Cancun ne pouvait aboutir qu’à une impasse dans un contexte d’indifférence des citoyens, de polarisation des médias sur les faits-divers et de langue de bois des politiques. Sept policiers condamnés à de la prison ferme, 184 commentaires sur lemonde.fr ! L’accord international à Cancun, 2 commentaires (dont un climatosceptique). Le Monde (LeMonde) est plus occupé par les révélations de WikiLeaks ou le Mediator que par le réchauffement climatique ; les annotations conjoncturelles étouffent les préoccupations écologiques.
Cancun se termine donc politiquement ce samedi 11 décembre sur du greenwashing. Les pays développés promettent de l’argent, un « Fonds vert » qui permettrait aux pays en développement de s’adapter au changement climatique ; nous savons que les promesses d’argent des Etats n’engagent que ceux qui y croient. Pour Eva Joly, députée européenne : « Les 420 millions d’euros que la France devait verser (après Copenhague) ont été prélevés sur l’aide au développement, pour laquelle l’objectif d’atteindre 0,51% du PIB n’est même pas atteint. »
Cancun maintient le statu quo sur le protocole de Kyoto, c’est-à-dire un objectif de réduction des gaz à effet de serre que tout le monde a oublié. Les problématiques environnementales (changement climatique, pic pétrolier, perte de biodiversité…) disqualifient les frontières politiques. Mais les représentants aux conférences internationales représentent d’abord leur propre pays. Al Gore, ancien vice-président américain et prix Nobel de la paix, est complètement déprimé : « Le problème ne s’éloigne pas, il a plutôt tendance à s’aggraver. »
Alors la question se pose de savoir comment prendre des décisions et organiser la régulation à l’échelle où les questions se posent. Faut-il remettre les décisions sur l’avenir de la planète dans les mains de l’axe américano-chinois? du G8 ? du G20 ? de l’OMC ? Doit-on confier le destin de la planète au grand capital ? aux médias ? aux citoyens ? Il n’y a que deux solutions, expliquait à Cancun le président de la Bolivie : « Soit le capitalisme meurt, soit la Terre-Mère trépasse. » Le passage du parlement des hommes au parlement du futur (le parlement de la Nature) va se faire dans la douleur : 2°C de plus ? 4 ? 6 ? Rappelons le principe-responsabilité formulé par H. Jonas : « Agir de façon à ce que les effets de son action ne soient pas destructeurs pour la possibilité d’une vie future sur terre. »
Aux Etats-Unis, les républicains préparent déjà les amendements qui leur permettront de supprimer les allocations budgétaires pour la contribution américaine au Fonds vert lancé à l’occasion du Sommet sur le climat de Cancun en décembre 2010.
(LeMonde du 11 janvier 2010)
Sur le résultat final de Cancun, LeMonde du 12-13 décembre 2010 nous trompe complètement avec son grand titre « Optimisme après l’accord sur le climat à Cancun ». Notre analyse, pessimiste, ne va s’appuyer que sur les phrases mêmes des articles de ce numéro :
Le succès tient de la magie. La magie, c’est celle des formules ambiguës suffisamment habiles pour satisfaire l’ensemble des parties. Par exemple, les rapports d’action en matière de limitation d’émissions de GES seront analysés par des experts indépendants, mais d’une façon « non intrusive, non punitive et respectant la souveraineté nationale ». Autant dire que personne ne limitera ses émissions. Il n’y a pas d’engagement formel. Les moyens de parvenir à l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’époque pré-industrielle ne sont pas fixés. Ce n’est que la conférence à Durban en 2011 qui donnera un contenu détaillé au cadre général approuvé à Cancun. Mais l’Europe vient de donner l’image d’une diplomatie paralysée par le processus communautaire et les Etats-Unis sont dénués de marge de manœuvre depuis la victoire des républicains aux élections de mi-mandat.
C’est la Bolivie, seule contre tous, qui dénonce la langue de bois : « Nous ne pouvons pas accepter ce texte qui revient à augmenter la température moyenne de plus de 4°C. » En 2009, en conséquence de l’une des plus violentes crises économiques de l’histoire récente, les émissions mondiales n’ont chuté que de 1,3 %. Si les émissions recommencent à augmenter jusqu’en 2015, elles doivent ensuite subir une décroissance de 5,3 % par an, ce qui est littéralement intenable.