anthropisation

la crise de notre civilisation inclinera au despotisme

L’effondrement social n’est pas un problème politique, économique ou technologique à résoudre par les élites, mais un problème culturel. Il y a des milliards d’individus dans le monde qui survivent avec moins de 1 $ par jour, et pourtant bon nombre d’entre eux sont plus heureux et mènent une vie plus plaisante, insouciante et gratifiante que nombre de gens dans les pays dits « développés ». Comme chacun va devenir progressivement plus pauvre dans l’avenir, les habitants des pays riches ont davantage à apprendre du reste du monde que l’inverse.

Dans les sociétés modernes, tous les mécanismes d’adaptation existants pour résoudre l’échec sociétal sont conçus pour le traiter comme l’exception ; il n’y a pas de filet de sécurité conçu pour rattraper des sociétés entières lorsqu’elles tombent. L’aide internationale, la charité, les efforts de maintien de la paix et les interventions militaires sont conçus pour traiter des crises singulières, localisées et limitées, mais l’on ne peut rien en attendre dans un contexte global d’effondrement constant et en accélération. Peu d’endroits sont susceptibles d’échapper à l’assaut des groupes humains déplacés internationalement de leur territoire par la destruction de l’habitat provoquée par la changement climatique ou par la dislocation économique. La méthode actuelle pour modifier les règles suppose pression politique, délibération, législation et action en justice, des activités coûteuses et chronophages pour lesquelles il n’y aura plus ni temps ni ressources. Il y a peu de manières non destructrices de dé-complexifier les systèmes complexes, et, tandis que ses composantes tombent les uns après les autres, le système peut se perpétuer en asservissant les esprits avec de fausses attentes et de faux espoirs.

Les survivalistes tentent de s’isoler en construisant une « base autonome durable » bien approvisionné dans un lieu à l’écart. Mais cette solution ne peut s’appliquer que pour quelques-uns. D’autres se plaisent à penser qu’il soit possible d’introduire des demi-mesures telles que des monnaies et des productions locales. Une telle transition peut être dure à réaliser. En effet, tant que l’économie globale fonctionne encore, à crédit, il est très difficile de la concurrencer par d’autres moyens que les siens. Le problème central de l’organisation durable d’une communauté est que le modèle de celle qui a le plus de chances de s’en sortir après effondrement s’avère tout simplement inacceptable avant l’effondrement ! La classe dirigeante refuse généralement de s’évanouir discrètement dans la nuit et de laisser aux gens la possibilité de s’auto-gérer, d’expérimenter leurs propres solutions et de s’unir en groupes autonomes adaptés à l’environnement. Au lieu de cela, il est probable qu’elles échafaudent un nouveau plan absurde : une initiative pour réhabiliter l’unité nationale, dans le sens de restaurer le statu quo antérieur, du moins en ce qui concerne la préservation de leurs pouvoirs et avantages personnels. Les politiciens sont enclins à introduire de nouvelles mesures draconiennes de lutte contre la criminalité, un état d’urgence permanent, n’autorisant que certaines activités. Afin d’esquiver la responsabilité de à son échec, l’élite dirigeante fait de son mieux pour dénoncer un ennemi intérieur ou extérieur. Ce qui est propice à la création d’un climat de peur et à la répression de la liberté d’expression. Mettre la nation sur le pied de guerre aide le gouvernement à réquisitionner des ressources et les ré-allouer à l’armée, la police, les bureaucrates. Les effondrements financier et commercial créent une ouverture pour ceux qui inclinent au plus misérable despotisme.

source : Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)

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Les USA, un pays de pilleurs et de spoliateurs

Lorsque Christophe Colomb se rendit à terre avec son équipage, les Arawaks s’empressèrent de les accueillir en leur offrant eau, nourriture et présents. Colomb écrit plus tard dans son journal de bord : « Ils étaient bien charpentés, le corps solide et les traits agréables… Ils feraient d’excellents domestiques… Avec seulement cinquante homme, nous pourrions les soumettre tous et leur faire faire tout ce que nous voulons. » Par la suite, les Indiens ont été les victimes de la force brutale des Blancs. La plupart des manuels d’histoire aux USA passent rapidement sur tout cela. Si on fait un tour d’horizon des manuels scolaires des collèges et du primaire, on découvre un Jackson héros de la Frontière, soldat, démocrate, homme du peuple… Rien sur le propriétaire esclavagiste, le spéculateur foncier, l’exécuteur de soldats séditieux ou l’exterminateur d’Indiens. Les faits parlent d’eux -mêmes. Dès que Jackson devint président en 1829, le décret sur le déplacement des Indiens fut soumis au Congrès. Le déplacement des Indiens fut justifié en ces termes par Lewis Cass, secrétaire à la guerre : « Nous luttons tous, dans la longue carrière de la vie, pour acquérir abondance d’honneurs, de pouvoir ou tout autre objets dont la possession servira à la satisfaction des désirs nés de notre imagination. La somme de ces efforts garantis le progrès de la société. Il semble que rien ou presque de tout cela ne soit dans la nature de nos sauvages. » En tant que gouverneur du Michigan, Cass s’empara de centaines de milliers d’hectares appartenant aux Indiens. Il aurait souhaité que tout cela se fut accompli « au prix de sacrifices moindres et que la population indigène s’adaptât au changement inévitable de sa condition ». Mais, rajoutait-il, « cet espoir est vain. Un peuple barbare, dépendant pour sa subsistance des produits aussi chiches que précaires de la chasse, ne peut survivre au contact d’une communauté civilisée ».

Dans son livre The Disinherited, Dale Van Every résume ce que le déplacement signifiait pour les Indiens. « Dans la longue histoire des méfait de l’homme, l’exil a tiré des cris d’angoisse à bien des peuples. Néanmoins, il n’a jamais eu d’effets plus terribles que sur les Indiens de l’Est américain. L’indien était particulièrement réceptif à l’aspect sensoriel du moindre élément naturel de son environnement. Il vivait à l’air libre. Il connaissait tous les marais, toutes les clairières, tous les rochers et ruisseaux, comme seul un chasseur peut le faire. Il aimait cette terre avec une émotion plus profonde que celle de n’importe quel propriétaire. Il se considérait lui-même comme lui appartenant, sa patrie c’était la terre sacrée. Il appartenait à cette contrée battue par la pluie et à laquelle il était lié par les coutumes de ses aïeux et ses propres aspirations spirituelles. Mais il en fut expulsé vers les plaines rases et arides de l’Ouest lointain. » Chief Luther Standing écrivit en 1933 dans son autobiographie : «  C’est vrai, l’homme blanc a apporté de grands progrès. Mais si les fruits de sa civilisation brillent de mille feux et sont terriblement désirables, ils n’en sont pas moins empoisonnés et mortels. Et si le rôle d’une civilisation est de mutiler, voler et s’opposer à autrui, alors où est la progrès ? Laissez-moi penser que l’homme assis sur le sol de son tipi, méditant sur la vie, acceptant la nature de toute chose et assumant son unité avec l’univers, incorporait en lui la véritable essence de la civilisation. »

Ces extraits sont tirés du livre de Howard Zinn qui retrace l’histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours. Il montre l’histoire du capitalisme telle qu’on a voulu nous la cacher, faite de rapines et de spoliations. Un autre livre du même auteur est aussi à lire absolument, Désobéissance civile et démocratie : « Lorsqu’on se penche sur la longue et sinistre histoire de l’homme, on réalise qu’il s’est commis plus de crimes abominables au nom de l’obéissance qu’au nom de la révolte. Nos cultures ont inventé de fausses catégories telles que la race ou la nation qui nous empêchent de nous penser comme une seule et même espèce et entraînent de ce fait une certaine hostilité réciproque qui s’extériorise par la violence. Aucun animal, en dehors de l’homme, ne fait la guerre…»

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Pour une jurisprudence de la Terre

Le terme d’Earth Jurisprudence a été d’abord utilisé par Thomas Berry (1914-2009), un érudit adepte de l’écologie profonde. Les partisans de cette jurisprudence soutiennent que l’anthropocentrisme est la cause principale de la crise écologique. Cet anthropocentrisme entretient la perception du monde naturel comme d’un simple ensemble d’objets à disposition des humains. Pour Berry, la Terre n’est pas une collection d’objets, mais une communion de sujets. Malgré le droit traditionnel de l’environnement pour en protéger de multiples aspects, la plupart de nos lois sont fondamentalement pro-développement et pro-croissance. Elles ne remettent pas en question la culture systémique de l’épuisement complet de la Terre par les humains ; de fait elles leur sont généralement favorables. Voici quelques propositions de Berry qui devraient être reconnues dans les constitutions nationales et dans les tribunaux de droit. En résumé :

Chaque composante de la communauté de la Terre dispose de trois droits : le droit à l’existence, le droit à l’habitat, et le droit de remplir son rôle dans les processus sans cesse renouvelés de la communauté de la Terre. Tous les droits sont limités, les rivières ont des droits de rivière, les insectes ont des droits d’insectes, les êtres humains ont des droit humains. La différence de l’humain est qualitative et non quantitative. Les droits d’un insecte ne seraient d’aucune valeur pour un arbre ou un poisson. Aucun être vivant ne se nourrit seul. La survie de chaque membre de la communauté de la Terre est immédiatement ou par médiation dépendante de tous les autres membres de la communauté. Cette réciprocité inclut les relations prédateur-proie.

Cormac Cullinan a précisé le point de vue de Berry en 2003  : « Aucun des composants de la biosphère terrestre ne peut survivre ailleurs qu’au sein de l’écosystème terrestre. Cela signifie que le bien-être de chaque membre de la Communauté de la Terre dérive du bien-être de la Terre dans son ensemble et que nul ne peut prendre le pas sur celui-ci. En conséquence le premier principe de la jurisprudence de la Terre doit être de faire passer la survie, la santé et la prospérité de l’ensemble de la communauté devant les intérêts de toute personne ou communauté humaine. L’application de ce principe s’avère également être le meilleur moyen de garantir les intérêts des humains à long terme. L’allégeance que nous, humains, devons à la Terre est donc de l’ordre de l’obligation qu’une cellule a envers le corps. Le devoir de la cellule est de remplir les fonctions pour lesquels elle a évolué et de continuer à agir dans le but de contribuer à la santé du corps. Si elle cesse de le faire, elle meurt ou devient une celle cancéreuse. »

Des droits pour la nature, collectif, éditions Utopia 2016, 2010 pages pour 10 euros

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à Xavier Beulin l’agro-industrie reconnaissante

Xavier Beulin, président du tout puissant syndicat agricole FNSEA et président d’une holding financière des producteurs d’oléagineux qui affichait un chiffre d’affaires de 6,1 milliards d’euros en 2015 est mort brutalement le dimanche 19 février. Paix à son âme. Mais un dirigeant qui privilégiait l’agriculture productiviste, glorifiait les biotechnologies et tuait les petits paysans en prônant la compétitivité n’avait pas une action reluisante. Voici quelques commentaires mordants sur lemonde.fr* :

yin-yang : Ce type dont tout le monde chante les louanges est le principal responsable d’un lobby agroindustriel qui favorise les intrants et méthodes d’élevage les plus sales. Sa disparition est une bénédiction pour la planète même si elle ne change pas grand chose.

Gnous84 : Doit défendre la compétitivité devant saint Pierre ….nous sommes bien peu de chose !

Estragon : Ce qui peut étonner, c’est l’aveuglement des politiques, de Mélanche à Le Pen, en passant par Wauquiez, qui ne sentent plus le pays. Une bonne part des consommateurs, tout comme l’ensemble des paysans qui n’ont plus la tête dans le pulvérisateur, ne veulent plus de l’agriculture mortifère, soumise aux subventions et aux lobbies, défendue par des types comme Beulin.

Nimbus : « Une perte majeure pour la France« …Décidément notre Président Hollande n’en loupe pas une. Qu’il présente ses condoléances c’est normal mais M. Beulin est l’un des responsables du drame de l’agriculture française sans parler de son action pour environnement.

Philippe Bompard : Le concert de louanges présidentiel et gouvernemental en dit long sur l’incapacité de la gauche à proposer et à soutenir une alternative à l’agrobusiness qui empoisonne la planète et tous ses habitants.

Munstead : Jamais compris que le premier syndicat agricole français ait été aux mains d’un richissime représentant de l’agro-business international. Il défendait les « gros » agriculteurs du Bassin parisien et semblait se désintéresser des problèmes des petits agriculteurs de toute la France, de la désertification des campagnes

vora-cité : Appauvrissement des sols, pollution des nappes phréatiques, des rivières, pollution de l’air, déforestation, l’agriculture productiviste met non seulement la nature en danger mais aussi les hommes. Chez les agriculteurs, le nombre de cancers et de malformation congénitales liés à l’utilisation des pesticides est plus élevé que dans le reste de la population.

* LE MONDE éco&entreprises, Xavier Beulin, mort d’un défenseur de l’agrobusiness

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Le progrès détruit, l’humain reconstruit… parfois

Pourquoi, lorsqu’un chef d’œuvre de l’homme est détruit, cela s’appelle du vandalisme, mais quand la nature est détruite, cela s’appelle le progrès ? (Jane Goodall)

A partir de ce moment-là (l’effondrement civilisationnel), la poste marchait sporadiquement et les magasins fermaient plus souvent. Pendant plusieurs mois, les fonctionnaires avaient été payés avec des billets à ordre jusqu’à ce que les banques refusent d’honorer les reconnaissances de dette du gouvernement. Alors les fonctionnaires n’avaient plus été payés du tout. C’est incroyable la rapidité avec laquelle tout le monde s’est adapté à ces changements. J’imagine que c’est comme ça que les gesn qui vivent par-delà la forêt s’étaient accoutumés à boire de l’eau en bouteille, à conduite sur des autoroutes bondées et à avoir affaire aux voix automatisées qui répondaient à tous leurs appels. A l’époque, eux aussi ont pesté et se sont plaints, et bientôt se sont habitués, oubliant presque qu’ils avaient un jour vécu autrement. (Jean Hegland)

Si vous en avez assez de parler à des inconnus sur Internet, essayez de parler à quelqu’un dans la vie réelle. Si quelque chose a besoin d’être remis en état, lacez vos chaussures et tentez d’organiser les gens autour de vous. (Barack Obama)

Un matin dans un pot oublié au rebord d’une fenêtre, j’ai vu une plante qui sortait. Je m’en suis occupé, elle a grandi, elle a fleuri, elle a donné des graines, elle s’est ressemée. C’est une chose qui m’a profondément marqué, je suis devenu botaniste à ce moment-là. (Francis Hallé)

C’était au fil de mes lectures, quelques moments captivants à partager… tu peux aussi rajouter d’autres éléments de réflexion en commentaire !

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Zygmunt Bauman, exploitation minière et « liquidité »

Dans « Guerres d’entropie négative », le sociologue Zygmunt Bauman nous faisait remarquer que l’exploitation minière est la métaphore de toute la civilisation moderne : « Cette formule s’inspire de la thèse de Lewis Mumford, selon laquelle on peut interpréter l’apparition des pratiques minières des XVIIIe et XIXe siècles comme une révolution culturelle totale. L’agriculture favorise l’établissement d’un heureux équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine. Ce que l’homme prélève  à la terre lui est délibérément restitué ; le champ labouré, le verger, les planches à  légumes, les terres à blé, les massifs de fleurs – tous témoignent d’un ordre formel, d’un cycle de croissance. En revanche, le travail de la mine est avant tout  destructeur : son produit est un amas sans forme et sans vie,  ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. Que l’agriculture ait ou non cette capacité fabuleuse à défier l’entropie (une  capacité largement compromise par les stratégies d’exploitation minière en agriculture et en élevage), l’allégorie de Mumford met parfaitement en lumière l’opposition radicale qui sépare ces deux formes de rapport à la nature. L’archétype de l’entropie négative (le contraire de l’entropie) repose sur une utilisation ordinaire de l’énergie musculaire humaine ou animale, qui est largement renouvelable à la condition de respecter scrupuleusement les limites au-delà desquelles son exploitation n’est plus viable. Par contre l’idée d’une croissance économique perpétuelle s’est, dès son apparition, opposée de façon tranchée à l’idéal de stabilité économique qui avait prévalu jusqu’alors. » (dans Entropia n° 8, printemps 2010, Territoires de la décroissance )

Mais Zygmunt Bauman (1925-2017) est plus connu par l’expression « société liquide ». Les sociétés modernes étaient « solides » au sens où elles avaient, depuis le siècle des Lumières, des projets collectifs assurant leur cohésion et leur marche historique. L’objectif commun de penseurs aussi différents que Voltaire, Rousseau, Marx ou Bakounine était la construction rationnelle d’une société qui pourrait être finalement juste et en sécurité. La société a commencé à devenir « liquide », selon Bauman, quand cet horizon s’est effacé avec l’avènement de la mondialisation. Ce qui domine désormais n’est plus la sécurité collective mais la liberté de l’individu, sous la forme notamment de la consommation (l’art de vivre est un art de consommer), des rôles interchangeables (professionnels ou sexuels), de la flexibilité universelle (des emplois comme des valeurs). Cette métamorphose va toujours dans le même sens, celui d’une « jeta­bilité » croissante des objets, des activités, mais aussi des êtres humains, des sentiments, des normes. Ce monde « liquide » se révèle donc, avec Bauman, aussi inhumain qu’inconstant. Lui, il le rappelait volontiers, était d’un autre temps – solide… – où les amours ne se déliaient pas d’un clic, où l’on n’attendait pas qu’une application résolve toute question, où l’on savait devoir attendre et travailler. A 85 ans, il répondait à un jeune qui se vantait d’avoir des centaines d’amis sur Facebook : « Moi, j’en compte tout au plus quatre ». Où peut aller une société qui se liquéfie de plus en plus, si ce n’est à la perte de cohérence et à l’autodestruction ?

Il était aussi connu par cette autre expression : « la planète est pleine »*. Ce qui ne veut pas dire simplement que la planète est saturée par la population humaine, mais qu’il n’existe plus de territoires où exclus et persécutés puissent se réfugier. Tous sont assignés à résidence, parqués, occultés. La mondialisation a cette face sombre : la multiplication de rebuts humains que personne ne veut plus prendre en compte : « Ceux qui sont « en bas» sont régulièrement chassés des endroits où ils seraient contents de demeurer. » Ce qui sert aujourd’hui de distinction entre ceux qui sont «en haut» et ceux qui sont « en bas» de la société de consommation, c’est leur degré de mobilité, c’est-à-dire leur liberté de choisir l’endroit où ils veulent être. Zygmunt Bauman est mort le 9 janvier 2017.

* LE MONDE du 14 janvier 2017, Mort du sociologue et philosophe Zygmunt Bauman

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Protégeons le littoral de la convoitise humaine

Le Conservatoire du littoral, envisagé sous Pompidou, ne devient une réalité qu’en juillet 1975. Mais il faudra attendre 1986 pour une loi sur le littoral contre les bétonneurs. Adoptée à l’unanimité, la loi littoral vise à protéger les écosystèmes des bords de mer et des grands lacs du mitage urbain. Dès le départ, les oppositions s’organisent : il faudra une condamnation du Conseil d’Etat pour que le décret d’application soit enfin publié en 2000. En 2006, le Premier ministre Villepin annonce triomphalement que l’argent que le Conservatoire du Littoral pourra affecter à l’achat des terrains de bord de mer en 2007 atteindront 33 millions d’euros ; c’est le prix d’un kilomètre d’autoroute.

La loi littoral ne se contente pas de défendre rigoureusement une bande large de cent mètres le long du rivage : elle réglemente aussi les zones attenantes. Jusqu’à présent, il n’est pas permis de construire n’importe où sur la lande ou au-dessus d’une calanque hors d’une zone déjà urbanisée ou d’un hameau. Jusqu’à deux kilomètres environ à l’intérieur des terres, il est aussi interdit de combler une « dent creuse » – c’est-à-dire l’interstice compris entre des constructions déjà existantes, maisons ou bâtisses agricoles. Mais les parlementaires nagent en pleine contradiction. Ils examinent en deuxième lecture la proposition de loi faussement intitulée « l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique ». La majorité sénatoriale veut introduire suffisamment de dérogations pour vider de leur substance ces dispositions qui empêchent de densifier les côtes. Ce texte propose de créer des baux particuliers pour des temps donnés. Foin des défis posés par l’érosion, les parlementaires veulent ouvrir généreusement les vannes à « la création de zones d’activités économiques » nouvelles, sans garde-fou. C’est un comble alors qu’il faudrait au contraire établir un cordon sanitaire face à l’érosion ! Quelques réactions sur lemonde.fr

Cynique du bon sens et raison : La Cop 21, un vrai succès… Pas dans la tête des politicards ! Magouilles et fric…

Ciel bleu, mer belle à Marseille : C’est justement l’existence de ces « dents creuses », qui cassent le mur de constructions que l’on ne veut plus voir, qui favorise la survivance d’une biodiversité. La « dent creuse » est la loi littorale, son fer de lance. L’abroger c’est construire un mur, c’est couper les accès vers le littoral, c’est privatiser la côte. Les bienfaits de cette loi son t partout visibles. Elle fait l’unanimité des citoyens, sauf des promoteurs et quelques spéculateurs. La restreindre serait un scandale.

B A Ba : Créer des baux provisoires c’est attaquer maintenant la biodiversité, une biodiversité malmenée partout (même dans les Parcs nationaux (calanques et boues rouges)). Créer des baux, c’est comme construire dans les zones inondables, devoir indemniser demain quelques promoteurs ou résidents aveugles. La population a tendance à s’installer de + en + sur les côtes. Si la protection des côtes est assouplie ces populations auront de moins en moins accès au littoral, un littoral qui est domaine public.

JeB : Des élus qui sont juste les pantins des bétonneurs. Ce sont des jouisseurs de l’immédiat qui ne pense qu’à leur pomme sans imaginer la vie des futures générations et pourtant c’est leur boulot !!

* LE MONDE du 1er février 2017, Les parlementaires tentent de remodeler la loi littoral

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passage de l’État-nation à une myriade de cités-Etat

Quelques paragraphes captivants tirés d’un livre* de Dmitry Orlov :

– Non seulement les système anarchiques (c’est-à-dire non hiérarchiques et auto-organisés) ont été la norme de l’évolution et de la nature, mais encore ils ont été celle des sociétés humaines durant la plus grande partie de leur existence. Ils ont beaucoup à nous offrir alors que notre paysage est dominé par les échecs de divers systèmes centralement contrôlés, rigidement organisés et rivés à des chaînes de commandement qui sont parvenus à dompter des sociétés humaine au cours des siècles récents… Aujourd’hui l’avocat politique de l’anarchie est au mieux une voix désincarnée sur le Web.

– L’incarnation de l’Etat-nation consiste en une série de symboles dérisoires : un drapeau, un hymne, quelques slogans et faits historiques reconstitués. L’efficacité de ces symboles repose sur une certaine vulnérabilité humaine, on recherche généralement une identité tribale. Le serment d’allégeance aux Etats-Unis que chaque écolier américain doit réciter la main sur le cœur n’est pas qu’une formalité : c’est un acte transformateur qui crée un groupe de jeunes gens prêts à suivre un chef agitant leur drapeau de ralliement aussi sûrement qu’une troupe de canetons suivait les bottes en caoutchouc de Konrad Lorenz. Bien qu’une part des babouins bottés puissent s’être portés volontaires pour le léchage de bottes, beaucoup d’autres sont de simples mercenaires.

– Si l’endoctrinement nationaliste est un sale tour à jouer à des enfants, alors leur endoctrinement religieux est comparable à un véritable crime, dans le style d’une maltraitance par lavage de cerveau et contrôle mental. Le prophète Mahomet était un homme d’affaires, un politicien et, bien sûr, un chef religieux qui excellait dans l’art de plier les gens à sa volonté, la religion étant l’arme la plus puissante dans son arsenal politique.

– La banque mondiale publie une liste des nations manquant de souveraineté effective. En 1996, on répertoriait 11 entrées et en 2006 on en comptait 26. Pas une année se passe sans qu’un autre État-nation soit aiguillé sur la voie des obsolètes. Une simple projection montre qu’on atteindrait zéro État-nation viable vers 2030. Mais si un État faible ne parvient pas à grand-chose pour son peuple, il se dresse bel et bien sur la route de l’auto-gouvernement. Les cités-Etats sont, de loin, la construction politique la plus réussie de l’histoire humaine. Une poignée de petites villes en Grèce a donné naissance à une grande part de ce qui constitue l’héritage intellectuel occidental.

– Après un siècle de combustion extravagante des énergies fossiles, il serait conforme aux attentes que, au fur et à mesure que l’industrialisme disparaît dans un nuage de suie et de fumée résiduelles, l’État-nation s’efface, emportant avec lui tout ce qui est bourré d’ambition démesurée et immensément dangereux pour la survie sur Terre. A sa place viendrait une myriade de minuscules régimes, tous incapables de lancer le moindre porte-avion, encore moins d’entamer une guerre mondiale. En revanche, ils pourraient être capable utiliser des méthodes artisanales pour fabriquer des objets du quotidien qui feraient honte à la camelote en plastique produite en masse aujourd’hui.

* Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)

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Le cadavre de l’ex-présidentiable N.Hulot remue encore

Nicolas Hulot s’est dégonflé alors que tout le monde s’attendait à ce que la présidentielle 2017 parle enfin d’écologie. Mais il dit encore quelques vérités dans les colonnes du MONDE* : « La sortie des énergies fossiles doit être la clé de voûte du moteur économique de demain… Si nous voulons atteindre l’objectif de contenir le réchauffement climatique, il faut renoncer à exploiter les trois quarts des réserves d’énergies fossiles… Les dirigeants n’ont pas encore réalisé que, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050, il faut des révisions d’investissement fondamentales… Il serait aléatoire d’espérer atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre si nous nous accommodons du fait que des millions d’hectares soient dégradés chaque année, restituant simultanément des millions de tonnes de CO2… A Marrakech, en novembre 2016, j’avais l’impression d’être dans une répliquede la COP21 de décembre 2015 à Paris, avec les mêmes mots sympathiques, les mêmes photos, les mêmes acteurs. Mais je voyais le visage dépité de nos camarades africains qui attendent des actes. Il est temps que l’on cesse de créer des distorsions sur les marchés où, pour ­finir, l’agriculture vivrière locale est moins avantageuse que les produits d’importation… Je suis désespéré face à l’inertie du système et aux forces de résistance. Ces forces de résistance sont animées notamment par les lobbys des énergies fossiles. Mais aussi par des multinationales comme Monsanto… Les militaires du Pentagone sauront rappeler à l’administration républicaine que le sujet climatique conditionne aussi la sécurité intérieure des Etats-Unis. Il faut adapter notre démocratie au long terme en instaurant un lieu de prospective et de planification où se retrouvent les acteurs politiques, des citoyens tirés au sort, les partenaires sociaux et les experts. Car il faut planifier la transition sur trente ans au minimum… En trente ans, j’ai vu disparaître des écosystèmes entiers, terrestres et marins, j’ai vu l’impact du réchauffement climatique. Mais, ce que je retiens surtout, c’est le changement d’échelle dans l’exploitation de la mer, dans le pillage de la forêt, dans l’urbanisation de la ­planète. Face à cette accélération, la prise de conscience progresse à un rythme trop lent. La communauté internationale s’est fixé un cap, mais elle n’a pas de boussole. » Dommage que Nicolas Hulot ait refusé de porter ce message au niveau de la présidentielle, il pouvait agir en dehors de toute cuisine politicienne. Voici trois commentaires pertinents sur le monde.fr :

Openeye : Une fois tous les trimestres, N Hulot sort un article, sans doute pour prouver qu’il existe encore. J’ai cessé de m’intéresser à ses articles depuis qu’il a pris l’habitude de faire croire qu’il sera candidat pour porter une écologie active, avant de refuser l’obstacle au dernier moment. Quand on a le cap mais pas les « cojones », on s’abstient de critiquer les autres. Par ailleurs, un écologiste qui ne dit pas que la démographie galopante accélère gravement les problèmes est il crédible ?

Ra00f : Nicolas Hulot donne cette prévision, « les militaires du Pentagone sauront rappeler à l’administration républicaine que le sujet climatique conditionne aussi la sécurité intérieure des Etats-Unis« . Cela fait 10-20 ans que le risque climatique est entré dans le scope d’analyse des différentes grandes armées du monde (en France, cf encore ce mois-ci la mission de l’IRIS pour la Défense). Car les armées considèrent que le changement climatique engendrera des conflits armés et des migrations massives. Le climat est donc considéré comme un enjeu militaire, conditionnant ainsi la sécurité intérieure. Ce que le Pentagone rappellera à Trump. CQFD.

Francois Hoog : Dernière chose concernant Hulot : parce qu’il n’a jamais assumé le mot « décroissance », je n’ai jamais été admiratif de cette icône médiatique… Un peu comme « Le Monde » d’ailleurs, qui passe des pub de bagnoles ou de produits destructeurs de la planète tout en ayant une rubrique « Planète »… Ça suffit l’hypocrisie !…

* LE MONDE du 18 janvier 2017, Nicolas Hulot : « Nous avons un cap mais pas de boussole »

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L’écologiste Hubert Reeves nous dit des choses sensées

L’histoire de l’univers est l’histoire de chacun de nous 

Avec la perte de la croyance religieuses, les repères ont disparu, mais les questions existentielles sont toujours là  : « la vie a-t-elle un sens ? », « qu’est-ce que je fais ici ? ». Ces questions se reportent sur l’astronomie, le cosmos, qui évoquent ce qui est ­au-delà de nous. On trouve dans la science des choses qui sont à l’honneur de l’humanité. C’est une grande ­expérience qui a commencé avec les Grecs Anaximandre de Milet et Anaxagore, qui ont été les premiers à dire : « faisons une méthodologie dans laquelle on refusera d’introduire des éléments surnaturels ». Si, par exemple, il y a une éclipse, on ne fera pas appel à quelque monstre venu manger le Soleil. Cette décision de ne garder comme satisfaisantes que les ­réponses prises dans la nature elle-même, c’est la grande clé de toute la science. Les astrophysiciens sont devenus d’abord des historiens en découvrant que l’Univers avait une histoire et quand ils ont compris que c’était leur propre histoire. Et quand on présente cet aspect aux enfants, quand on leur dit que ce qu’ils apprennent dans les cours de physique, de chimie, de biologie, c’est leur histoire, cela peut leur donner de l’impulsion parce que rien ne nous intéresse plus que nous-mêmes… Notre cerveau, malgré ses limites et sa lenteur, se donne pour but de comprendre comment tout cela fonctionne et c’est ainsi que la science progresse. La difficulté, dans le fond, c’est de savoir ­gérer cette intelligence fabuleuse qui, aujourd’hui, nous pose tous les problèmes ­environnementaux que nous connaissons. Nous sommes capables de réchauffer la planète, d’acidifier les océans, nous avons une puissance fantastique mais cette puissance pourrait nous éliminer comme elle a failli nous éliminer pendant la guerre froide… C’est comme si la nature nous disait : « je vous ai fait un beau cadeau qui vous a permis de survivre aux premiers temps de l’humanité et maintenant débrouillez-vous avec ». » (LE MONDE du 24 décembre 2016 )

Malicorne, la nature menacée

« Emporté dans sa frénésie d’inventivité, après une gestation de quinze milliards d’années, l’univers a accouché d’un  » mutant  » prodigieux. Dès son apparition dans la savane africaine, l’être humain par migrations successives occupe bientôt tout l’espace disponible sur la planète. La capacité d’adaptation et la compétitivité sont les ferments et les moteurs de l’évolution biologique. A ce jeu, l’être humain joue mieux que quiconque. Il est le champion toutes classes mélangées, il s’adapte à toutes les situations, sous toutes les latitudes et dans tous les climats. Il se prépare aujourd’hui à vivre dans l’espace. Poussée par sa propre politique d’inventivité et son obsession à créer toujours du plus complexe et du plus efficace, la nature semble s’être engagée dans une situation qui pourrait bien se retourner contre elle. Elle a mis au monde une espèce néfaste capable de neutraliser les instincts régulatoires qui assuraient la pérennité de la vie terrestre.

Avec le développement de la science et de la technologie, l’homme modifie considérablement la planète qu’il habite. Il aménage la nature et transforme la campagne. A part les paysages arctiques, toutes les régions ont été plus ou moins altérées par sa présence. Rien ne lui résiste. Son influence est singulièrement accélérée par l’apparition de la civilisation occidentale qui n’a plus, comme les cultures traditionnelles, le respect de la nature. Un grand nombre de biotopes et d’espèces vivantes disparaissent. Les forêts se rétrécissent et les sous-bois deviennent des parkings. L’asphalte et le béton sont les manifestations de cette nouvelle et menaçante monotonie. Vue sous l’angle  » l’homme hors de la nature « , l’arrivée de l’être humain apparaît ici comme une catastrophe cosmique. Notre planète est  » infestée  » d’hommes qui semblent décidés à saboter l’admirable harmonie de la nature. Ils pourraient bien la ramener à sa stérilité initiale.

Sous l’angle  » l’homme dans la nature « , les humains prennent enfin conscience de la menace qu’ils font peser sur la vie planétaire. C’est l’avènement du souci écologique. Tandis que la détérioration du paysage se poursuit et s’accélère, l’être humain se sent devenir responsable de l’avenir de la nature. Après un long passé d’agression et de brutalité, après l’extinction de nombreuses variétés végétales et animales. l’humanité manifeste le désir de protéger la vie. Des espèces. qui semblaient vouées à l’extermination, sont sauvées in extremis… Au Kenya, d’immenses populations de flamants roses nous font oublier qu’il y a quelques décennies à peine, on les croyait à jamais disparus. De tels événements méritent d’être salués. Dans le cadre de l’évolution cosmique leur portée s’étend bien au-delà de la vie des espèces épargnées. Par rapport au comportement antérieur des humains, ils représentent un espoir pour l’avenir de l’intelligence sur la Terre. » (in Malicorne – Éd. du Seuil. 1990)

NB : Ecologiste convaincu, Hubert Reeves est également président d’honneur de l’association Humanité et Biodiversité. La ligue ROC (à l’origine Rassemblement des opposants à la chasse) est devenue Humanisme et biodiversité (ensemble protégeons le vivant) en mars 2012. En adoptant ce nouveau nom et de nouveaux statuts, l’association affirme avec force son engagement vers une prise en compte plus large et plus complète des liens qui unissent l’humanité à l’ensemble du vivant dans une communauté de destin.

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Stéphane Bern, un écologiste assumé ou virtuel ?

Une image de notre époque ? « Difficile d’en voir une positive émerger. J’ai des images de déforestation de l’Amazonie qui me viennent en tête, de l’océan jonché de plastique, de poulets élevés en batterie. Le mal que l’on fait à la planète me terrifie, je ne comprends pas que l’homme en soit arrivé là. Le film La loi du marché de Stéphane Brizé donne à voir la violence de notre époque. L’individu n’existe plus, on sacrifie tout pour l’argent, c’est horrible. La violence économique me heurte profondément. Je frémis à l’écoute de ces discours que l’on croyait révolus, toute cette bande de populistes, Orban, Trump, Erdogan… Nous vivons dans une époque d’inculture décomplexée, assumée et revendiquée. La télévision a fait beaucoup de mal, notamment la télé-réalité. »

Qui a dit cela, une écologiste atterrée, un philosophe gandhien, une personnalité politique ? Non, tout simplement Stéphane Bern*, animateur de radio et présentateur de télévision. Son discours pessimiste nous rend optimiste, il y a un peuple écolo en formation, même parmi les bateleurs que la télévision adore. Il y aura un peuple écolo personnifié quand la majorité des citoyens refusera le voyage en avion, la voiture individuelle et les trois heures de télé par jour. Le peuple écolo préférera jouer au ballon plutôt que regarder un match de foot, il préférera une partie de belote plutôt qu’une séance télé. La simplicité volontaire des uns se conjuguera avec la décroissance conviviale des autres. Toute personne qui a compris que nous avons dépassé les limites de la planète devrait savoir qu’il lui faut vivre autrement.

Un parti écologiste sera adulte quand ses adhérents agiront en ce sens. Un parti politique digne de ce nom est composé de militants qui vivent ce qu’ils prêchent. Il y aura un peuple écolo quand les militants d’Europe Écologie Les Verts commenceront à donner l’exemple de la sobriété énergétique et de la simplicité volontaire. Le peuple écolo existera quand EELV nous donnera une certaine cohérence, des éléments de langage, le sens de la solidarité, l’exemplarité de ses membres. L’équilibre très compromis entre les possibilités réelles de la planète et l’activisme humain démesuré entraînera nécessairement l’avènement du peuple écolo… ou l’écolo-fascisme ! Pour la présidentielle 2017, votez pour le plus écolo des candidats, Yannick Jadot…

* LE MONDE du 18-19 décembre 2016, Portrait chinois de l’animateur et écrivain

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Yannick Jadot et la fin programmée de notre monde

« Je n’ai pas envie d’être le candidat de la fin du monde, a déclaré Yannick Jadot. Que l’on ne nous raconte pas que l’écologie c’est le retour à la bougie, alors que s’il y a une idéologie, un programme qui a besoin de toutes les innovations, technologiques, sociales, financières pour bâtir le monde de demain, c’est bien l’écologie. »* Nous faisons deux commentaires à cette assertion du candidat de l’écologie à la présidentielle 2017 avec cette idée clé, politiques et médias doivent éviter les simplismes !

D’abord aucun écologiste ne parle de « la fin du monde ». Nous sommes (sauf accident) sortis de l’hiver nucléaire que nous promettait la course à la bombe atomique du temps de la guerre froide. Par contre la fin de notre monde, une société thermo-industrielle bercée par les délices de l’énergie fossile, est déjà et sera encore plus demain une réalité. L’effondrement passé de toutes les grandes civilisations est un fait avéré. Quand une société devient ingérable à cause de sa complexité et de l’épuisement des ressources qui permettaient de faire face à ses dysfonctionnements, elle se contracte et se fragmente comme l’a fait l’empire romain. Cela ne veut pas dire que la fin de notre monde sera brutale, l’effondrement a déjà commencé. Alors que les riches ont normalement une capacité d’épargne, l’endettement vertigineux des Etats des pays développés montrent déjà que depuis des années on vit au dessus de nos moyens. La montée du protectionnisme et des nationalismes est un autre signe de la fin de la mondialisation « bienfaitrice ». La période actuelle est lourde de risques, et Yannick Jadot le reconnaît : « Avec Trump et Poutine, nous avons un nouveau monde de collaboration pour le pire, protectionnisme pour Trump et expansionnisme côté Poutine, un monde d’addition des intérêts nationalistes. Nous sommes près de la rupture… » Ne plus donner la propriété aux intérêts nationaux, c’est un complet bouleversement de la politique telle qu’elle est conçue aujourd’hui au niveau international. Il faut le dire, la protection du niveau de vie des Américains (ou des Français…) doit être remis en question. Un candidat écologiste à la présidence ne peut pas bercer les citoyens de fausses promesses, le monde de demain sera plus dur et nous devons nous y préparer. Entrer dans la voie de la sobriété heureuse, c’est remettre en cause tous les fondements de la société de consommation, la publicité et la mode, l’achat à bas prix et les soldes, les produits venant de l’autre bout du monde. Produire et se déplacer autrement, c’est aller à l’inverse de toutes les conceptions culturelles aujourd’hui. Oui, la fin prévisible de notre monde devrait être expliquée aux citoyens par Yannick Jadot.

Au niveau technologique, il est vrai que les imbéciles parlent des écolos comme d’un « retour à la bougie » ou à « l’âge de pierre ». Il ne s’agit pas d’opposer de façon simpliste technophobes et technophiles. Des auteurs ont présenté un dualisme, techniques acceptables d’un côté, pernicieuses de l’autre :  techniques démocratiques ou autoritaires pour Mumford (1962), outil convivial ou hétéronomes pour Ivan Illich (1973), techniques « enchâssées » et techniques « branchées » pour Teddy Goldsmith et Wolfgang Sax (2001), technologie cloisonnée contre technologie systémique avec Ted Kaczynski (2008). Un  tableau synthétique avait déjà été présenté dans un numéro spécial du Nouvel Observateur en juin-juillet 1972, « spécial écologieLa dernière chance de la Terre » :

Société à technologies dures Communautés à techniques douces
Grands apports d’énergie non renouvelable

Matériaux non recyclés

production industrielle

priorité à la ville

séparé de la nature

limites techniques imposées par l’argent…

Petits apports d’énergie renouvelable

matériaux recyclés

production artisanale

priorité au village

intégrée à la nature

limites techniques imposées par la nature…

La résilience, la capacité de résister à effondrement de la civilisation thermo-industrielle, passe nécessairement par la sobriété partagée et par les low tech, les techniques douces aux humains et à la nature. C’est le discours que j’attends du 8ème candidat de l’écologie à la présidentielle depuis 1974.

* LE MONDE du 6 janvier 2016, L’écologiste Yannick Jadot refuse d’être le « candidat de la fin du monde »

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Simone Weil (1909-1943), précurseur de la décroissance

Le terme « décroissance » avait été utilisé en 1994 par Jacques Grinevald pour intituler en français un recueil d’essais de Nicholas Georgescu-Roegen sur l’entropie, l’écologie et l’économie. Cette idée de décroissance a été reprise comme un slogan provocateur en 2001-2002 pour dénoncer l’imposture du « développement durable », cet oxymore qui fait croire à la poursuite indéfinie de la croissance économique. Cependant les idées véhiculées par le mouvement des objecteurs de croissance possèdent une histoire et des racines culturelles plus anciennes. Il y a donc des « précurseurs de la décroissance »*. Voici quelques éléments de réflexion sur l’apport de Simone Weil :

– Il semble que l’homme ne puisse parvenir à alléger le joug des nécessités naturelles sans alourdir d’autant celui de l’oppression sociale, comme par le jeu d’un mystérieux équilibre ;

– C’est uniquement l’ivresse produite par la rapidité du progrès technique qui a fait naître la folle idée que le travail pourrait un jour devenir superflu ;

– Si l’on devait entendre par liberté la simple absence de toute nécessité, ce mot serait vide de toute signification concrète ;

– La complète subordination de l’ouvrier à l’entreprise et à ceux qui la dirigent repose sur la structure de l’usine et non sur le régime de propriété ;

– L’essor de la grande industrie a fait des forces productives la divinité d’une sorte de religion dont Karl Marx a subi malgré lui l’influence en élaborant sa conception de l’histoire (le matérialisme dialectique) ;

– Quoi qu’il en soit, dès qu’on jette un regard sur le régime actuel de la production, il semble assez clair non seulement que ces forces d’économie (la productivité) comportent une limite au-delà de laquelle ils deviennent facteurs de dépense (contre-productivité), mais encore que cette limite est atteinte et dépassée.

Selon Simone Weil, pour s’opposer à la division du travail et à la subordination de l’ouvrier, il faut un enracinement qui repose sur l’organisation de communautés autonomes, de petites unités de production reliées entre elles. Cela suppose une éducation qui, dès le plus jeune âge, habitue les enfants à mépriser le rapport de forces, jusque dans les cours de récréation. Ce sont les affects qu’il faut toucher car la force a sa racine dans la fascination qu’elle exerce, comme le montre l’engouement des masses pour Hitler. Simone Weil refuse cependant les formes conservatrices de l’enracinement ; elle remplace la Terre par le champ, le Peuple par l’amitié, la Patrie par la culture. Il s’agit d’une relocalisation des solidarités. L’enracinement suppose des devoirs permettant de développer une spiritualité capable d’apercevoir que le moi fait obstacle à l’amour du monde.

* Les précurseurs de la décroissance, une anthologie (Éditions le passager clandestin 2016, 272 pages pour 15 euros)

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L’écologie profonde à l’opposé de l’écologie superficielle

Philosophe proche du cercle de Vienne, Arne Naess est le théoricien de cette écologie profonde (deep ecology) qu’il oppose à l’écologie superficielle. Il part du constat que la situation environnementale est grave et que notre savoir, pour en prendre la mesure, est limité, Face à cela, deux attitudes sont possibles. La première cherche à protéger les ressources naturelles, c’est l’écologie superficielle. Elle est condamnée à échouer parce qu’elle ne s’en prend pas aux valeurs qui ont rendu possible et entretiennent la dévastation. La pollution est traitée en aval de la production industrielle, elle ne fait que ralentir les dégâts. Les technophiles veulent croire que la technique est neutre, qu’elle n’est que de la science appliquée. Naess montre que la technique est un style de vie. Grâce aux filtres à particules, on peut continuer à rouler en 4×4. Ceux qui ont foi dans la technique pensent qu’on sera un jour capable de créer génétiquement des arbres susceptibles de fleurir sous des pluies acides. « Les animaux qui vivent dans les égouts, note ironiquement Naess, peuvent aussi nous servir d’exemples et montrer comment il nous serait possible de vivre dans des conditions semblables ». L’environnementalisme gestionnaire, réformiste, non seulement ne résoudra rien mais finira par devenir despotique. L’écototalitarisme n’est pas à exclure. L’autre voie, l’écologie profonde, considère que la nature a une valeur intrinsèque, par opposition à l’écologie superficielle qui n’y reconnaît qu’une valeur instrumentale. L’écologie profonde juge la valeur des choses indépendamment de leur utilité. L’utilité est en effet nécessairement anthropocentrée, la totalité est oubliée. Naess en appelle à une « vision du champ total ». Il est philosophiquement rattaché à enseignement de Spinoza qui a récusé la dualité ontologique du corps et de l’esprit.

Arne Naess a été un pacifiste actif, dans la lignée du courant de la désobéissance civile de Gandhi (auquel il a consacré un livre) et de Thoreau. Son écosophie est une forme actuelle de la non-violence. L’écologie profonde n’a rien à voir avec un quelconque fascisme. Naess cherche à trouver une issue qui réduise la violence, et soit démocratique en même temps. La caricature dont l’écologie profonde a été victime, surtout en France, est à la mesure de la méconnaissance dont il continue d’être l’objet. L’égalitarisme biosphèrique, écrit Naess, « ne signifie pas que les besoins humains ne doivent jamais avoir de priorité sur les besoins non humains ». Mais ce n’est pas parce qu’une forme de vie décrète avoir plus de valeur qu’une autre qu’elle a automatiquement un quelconque droit de l’exploiter ou de la supprimer.

La seule révolution (selon Christian Godin) qui pourrait inverser le cours des choses ne devrait pas seulement être économique et culturelle, mais anthropologique, une manière de conversion, à l’échelle de l’humanité entière. Les touristes sont bien conscient qu’il faut protéger les populations qu’ils visitent, leurs lieux et leurs ressources. Mais cela ne suffit pas à modifier leur comportement, car la seule action efficace serait qu’ils renoncent à leur tourisme. La schizophrénie est une structure psychique dominante dans le monde contemporain ; les lignes de fracture ne passent plus entre les individus, mais à l’intérieur d’eux-mêmes. Le même individu change de mentalité selon qu’il est employé ou actionnaire, consommateur profitant de l’aubaine des soldes et citoyen indigné par l’exploitation des travailleurs du tiers-monde. Lorsque les gens apprennent l’impact réel que leur mode de vie peut avoir sur l’environnement, ils s’empressent de l’oublier. Imaginez que soit posée en France la seule question qui vaille, la seule question vraiment révolutionnaire : « par équité vis-à-vis de la partie la plus démunie du monde et par respect pour l’environnement êtes-vous prêt à envisager une baisse de moitié de votre pouvoir d’achat ? » D’où cette question finale : à quoi l’être humain est-il désormais capable de renoncer ?

Source : La haine de la nature de Christian Godin (Éditions Champ Vallon 2012, 230 pages pour 19 euros)

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Le sexe/genre relève-t-il de la nature ou de la culture ?

Les anthropologues ont renouvelé l’approche du rapport homme/femme en montrant l’importance, dans le processus même de l’hominisation, de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente sous des formes différentes. Mais contrairement au discours courant, il ne faut pas confondre exercice de la sexualité et « théorie du genre ». Il ne s’agit plus de parler de bacchanales, mais de la division sociale des rôles entre hommes et femmes. « On ne naît pas femme, on le devient », écrivait déjà Simone de Beauvoir en 1949. Il n’y a pas d’ordre « naturel » dans les inégalités selon le sexe. Voici deux texte pour mieux comprendre la problématique du genre :

2013 atelier « le genre pour les nuls »

Le parti écolo des Verts s’intéresse aux choses du sexe ; il existe même une commission LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Lors de ses journées d’été à Marseille en août 2013 un atelier a eu lieu sur « le genre pour les nuls ». Pourtant il n’ a pas été question de sexualité, mais des inégalités des rôles masculins et féminins dans une tradition toujours bien présente, même en France. L’intervenante, Céline Petrovic est la délégué thématique « genre, sexe et société » d’EELV, mais aussi docteure en sciences de l’éducation. Nous avons donc eu un débat très interactif sur la sociologie du genre. Ce terme est défini comme un concept réaliste et pas du tout comme une « théorie » : c’est un système, une construction sociale qui résulte d’un apprentissage et non d’un déterminisme génétique, inné. Depuis des millénaires, on disait que la différence entre hommes et femmes étaient programmées par la nature. Il y a au contraire un processus culturel : observation par l’enfant, puis identification, intériorisation et enfin imitation. Catherine Vidal a donc démontré qu’il y avait déterminisme culturel. Or tout ce qui est construit rend possible la déconstruction. La hiérarchisation entre mâle et femelle humaine peut donc être contestée et modifiée.  Ce n’est pas parce qu’on est égalitariste qu’on prône l’identique. La notion de genre permet de se démarquer d’un certain féminisme « essentialiste » qui croit encore à un déterminisme biologique.

2013 la théorie du genre, nouvel ennemi de l’ordre « naturel »

Le genre est un concept utilisé dans les sciences sociales. Il désigne tout ce qui, dans la construction de l’identité dite sexuelle et dans la formation de la division entre les sexes, relève de mécanismes d’ordre social et culturel. Ainsi les transsexuels peuvent-ils affirmer que leur identité de genre ne correspond pas à leur sexe. La notion de genre sert à dénaturaliser la division des rôles dans la société, au travail et au sein de la sphère domestique. Elle permet de montrer qu’elle n’est pas un fait de nature mais de culture. Faire le ménage ou élever des enfants sont des tâches sociales, qu’aucune programmation biologique n’assigne en propre aux femmes… L’objectif de programmes comme l’ABCD de l’égalité est de remettre en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Par exemple, les filles, encouragées à jouer à des jeux plus doux, sont plus sages alors que chez les garçons, il est considéré comme normal qu’ils soient plus turbulents. Il ne s’agit pas pour autant de nier la différence des sexes. Ce serait confondre la déconstruction des inégalités avec celle des différences. L’objectif est d’ouvrir le champ des possibles aux deux sexes afin de leur donner les mêmes chances ultérieurement. Pas de les encourager à changer de sexe ou à « choisir » une orientation sexuelle.  (LE MONDE du 15-16 septembre 2013)

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Désespérés nous sommes, la biosphère va de mal en pis

Les mauvaises nouvelles s’enchaînent de jour en jour, il semble que personne ne se sent concerné. Honte particulièrement aux politiques qui devraient mettre au cœur de leur projet l’impératif écologique pour empêcher la détérioration constante de la planète et donc de nos conditions de vie.

La France désarmée face à la pollution de l’air  : La capitale n’est pas la seule touchée : Marseille, Avignon, Rouen, Grenoble, Lyon, Villeurbanne… L’opportunité et l’efficacité de la circulation alternée déclenchée à Paris et à Lyon fait polémique. Les mesures de fond, elles, se font toujours attendre. La France n’a pas pris la mesure des enjeux sanitaires de la pollution de l’air qui provoque chaque année 48 000 décès et coûte à la société 101 milliards d’euros par an. Les gouvernements successifs ont durant des années subventionné la motorisation la plus polluante… (LE MONDE du 9 décembre 2016)

Trump nomme un climatosceptique à l’Agence de l’environnement  : Scott Pruitt, ministre de la justice de l’Oklahoma, est connu pour ses liens avec le lobby de l’énergie. Le ministre républicain de la justice de l’Oklahoma, Etat qui tire 50 % de ses richesses de l’exploitation pétrolière, a été en effet l’un des architectes de la bataille juridique menée ces dernières années par le Grand Old Party dans le but de stopper les réformes engagées par Barack Obama pour lutter contre le réchauffement climatique… (LE MONDE du 9 décembre 2016)

Le chauffage au bois est le principal coupable de la pollution  : Selon une étude scientifique, le trafic routier – et en particulier les poids lourds – est un contributeur mineur de la pollution dont se plaignent les habitants de Haute-Savoie. En hiver, le chauffage au bois est à lui seul responsable d’environ 85 % des particules fines carbonées présentes dans l’atmosphère. Le chauffage au bois est d’autant plus polluant que la combustion n’est pas complète (en feu ouvert par exemple)… (LE MONDE du 9 décembre 2016)

La girafe désormais sur la longue liste des espèces menacées  : Icône de l’Afrique, l’animal terrestre le plus grand a perdu 40 % de son effectif ces trente dernières années, alerte jeudi l’Union internationale pour la conservation de la nature.Victime de braconnage ou privée de son habitat, la girafe, longtemps préservée, rejoint la longue liste des espèces menacées…(Le Monde.fr avec AFP | 8/12/2016)

Biodiversité : tous les indicateurs sont au rouge  : Réunis à Cancun, au Mexique, 196 pays vont tenter de stopper l’érosion de la vie sauvage, terrestre et maritime, lors d’une Convention sur la diversité biologique (CDB). Pour la plupart des vingt objectifs définis en 2010 à la CDB d’Aichi, il n’y a « aucun progrès significatif » ou la progression se fait « à un rythme insuffisant ». Pire, pour cinq objectifs, « la situation se dégrade au lieu de s’améliorer ». Le monde vivant reste pour les gouvernements une préoccupation subsidiaire, alors même que son appauvrissement est aussi alarmant que le dérèglement climatique… (LE MONDE du 8 décembre 2016)

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« La haine de la nature » selon Christian Godin

La détestation de la nature constituera sans doute l’obstacle principal qui empêchera les hommes d’agir à temps afin de prévenir la catastrophe écologique globale prévue. Il ne se passe pas de mois dans le monde sans que nous assistions impuissants et consternés à quelque Munich environnemental. Lorsque par bonheur un accord, un protocole, un traité sont signés, la désillusion suit aussitôt l’espérance. Ce qui n’est pas dit est au moins aussi important que ce qui est exprimé. Comment l’homme pourrait-il se sentir interpellé au plus profond de lui-même par la destruction d’une réalité vis-à-vis de laquelle il n’éprouve plus d’amour ni même de respect. Le mépris de la nature est une histoire de longue durée : la pensée tend en effet à ne reconnaître qu’autres supériorités qu’en elle. La haine de la nature est d’abord celle d’un réel qui ne vient pas de nous. Le monde devient inhumain à partir du moment où il n’est plus qu’humain. Pour Kant, un crime vaut mieux qu’un coucher du soleil. La nature ne figure pratiquement plus dans notre sphère symbolique. Elle ne nous fait plus contester, ni aimer, ni rêver.

La chanson et le cinéma contemporains – les deux expressions les plus populaires de la culture, surtout auprès des jeunes générations – ignorent systématiquement la nature. Picasso, le peintre le plus prolifique du XXe siècle, n’a pas peint un seul paysage. Les films de science-fiction qui déroulent leurs images de désolation se passent dans les villes ou dans le cosmos. Les grands courants philosophiques (phénoménologie, existentialisme, philosophie analytiques, structuralisme, déconstructionnisme, postmodernisme) se signalent par un oubli presque total des plantes et des animaux. Ce sont les régions du monde qui ont bénéficié des conditions biogéographiques les plus favorables qui ont vu naître les civilisations les plus conquérantes et dévastatrices, qui s’en sont pris à la nature avec une sorte de rage. « Comment l’esprit de la Terre pourrait-il aimer l’homme blanc ? » demandait une vieille femme Wintu ; partout où il la touche, elle est meurtrie ». A nos yeux, la nature a perdu toutes ses qualités ancestrales. Elle n’est plus prodigue, ni nourricière, ni artiste. Enlaidie, appauvrie par notre propre faute, quelles qualités pourrait-elle avoir désormais ?Alors que les fêtes ancestrales avaient toutes pour sens le rappel des grands scansions de la nature, elles ne sont plus qu’humaines, et rien qu’humaines. Ils ne sont guère nombreux les enfants qui aujourd’hui préféreraient une promenade en forêt à une séance vidéo.

Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent. Au rythme actuel, en France, l’artificialisation des sols absorbe l’équivalent d’un département tous les dix ans. Une route n’est pas seulement un ruban horizontal, elle constitue un mur séparant l’homme de la nature. L’autoroute est aussi un mur pour les animaux qui ne peuvent le franchir. Les pelouses des pavillons de banlieue ont remplacé les jardins potagers à partir de la fin des années 1950. Les arbres fruitiers ont été remplacés par des arbres d’ornement. Même sous les pinèdes, les campings finissent par ressembler à des parkings. La dématérialisation de l’économie conduit à un éloignement toujours plus grand vis-à-vis de la nature, le bureau remplace le champ et l’usine, où se faisait encore sentir le poids de la matière première. L’espèce humaine est, de toutes les autres espèces vivantes, celle qui est la moins compatible avec les autres espèces vivantes. L’être humain est l’être dont l’existence tend à interdire la coexistence.

(Éditions Champ Vallon 2012, 230 pages pour 19 euros)

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L’économie ne doit pas gouverner les activités humaines

L’écologie prime sur l’économie. L’espèce humaine dépend avant tout de la capacité de la planète à supporter nos activités, nous dépendons des contraintes écologiques. Les dangers qui nous menacent sont bien documentés : changement climatique, perte de biodiversité, changements d’affectation et dégradation des sols, épuisement des réserves de nourriture (eau, réserves marines), épuisement des ressources minières, pollution. Nous ne pouvons plus vivre à crédit sur les prodigalités de la nature, nous commençons déjà à en payer les intérêts. La planète ne sera apaisé que si tous les humains (et les non-humains) y trouvent leur compte, c’est-à-dire que les ressources de la planète soient équitablement partagées entre nos besoins et le respect de la biodiversité. Ce ne sont pas de simples mesures financières qui seront à la hauteur de ces défis, des mesures structurelles sont nécessaires ; la limitation de la consommation de certaines ressources ne pourra se faire que par des quotas. L’économie écologiste n’est pas compatible avec l’économie capitaliste. Celle-ci ne poursuit que des buts à courte vue ; elle se nourrit d’une croissance permanente alors que les ressources de la planète sont finies. Elle n’est pas compatible avec l’économie libérale. Sans règles, l’économie est soumise au pouvoir du plus fort au détriment du plus faible. Sans règles, il n’y a plus de principe de précaution ni d’anticipation des dégâts à venir. Elle n’est pas compatible avec l’économie de marché. Ce principe instaure une fallacieuse idée d’efficacité qui lamine la diversité des adaptations locales.

Nous devons trouver les moyens d’une transition douce avec le système en place. La première piste est de favoriser les économies locales. Il faut favoriser l’émergence d’une monnaie nationale complémentaire et de monnaies locales non soumises à la spéculation; les salaires et pensions devront, au moins partiellement, être réglées dans ces monnaies; les commerces auront obligation de les accepter et la reconversion en euros devra être interdite ou, à tout le moins, limitée. La création monétaire par le crédit est à proscrire, le volume monétaire en circulation doit correspondre aux ressources que la planète peut fournir sans que son équilibre soit mis en danger. Les détenteurs de surplus peuvent contourner la dépréciation de leur pécule en le plaçant en caisse d’épargne sans autre rémunération qu’une priorité pour récupérer les sommes en cas de besoin. La concurrence doit se faire sur le service rendu et la qualité des produits, pas sur le prix. La TVA doit être remplacée par une TVO (Taxe sur la Valeur d’Origine) où ce sont les matières premières qui sont taxées en fonction de leur pérennité et de leurs nuisances. Les traités de libre-échange, TAFTA, CETA, TiSA, ABE et APE, sont à proscrire, ils laminent les économies locales et multiplient des échanges gourmands en énergie. Certaines ressources, notamment les combustibles fossiles mais aussi les ressources minières sensibles, doivent être soumises à quotas en fonction de règles scientifiques. La publicité doit être réduite à un rôle d’information ; elle doit être sous l’égide d’un organisme d’Etat qui en contrôle le bien fondé et le volume de diffusion.

La gestion des espaces est un domaine dont l’économie doit se préoccuper. L’artificialisation de l’équivalent d’un département tous les 7 ans est suicidaire, les espaces naturels et agricoles doivent être strictement préservés. C’est bien une question économique qui entraîne les mesures suivantes : sanctuariser les espaces naturels et agricoles, favoriser une agriculture qui préserve la biodiversité, susciter le retour à la terre, l’agriculture bio nécessite plus de main-d’œuvre, susciter la végétalisation des villes pour raccourcir les circuits d’alimentation et atténuer les effets du réchauffement climatique. Nous avons un énorme effort de formation à entreprendre, les métiers d’une économie écologiste ne sont pas ceux d’une économie productiviste; entres autres, nous aurons un besoin de métiers manuels et de paysans dont les connaissances se sont largement diluées au fil du temps,

(résumé des travaux d’un groupe de travail sur l’économie écologique au sein d’EELV)

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LE MONDE pour une mondialisation destructrice

La superficialité des éditos du MONDE devient chronique, mais avec « Le fantasme de la démondialisation » du 15 novembre, c’est le pompon, Avant de donner la parole aux commentateurs sur lemonde.fr, juste une remarque sur la conclusion mond(ialist)e : on nous dit que « les effets de la « démondialisation » pourraient être ravageurs« . Il suffit pourtant de remarquer que les effet de la mondialisation sont déjà plus que ravageurs, tant au niveau social qu’un niveau écologique, pour douter du bon sens de cet éditorial.

CoCo : Résumé: Le Monde Atlantiste et pro- multinationales, banques etc, n’en a rien à cirer de tous ceux qui ont perdu leur emplois, des paysans qui se suicident etc .. du joli !

Machiavel : On se souviendra de cet article. En 1913 la mondialisation était aussi irréversible..…

Sarah PY : Faire d’un processus induit par les hommes un mouvement inéluctable, non maîtrisable sinon à la marge est marque d’impuissance et défaite de la pensée et de la volonté. Considérer positif une forme maîtrisée de la mondialisation, en formuler les possibles voies de son organisation pour la rendre équitable et acceptable , c’est cela l’évident défi qui nous est posé . Il est regrettable de voir dans cet édito un tel renoncement : les peuples n’ont pas à se soumettre mais à agir.

Frederic RABERIN : Ce qu’il y a de bien avec les éditos du Monde souvent, c’est qu’on en apprend plus sur les fantasmes de la rédaction du journal que sur le fond des analyses.

CYNIQUE DU BON SENS ET RAISON : La bonne conscience pro-mondialisation : « elle a sorti des centaines de millions de malheureux d’une abjecte pauvreté« … C’est beau les moyennes… surtout quand on passe de 1,99 $/jour à 2,01 $/jour : le seuil de la prospérité est franchi ! C’est déjà dire toute la qualité de l’argumentation de l’éditorialiste… Mais on est habitué, n’est-ce pas ?

Garance :Typiquement le genre d’argument qui pousse certains électeurs dans les bras des populistes: vous souffrez certes mais ne vous plaignez pas puisque les délocalisations ont sorti « des centaines de millions de malheureux d’une abjecte pauvreté« . C’est un discours que les classes populaires ne supportent plus. Et j’attends avec joie le jour où les éditorialistes seront remplacés par des algorithmes qui feront aussi bien pour beaucoup moins cher.

Pascal : Edito qui mélange tout, services et biens de consommation. Oui les services sont les plus touchés par la révolution technologique. Rien de plus simple que de délocaliser un boulot d’analyse financier, de secrétaire, ou disons de journaliste à l’autre bout de la planète. En revanche, une voiture, un iphone ou une casserole sont nettement moins concernés par la technologie, et on peut se poser la question de leur production sur un autre continent pour les importer dans les pays consommateurs.

guiliani fabien : Tant que le litre de pétrole coute moins cher que l’eau minérale, vous pouvez considérez que démondialiser relève du fantasme. Lorsque les Arabes auront vidés leurs principaux gisements de plus de la moitié (ce qui arrivera tôt ou tard, dans 5 ans, 10 ans, 20 ans…); le fantasme deviendra réalité. la population entassée dans les villes réalisera qu’il n’y a autour d’elle plus personne pour produire des patates, des pantalons, ou de l’acier… l’économie numérique… va se marrer…!

Cohérence éditoriale ? : A qui profitent le désarmement douanier et la libéralisation des capitaux ? Il n’est justifié qu’entre pays qui assurent les mêmes niveaux de services publics, de protection sociale et du futur de la planète. A défaut, nous exportons notre pollution et importons les dommages sociaux. Le développement durable, c’est accepter de payer les biens et services au prix réel. Ce sera donc une baisse en volume de la consommation et du gaspillage. Décroissance ou démondialisation ? Les deux, bien sur.

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Etre ou ne pas être survivaliste face au chaos

Carolyn Baker : « Notre civilisation n’a jamais arrêté de souiller son nid. Nous sommes dorénavant plongés dans le chaos. Les animaux tuent d’autres animaux pour survivre, mais ils s’abstiennent de conquérir, de violer et voler, de piller et détruire, d’asservir et polluer, de brûler et d’empoisonner leur habitat, contrairement à ces « plus qu’animaux » qui semblent incapables de ne pas faire tout ce qui précède. Aucune forme de vie sur la planète ne connait la négativité, sauf les humains. Je prévois encore bien davantage de chaos. Les sociétés qui s’effondrent deviennent habituellement plus réactionnaires et rigides pendant la phase où elles tentent désespérément d’empêcher la désintégration totale. On peut s’attendre à ce que les immigrés, les musulmans et les femmes servent de plus en plus de boucs émissaires. Les cours de justice, les forces policières et les pompiers disparaîtront avec la ruine économique des villes. Je prévois une augmentation sans précèdent de la violence. Les gens s’organiseront en bandes pour se protéger les uns les autres, ou ils ne survivront pas…

La plupart de mes lecteurs ne sont pas des survivalistes. La majorité ne vit pas sous le paradigme de « ma famille, ma propriété et mes besoins d’abord ». D’un autre côté ceux qui adoptent les principes de la survie sont à préparer leurs plans d’évasion vers une existence isolée dans leur abri autonome, loin des zones fortement habitées. Et gare à ceux qui voudraient s’en prendre à leurs forteresses ! L’indépendance est plus fonctionnelle que la dépendance, mais elle a ses limites. Personne ne peut stocker assez de nourriture pour tenir jusqu’à la fin de ses jours. Il leur faudra un jour ou l’autre transcender l’indépendance. La personne interdépendante reconnait qu’elle ne peut survivre sans le soutien et la coopération d’autrui. Pratiquer l’interdépendance dès maintenant se révèlera une préparation cruciale à l’effondrement à grande échelle et à un monde où les ressources seront très limitées…

La vérité est que je mourrai un jour, que j’ai des réserves de provisions ou non. Si je meurs à cause d’une chute de population qui survient pour compenser notre dépassement des capacités de la nature, eh bien c’est la vie également. Finalement, si ma mort fait partie de quelque chose qui sert la communauté élargie, qui aide à stabiliser et à enrichir le bout de terre dont je fais partie, c’est tant mieux. »

in L’effondrement (petit guide de résilience en temps de crise) aux éditions écosociété, 154 pages pour 10 euros

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