la crise de notre civilisation inclinera au despotisme
L’effondrement social n’est pas un problème politique, économique ou technologique à résoudre par les élites, mais un problème culturel. Il y a des milliards d’individus dans le monde qui survivent avec moins de 1 $ par jour, et pourtant bon nombre d’entre eux sont plus heureux et mènent une vie plus plaisante, insouciante et gratifiante que nombre de gens dans les pays dits « développés ». Comme chacun va devenir progressivement plus pauvre dans l’avenir, les habitants des pays riches ont davantage à apprendre du reste du monde que l’inverse.
Dans les sociétés modernes, tous les mécanismes d’adaptation existants pour résoudre l’échec sociétal sont conçus pour le traiter comme l’exception ; il n’y a pas de filet de sécurité conçu pour rattraper des sociétés entières lorsqu’elles tombent. L’aide internationale, la charité, les efforts de maintien de la paix et les interventions militaires sont conçus pour traiter des crises singulières, localisées et limitées, mais l’on ne peut rien en attendre dans un contexte global d’effondrement constant et en accélération. Peu d’endroits sont susceptibles d’échapper à l’assaut des groupes humains déplacés internationalement de leur territoire par la destruction de l’habitat provoquée par la changement climatique ou par la dislocation économique. La méthode actuelle pour modifier les règles suppose pression politique, délibération, législation et action en justice, des activités coûteuses et chronophages pour lesquelles il n’y aura plus ni temps ni ressources. Il y a peu de manières non destructrices de dé-complexifier les systèmes complexes, et, tandis que ses composantes tombent les uns après les autres, le système peut se perpétuer en asservissant les esprits avec de fausses attentes et de faux espoirs.
Les survivalistes tentent de s’isoler en construisant une « base autonome durable » bien approvisionné dans un lieu à l’écart. Mais cette solution ne peut s’appliquer que pour quelques-uns. D’autres se plaisent à penser qu’il soit possible d’introduire des demi-mesures telles que des monnaies et des productions locales. Une telle transition peut être dure à réaliser. En effet, tant que l’économie globale fonctionne encore, à crédit, il est très difficile de la concurrencer par d’autres moyens que les siens. Le problème central de l’organisation durable d’une communauté est que le modèle de celle qui a le plus de chances de s’en sortir après effondrement s’avère tout simplement inacceptable avant l’effondrement ! La classe dirigeante refuse généralement de s’évanouir discrètement dans la nuit et de laisser aux gens la possibilité de s’auto-gérer, d’expérimenter leurs propres solutions et de s’unir en groupes autonomes adaptés à l’environnement. Au lieu de cela, il est probable qu’elles échafaudent un nouveau plan absurde : une initiative pour réhabiliter l’unité nationale, dans le sens de restaurer le statu quo antérieur, du moins en ce qui concerne la préservation de leurs pouvoirs et avantages personnels. Les politiciens sont enclins à introduire de nouvelles mesures draconiennes de lutte contre la criminalité, un état d’urgence permanent, n’autorisant que certaines activités. Afin d’esquiver la responsabilité de à son échec, l’élite dirigeante fait de son mieux pour dénoncer un ennemi intérieur ou extérieur. Ce qui est propice à la création d’un climat de peur et à la répression de la liberté d’expression. Mettre la nation sur le pied de guerre aide le gouvernement à réquisitionner des ressources et les ré-allouer à l’armée, la police, les bureaucrates. Les effondrements financier et commercial créent une ouverture pour ceux qui inclinent au plus misérable despotisme.
source : Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)
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