BIOSPHERE-INFO et la sensibilité animale, abonnez-vous

Le Parlement a reconnu aux animaux la qualité symbolique d’« êtres vivants doués de sensibilité » dans un projet de loi « de modernisation et de simplification du droit » adopté définitivement le mercredi 28 janvier 2015*. Pour Jean-Marc Neumann, ce « cavalier législatif », sans lien direct avec le projet de loi global dans lequel il s’insère, ne changera pas les comportements envers les animaux, qui pourront toujours être vendus, loués, exploités… Les pratiques les plus cruelles, comme la corrida, la chasse à courre, les combats de coqs, l’abattage rituel ou certaines formes de pêche ou d’élevage, ne sont pas du tout remises en cause. L’idéal serait une grande loi de protection de l’animal, qui remettrait tout à plat. Par exemple le Code civil continue d’exclure de son domaine les animaux sauvages. Ceux-ci sont pris en compte par le code de l’environnement. Or ce Code ne reconnaît pas leur sensibilité. Quant aux animaux d’élevage, ils sont régis par le Code rural, qui est le véritable code animalier, celui qui détermine la façon de les entretenir, de les élever, de les soigner, etc.**
Voici ci-dessous notre dossier sur les rapports entre l’espèce humaine et les autres animaux. L’abonnement au bimensuel BIOSPHERE-INFO est gratuit, il suffit d’envoyer un courriel à biosphere@ouvaton.org
* Le Monde.fr du 28 janvier 2015, Les animaux sont désormais officiellement « doués de sensibilité »
** lemonde.fr du 16 avril 2014, Les animaux reconnus comme êtres sensibles, un pas totalement symbolique

Bimensuel BIOSPHERE-INFO n° 345 (16 au 28 février 2015)

1/3) Recensions de livres
A l’heure actuelle, les livres sur les animaux se multiplient, « Manifeste pour les animaux », « Que diraient les animaux… si on leur posait la bonne question », « Le chagrin des animaux », « L’animal est une personne », etc. Voici une liste de livres sur notre réseau de documentation qui peut vous servir d’historique de la pensée sur les rapports animal-homme / autres animaux.
1993 Questions d’éthique pratique de Peter Singer (Bayard, 1997)
2000 Les poules préfèrent les cages d’Armand Farrachi (Albin Michel)
2008 Nous sommes ce que nous mangeons de Jane Goodall (Actes sud)
2008 Ethique animale de Vilmer Jean-Baptiste Jeangène (Puf)
2008 Une vie de cochons de J.Porcher et C.Tribondeau (la découverte)
2009 Pour en finir avec la chasse (la mort-loisir, un mal français) de Gérard Charollois (Radicaux libres)
2009 Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde Fabrice Nicolino (Les liens qui libèrent)
2010 Faut-il manger les animaux ?  de Jonathan Safran Foer
2012 Tous vulnérables (le care, les animaux et l’environnement) par collectif
2012 Les insectes ont-ils un cerveau ?  de Vincent Albouy
2013 Les animaux aussi ont des droits  (Cyrulnik, Fontenay et Singer)

2/3) Extraits tirés de notre blog
17 avril 2014 Pour respecter les êtres sensibles… et tous les autres
…Alors que le Code civil considérait les animaux comme « des biens meubles », les animaux seront désormais considérés en France comme des « êtres vivants doués de sensibilité »… comme le faisait déjà code rural et code pénal. Autrefois la femme était à peu près considérée comme un « bien meuble », il en était de même des esclaves et des noirs. Et puis ce fut la fin du sexisme dans beaucoup du pays, la fin du racisme dans beaucoup de têtes. Aujourd’hui cette ouverture d’esprit se porte sur certaines espèces vivantes, nous nous dirigeons vers la fin du spécisme. Demain marquera peut-être la grande réconciliation de l’espèce humaine avec toutes les autres formes de vie et la fin de l’anthropocentrisme
20 janvier 2014 Toute vie est sacrée, mort à l’insecticide
… La vie d’un insecte n’appelle aucune pitié, sauf s’il s’agit d’espèces utiles à l’homme comme les abeilles et les coccinelles. L’insecticide nous rassure alors que l’homicide nous effraie et appelle condamnation. Suscitant le rejet plus souvent que la compassion, une réflexion sur le statut de l’insecte peut contribuer au débat sur les fondements d’une attitude éthiquement réfléchie envers les animaux. Les insectes aussi ont un cerveau…
6 juin 2014 L’homme est-il un animal ? Une opposition fondamentale
… Dans le petit Larousse, il y a trois définitions de « Animal » :
1) être vivant, généralement capable de se mouvoir, se nourrissant de substances organiques.
2) être animé, dépourvu du langage (par opposition à l’homme).
3) Personne stupide, grossière ou brutale.
On peut donc répondre aussi bien que l’homme est un animal selon la première définition, que l’homme n’est pas un animal selon la seconde et que, d’après la troisième l’homme n’est pas un animal, bien qu’il soit traité d’animal !…
10 juin 2013 Sommes-nous si bêtes au point de mépriser la vie ?
… Le bioéthicien Peter Singer, interrogé par LE MONDE, établit une hiérarchie entre les formes de vie (« ils n’ont pas le même statut moral ») … Le pathocentrisme de Peter Singer, centré sur la souffrance, est un critère trop restrictif. Il s’agit de s’identifier aux êtres qui nous ressemblent (ici par la souffrance) et de les valoriser. Vieil argument : un homme valait autrefois plus qu’une femme puisqu’elle n’était pas un homme…
16 décembre 2012 Les humains, des singes qui se croient intelligents
… Contrairement à d’autres civilisations, la culture occidentale pense le monde en insistant sur le dualisme et les différences : elle place les humains au centre du cosmos en théorisant l’opposition homme et animal, culture et nature, esprit et corps. Cet anthropocentrisme commence juste à évoluer… vers du primatocentrisme…
15 décembre 2012 Définir anthropocentrisme, biocentrisme et écocentrisme
… Le biocentrisme comme le pathocentrisme (l’antispécisme), s’ils remettent en cause l’anthropocentrisme, restent cependant tributaires d’une approche individualiste de la considérabilité morale. Or la protection de la biodiversité s’intéresse surtout à des entités supra-individuelles, comme les espèces ou les écosystèmes. Les tenants de l’écocentrisme invitent à prendre en compte dans la délibération morale ces entités globales…
10 octobre 2012 Anthropocentrisme, biocentrisme ou écocentrisme, que choisir ?
… Les humains et les non humains ne sont concrètement que des nœuds relationnels sur le réseau du vivant. Au niveau social, les individus se constituent par leurs relations aux autres, et ne sauraient exister par eux-mêmes, sans ces relations aux autres. Il en est de même de l’être humain qui est inséré dans un écosystème et en étroite interrelation avec lui…
2 mai 2012 Hollande et Sarkozy face à la souffrance animale
… J’avais affirmé à ma petite fille Zoé, bientôt 6 ans, que l’homme était un animal parmi d’autres. Réaction spontanée de Zoé : « Mais papi, les animaux ne sont pas comme nous, ils ne parlent pas ». Je lui ai appris ce qui ne va pas de soi pour un enfant, par exemple : « La maman dinde a une incroyable gamme vocale pour s’adresser à ses petits. Et les petits comprennent. Elle peut les appeler pour qu’ils viennent se blottir sous ses ailes, ou bien leur dire de se rendre à tel endroit. » (… ) Qu’en pensent les présidentiables Sarkozy et Hollande ?…
8 février 2012 Un seul verre de terre vaut autant que le tigre
… WWF (le spécialiste du panda) ou l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) privilégient des espèces emblématiques. On abandonne à leur sort ce qui n’est pas jugé gros et mignon : l’ours polaire attire plus l’attention que le ver de terre. Or l’équilibre de la biosphère tient non seulement à la richesse en espèces animales d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, mais aussi au nombre de ver de terre et aux microbes. Charles Darwin a fait un récit fascinant sur le ver de terre qui participe activement à la vie complexe du sol…
12 juillet 2010 Sexe, nature, religions et spécisme
… Dès lors qu’on reconnaît qu’il y a unité du vivant, la stratégie cartésienne de supériorité de l’homme sur les autres espèces ne fonctionne pas. Aucune comparaison des différences n’implique une hiérarchie : on peut étudier des différences et des parentés, mais non pas construire une hiérarchie téléologique. Il faut le répéter encore une fois : toutes les espèces qui vivent aujourd’hui sont nos contemporains, issues du même processus d’évolution. Nous pouvons faire des différences entre les hommes et les femmes, entre les noirs et les blancs, entre les humains et les végétaux, mais il n’y a pas en soi d’inégalités entre les espèces, pas de supériorité en soi de l’espèce humaine…
17 août 2009 Esclavagisme et spécisme
… Nous devrions renoncer au spécisme. Ce mot vient de l’anglais speciesism, introduit en 1970 par Ryder par analogie avec racisme et sexisme : le spécisme est une discrimination selon l’espèce. Il consiste à assigner différents droits à des êtres sur la seule base de leur appartenance à une espèce. Ryder justifiait l’analogie avec racisme en montrant par exemple que la rhétorique des professionnels de l’exploitation animale est tout à fait similaire à celle des esclavagistes d’hier…
14 février 2008 Humanisme et anthropocentrisme
… Relisons Claude Levi-Strauss pour qui notre humanisme est « dévergondé » : « …Que règne, enfin, l’idée que les hommes, les animaux et les plantes disposent d’un capital commun de vie, de sorte que tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement, dans la philosophie indigène, par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes, ce sont là autant de témoignages peut-être naïfs, mais combien efficaces d’un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui. » (« Le regard éloigné » Plon, 1983)…
11 juin 2007 La biosphère est Une, indivisible
… La philosophie de l’écologie profonde ou deep ecology s’extrait d’une posture où l’animal est à notre disposition. Elle défend l’idée que le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes) et que ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. Que les 62 millions de Français pensent enfin à ce que représente le milliard d’animaux de boucherie qui sont tués chaque année !…

3/3) Les résistances
La très légère avancée actuelle du statut juridique des animaux n’est pas reconnu comme tel par une bonne moitié des intervenants sur lemonde.fr*. L’anthropocentrisme domine encore les esprits. Voici un florilège de ce type de commentaire à propos du vote de la loi :
Annie C : Manifestement les Députés de gauche n’ont rien d’autre à faire! Et les chômeurs, ils sont dotés de sensibilité ? A quand le droit de vote pour ma chatte?
L’Ami Fritz : Par conséquent mes vaches et mes brebis deviennent des êtres vivants et sensibles, et bien entendu aussi le loup et l’ours, non moins sensibles car non domestiqués. Il reste cependant à nos parlementaires à se prononcer rapidement sur les géraniums, il y a urgence à les protéger des nombreux traitements « inhumains » qu’on leur inflige.
Képhalos : J’adore l’expression “officiellement » doués de sensibilité. Cela dit bien à quel point cela relève d’une décision purement factice et conventionnelle, soumise aux exigences d’une société civile qui ne sait plus où donner de la sensiblerie. En tout cas je ne manquerai pas de notifier leur nouveau statut officiel à mes souris domestiques par voie d’affichettes placées à côté des pièges. Elles mourront en jouissant de leur nouvelle dignité.
Lolodu76 : Ah c’est une bonne nouvelle, je vais enfin arrêter de ranger mon chat au placard quand je ne m’en sers pas. Quand leur reconnaîtra-t-on la capacité d’intelligence ? Elle est par exemple absolument criante chez certains oiseaux comme le corbeau.
Luky : Les animaux sont des choses. Point barre.
Raphaël C : Ah, le « point barre », par lequel les non-pensants tentent de clore un débat qu’ils sont incapables de tenir…
* Le Monde.fr du 28 janvier 2015, Les animaux sont désormais officiellement « doués de sensibilité »