentaire de la mortalité, ilfaut encore faire baisser d’autant le taux de natalité. Un état d’équilibre ne sera pas exempt de contraintes, aucune société ne peut les éviter. Il nous faudra renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfant que nous le souhaitons.

Nous pouvons stabiliser le niveau des investissements en posant pour principe que le taux d’investissement reste égal au taux de dépréciation du capital. L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités peu polluantes et ne nécessitant pas de consommation notable de matières premières non renouvelables. La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. L’état d’équilibre prélèvera moins de nos ressources matérielles, mais en revanche exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Les données dont nous aurions le plus grand besoin sont celles qui concernent les valeurs humaines.

Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourritures pour les pauvres ou encore plus de services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. Si après nous avoir lu, chacun est amené à s’interroger sur la manière dont la transition doit s’opérer, nous aurons atteint notre objectif premier.

Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement.

1974 L’écologie ou la mort (à vous de choisir) la campagne de René Dumont, les objectifs de l’écologie politique

Personne n’est admis à avoir une vue globale des choses, ce qui est désastreux d’un point de vue écologique car tout est lié à tout. L’Ecologie, c’est un mot simple. Il veut dire que l’homme comme toutes les espèces vivantes, est inclus dans un milieu qui comprend la nature, les autres espèces vivantes, les autres hommes et qu’il ne peut se permettre de détruire ce milieu sans se détruire lui-même. On a compris que la défense de la nature ne se limite pas à tel ou tel point particulier, mais exige une remise en cause fondamentale pour abouti à notre double objectif :

  1. Réduction fondamentale des injustices sociales à l’échelle mondiale, en vue de la réduction prioritaire du gaspillage et des consommations abusives des riches ; donc de leur nombre comme de leur revenu.
  2. Elaboration d’une civilisation à basse consommation d’énergie, de viande et de métaux, économisant pour les générations futures les ressources rares de la planète, arrêtant le pillage du Tiers-Monde et la destruction de la nature, source de toute vie.

Il s’agit plus généralement d’œuvrer pour une autre civilisation. Voici le programme en résumé :

CONTRE :

– Le gaspillage des ressources naturelles ;

– L’exploitation du Tiers-Monde et des travailleurs ;

– La concentration du pouvoir aux mains des technocrate ;

– Le cancer de l’automobile ;

– La course aux armements ;

– La démographie galopante ;

– La surconsommation des pays riches aux dépens des pays exploités ;

– La folie nucléaire : bombes et centrales.

POUR :

– Une limitation de la croissance économique aveugle ;

– Une société décentralisée et autogérée ;

– La liberté de la contraception et de l’avortement ;

– La limitation des naissances ;

– Une redistribution égalitaire des richesses ;

– Une diminution radicale du temps de travail évitant le chômage ;

– La protection de la nature et de la campagne ;

– Les transports en commun ;

– Un urbanisme à l’échelle de l’homme ;

– Le respect des libertés des minorités culturelles ;

– Un moratoire de l’industrie nucléaire ;

– Des techniques décentralisées, non polluantes et fondées sur des ressources renouvelables.

1975 Le macroscope, vers une vision globale de Joël de ROSNAY

C’est un scénario parmi d’autres. Pour un monde parmi d’autres. Il contient une part de rêve ? J’en conviens. Mais il est important de rêver. Et pourquoi ne prendrait-on pas ses rêves pour des réalités ?

– Ecosocialisme, écosociété, écocitoyen, écoparlement… Le préfixe « éco » symbolise la relation étroite entre l’économie et l’écologie.

– L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).

– L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».

– A la différence des sociétés industrielles structurées « du haut vers le bas », l’écosociété s’est construite du « bas vers le haut ». A partir de la personne et de sa sphère de responsabilités : par la mise en place de communautés d’utilisateurs.

– La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1970. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.

– Le taux de naissance est maintenu au taux de renouvellement de la population ; laquelle se maintient à l’état stationnaire.

– La création de filières de récupération a permis de reconnecter les cycles correspondants au métabolisme de l’organisme social avec les cycles naturels de l’écosystème.

– L’écosociété est décentralisée, communautaire, participative. L’écosociété repose sur le pluralisme des idées, des styles et des conditions de vie.

– C’est une société « rurale », intégrée par un réseau de communication extraordinairement développé. Ce réseau permet d’éviter les déplacements inutiles. Beaucoup de gens travaillent chez eux.

– Alors que la maîtrise de la mégamachine, sécrétée par les sociétés industrielles, exigeait une sur-éducation, l’enseignement de l’écosociété est considérablement réduit. Il est à la fois plus global, plus pratique et plus intégré à la vie.

– L’assistance médicale mutuelle est réalisée à grande échelle. On consomme moins de médicaments, on fait moins appel aux médecins. On cherche plus à stimuler les défenses naturelles de l’organisme, qu’à agir de « l’extérieur » à coups de substances chimiques.

– Des programmes de mise en route de nouvelles centrales nucléaires ont été abandonnés. La décentralisation des moyens de transformation de l’énergie a conduit à l’exploration de nouvelles sources. Mais ce sont surtout les économies d’énergie et la lutte généralisée contre le gaspillage qui ont permis de stabiliser la consommation en énergie.

– La transparence de l’écosociété conduit à faire jouer deux motivations à l’action, la compréhension de l’utilité de son geste et le sens de la responsabilité sociale.

– Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.

– L’écosociété, c’est aussi l’explosion du qualitatif et de la sensibilité.

– Une bioéthique renforce la nouvelle morale de l’écosociété.

– Les personnes âgées participent à la vie sociale ; elles sont l’objet du respect et de la considération. La mort est acceptée, réintégrée à la vie.

1990 Gouvernance des biens communs (pour une nouvelle approche des ressources naturelles) d’Elinor Ostrom

Principes communs aux institutions durables de ressources communes :

1. des limites aux prélèvements clairement définies ;

2. la concordance entre les règles et les conditions locales ;

3. des dispositifs de choix collectifs sur le mode participatif ;

4. une surveillance et une autosurveillance des comportements ;

5. des sanctions graduelles pour les transgressions ;

6. des mécanismes de résolutions des conflits ou arènes locales ;

7. le droit à s’organiser sans intervention d’autorités externes ;

8. des entreprises imbriquées (pour les systèmes à grande échelle). Il y a réticence à investir du temps et des efforts pour améliorer un système géré centralement. Des efforts de réforme centralisée ont souvent débouché sur des problèmes encore plus graves.

NB : Tous les éléments de cette recension sont extraits du livre de Michel Sourrouille, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » aux éditions Sang de la Terre (juillet 2016). A acheter de préférence chez son libraire de proximité ou à commander par Internet.

3 réflexions sur “BIOSPHERE-INFO, des programmes pour présidentielle”

  1. Bonjour,
    Merci pour ces rappels.
    Oui, c’est clair que on recul / aux alertes des années 1970 ; le court termisme l’emporte ; Difficile d’être optimiste ; la prise de conscience n’est pas partagée, et de plus en plus d’humains à convaincre de leurs dégâts.

    Multis

  2. jean-marie bouquery

    Fini de penser global pour agir local, c’est l’inverse maintenant
    et fini de raisonner programme, c’est le complexe qui pilote.

  3. Vous pourriez rajouter de Serge Latouche « les 8 R »
    La décroissance se décline en 8 points, suivant la règle des « 8 R » : 1° Réévaluer : Changer les valeurs de nos sociétés, décoloniser notre imaginaire…2° Reconceptualiser : Sortir du capitalisme, redonner la priorité du social, de l’humain sur l’économie…une synthèse sur
    http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article1307.html
    voir son ouvrage « le Pari de la décroissance »

Les commentaires sont fermés.