Exposés in utero à une concentration minuscule de bisphénol A (BPA), les souris de laboratoire mâles présentaient une fois adultes un appareil reproducteur frappé de malformations et de dysfonctionnements. C’est en 1996 que le biologiste américain Frederick vom Saal faisait cette découverte inquiétante. Le paradigme selon lequel « c’est la dose qui fait le poison » était remis en question. Entre 1996 et la fin 2014, plusieurs milliers d’articles de recherche montrent un lien entre le BPA et une étourdissante variété de pathologies émergentes : troubles du métabolisme (diabète de type 2, obésité, etc.) et de la fertilité, susceptibilité accrue à certains cancers hormonodépendants (sein, prostate, testicule), troubles neuro-comportementaux et cardio-vasculaires, etc.
La loi du 24 décembre 2012 suspend « la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec toutes les denrées alimentaires, à partir du 1er janvier 2015 ». Mais la France elle est le seul pays du monde à en avoir décidé ainsi. L’interdiction française entre en collision avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne. Et la commission de Bruxelles reste muette sur le dossier des perturbateurs endocriniens – ces substances qui, comme le BPA, interfèrent avec le système hormonal et sont susceptibles d’agir à faibles doses. La Commission européenne a lancé une consultation en ligne pour « faciliter la définition de critères applicables aux perturbateurs endocriniens »… seulement en septembre 2014 !
Le journaliste du MONDE, Stéphane Foucart, s’interroge : « Pourquoi les milieux de la science académique n’ont-ils cessé d’alerter sur les dangers du BPA et des perturbateurs endocriniens, alors que les grandes agences d’expertise comme la Food and Drug Administration (FDA) américaine ou l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), sur lesquelles les politiques fondent leurs décisions, en relativisent-elles systématiquement les risques ? »* Les tenants du libre-échange et de la concurrence généralisée agissent même au détriment de la santé sanitaires des populations. Le « business as usual » n’a pas de limites !
* LE MONDE du 6 janvier 2015, Bye bye BPA ? (autre titre, Bisphénol A : la France à l’avant-garde)
NB : pour avoir une vision plus globale du problème, lire sur notre blog
La Commission européenne s’isole sur les perturbateurs endocriniens
Publication, mercredi 21 janvier, de l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur le bisphénol A : « le BPA ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d’âge. » Une conclusion en opposition frontale avec l’expertise française conduite entre 2011 et 2013 par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
L’avis de l’EFSA a soulevé un concert de réprobations. « Je suis très surprise par cet avis, curieusement lancé au moment où l’interdiction du BPA est entrée en application » en France pour les contenants alimentaires, a déclaré Ségolène Royal à l’AFP.
« Le ministère va faire expertiser cet avis, pour voir si le poids des lobbies n’est pas intervenu dans sa publication », a poursuivi la ministre française de l’écologie.
Le bisphénol est aujourd’hui complètement interdit. Depuis le 1er janvier 2015, même les boites de conserves n’en contiennent normalement plus. C’est une excellente chose !