Les gouvernements qui se disent écolos, ils ne sont pas nombreux, nous bourrent le mou. Le ministre français chargé de la ville, Julien Denormandie, veut développer l’agriculture urbaine, reverdir la ville, la rendre durable et désirable… tout un programme qui n’est encore que parole. Extrapoler pour la planète n’est que pur fantasme. Il suffit de reprendre ce que dit Denormandie : « D’ici à 2050, 70 % de la population mondiale vivra en ville. Si les villes occupent 2 % de la surface du globe, elles représentent deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et émettent 80 % des émissions de CO2. »* Rappelons les faits qui empêchent toute politique cohérente :
Au lieu d’être progressive, l’explosion urbaine est devenue « violente », particulièrement en Afrique : les villes y passeront de 350 millions d’habitants en 2005 à 1,2 milliards en 2050. Quand les habitants des bidonvilles constituent déjà en moyenne 36 % des citadins dans les pays dits « en développement », cela veut dire que ce n’est pas une urbanisation gérable, ce n’est donc pas une évolution durable. Jamais on ne pourra mettre de l’électricité, de l’eau courante et des routes goudronnées partout. Jamais on ne pourra mettre en place des services urbains à la portée de tous. Jamais on ne pourra trouver un emploi à cet afflux de main d’œuvre. Jamais il n’y aura assez de policiers (étymologiquement « créatures de la cité ») pour contrôler une société non policée. Au niveau de la France, on essaye désespérément depuis quelques années de trouver des solutions agricoles en milieu urbain. Il y a les tentatives de villes en transition (Rob Hopkins), la bonne idée des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), la vogue des locavores, les incroyables comestibles, etc. Mais les villes étendent toujours leurs tentacules dans toutes les directions et stérilisent toujours plus loin les sols. Elles ne se prêtent pas aux plantations en pleine terre, et de toute façon comment gérer un potager au bas d’un HLM ou dans un bidonville ?
Pourtant, parce que l’urbanisation arrive au sommet de son inefficacité, nous restons optimistes. Historiquement la vie biologique comme la vie sociale suivent des cycles. L’essor d’une civilisation s’accompagne d’une croissance des villes, son effondrement provoquera une désurbanisation. Comme il y a le pic pétrolier, le pic du phosphore, le peak fish… il y aura bientôt le pic de l’urbanisation. Nous retournerons bientôt au rythme ancestral qui privilégie les campagnes, l’agriculture vivrière et l’artisanat de proximité ; en termes contemporains, il nous faut retrouver des communautés de transition qui soient à l’échelle humaine. Il faudra pour cela que nous soyons beaucoup beaucoup moins nombreux !
Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere :
24 janvier 2019, Cultiver la nature en ville ou désurbanisation ?
16 mai 2012, Pic de l’urbanisation, effondrement d’une civilisation
22 septembre 2009, désurbanisation
* LE MONDE du 6 février 2020, « Cités fertiles », matériaux biosourcés… Le plan du gouvernement pour reverdir la ville
Pour information, la population mondiale a été multipliée par 3,1 entre 1950 et 2020, mais beaucoup plus en Afrique (x 5,9) et dans certains pays (données Nations Unies).
Egypte : 5,0 — Algérie : x 4,9 — Maroc : x 4,1 — Yémen : x 6,4 — Iraq : x 7,0 — Libye : x 6,1 —
Inde : x 3,7 — Chine : x 2,6 — Pakistan : x 5,9 — Philippines : x 5,9 — Bangladesh : x 4,4 — Afghanistan : x 5,0 —
Ethiopie : x 6,3 — Somalie : x 7,0 — Côte d’Ivoire : x 10,0 — Niger : x 9,5 — Congo : x 7,4 — Nigéria : x 5,4 — Ouganda : x 8,9 — Zambie : x 8,0 —
Vénézuéla : x 5,2 — Mexique : x 4,6 —
Maldives : x 7,3 (ce n’est pas la mer qui monte, mais l’île qui s’enfonce : subsidence)
Le cas de la Syrie, population multipliée par 6,3 entre 1950 et 2010 (pas 2020), devenue importatrice de pétrole, incapable de nourrir sa population par la production nationale, ne pouvant plus subventionner les produits de première nécessité achetés à l’extérieur, explique beaucoup l’origine de la guerre civile qui détruit ce pays depuis des années.
Oui, ces chiffres sont hélas aussi vrais qu’effrayants !
On dirait parfois que les écologistes et même les démographes ne les ont pas en tête.
Oui une ville arborée est plus jolie, oui laisser entrer quelques animaux est sympathique, mais laisser entendre que verdir les villes va régler le problème et qu’on nourrira les gens avec un potager sur le toit des immeubles relève tout simplement de l’escroquerie, la naïveté de certains écologistes est confondante.
Il faut revenir à de plus petites entités, un habitat plus dispersé et des hommes beaucoup moins nombreux, le reste n’aura d’écolo que le nom
Des hommes beaucoup moins nombreux, certes. Mais surtout beaucoup mieux répartis sur les territoires.
Aujourd’hui, un peu plus de 80% de la population française est urbaine (PM : 61% en 1960 ; 71 % en 1970 ; 75% en 2000 etc.) Les villes ne font donc que grossir, toujours plus. Et en même temps (comme IL dit), dans toutes les régions françaises nous avons des espaces dits de faible densité, avec moins de 30 habitants au km2. C’est fou, non ? (PM : 1017 hab/km2 en Île-de-France)
Et bien sûr, nous pourrions nous amuser à regarder de près ce phénomène ailleurs dans le monde.
Non non, cette affaire de répartition est toujours celle qui est proposée, mais non, c’est au contraire une erreur,.
Si nous répartissions mieux la population nous peuplerions les zones peu peuplées qui sont justement celles qui permettent à la nature d’exister encore un peu. Ce qu’il faut au contraire c’est que la population diminue globalement pour qu’on puisse à la fois protéger la nature et ne pas entasser les hommes au maximum mais surtout pas que l’arrêt de l’entassement se traduise par une explosion de la démographie des campagnes. Du point de vue de la nature 30 habitants au kilomètre carré c’est déjà énorme.
Didier Barthès : Si «du point de vue de la nature 30 habitants au kilomètre carré c’est déjà énorme» … tant que nous y sommes, alors va pour zéro. Bien sûr c’est une blague. 😉
30 habitants au km2 c’est à peu près la densité de la population de la Corse, c’est celle de l’Ariège, etc. C’est vrai qu’en Corse et en Ariège les hommes et les femmes causent des dégâts à leur environnement, mais il faut quand même relativiser. Personnellement je préfère mille fois vivre dans ces deux régions là qu’en Île-de-France. Maintenant je sais bien que des goûts et des couleurs on ne discute pas… mais je le dis quand même pour ceux qui se plaignent régulièrement d’être trop à l’étroit.
En 1850, le Couserans (région d’Ariège) comptait plus de 100.000 habitants. Et depuis, cette population ne fait que décroître. En 1950 il y avait 40.000 habitants et aujourd’hui ce doit-être aux alentours de 20.000. Ce n’est là qu’un exemple, et nous pourrions bien sûr nous amuser à regarder ça ailleurs. Je ne crois évidemment pas une seconde que l’impact écologique de ces 100.000 couserannais de 1850 était 5 fois supérieur à celui des 20.000 d’aujourd’hui. Je ne cesse de le dire, le nombre c’est une chose, mais l’impact écologique par habitant en est une autre.
Certes nous sommes proches des 8 milliards sur cette terre, mais comme moi vous n’avez pas de baguette magique, personne d’ailleurs. Alors en attendant, il reste l’éternel problème, que j’ai plus d’une fois soulevé. Et pour le résoudre, du moins essayer, commençons déjà par dire ce à quoi nous ne voulons absolument pas renoncer.
Pour moi tout ça est d’une telle évidence que touts ces projets de villes «vertes» et «durables» défendus par tous ces soit disant écolos me font bien rire. Depuis très longtemps ont été pensés des projets de villes ou de «cités idéales», certains d’ailleurs ayant été expérimentés. Et si depuis le temps nous l’avions trouvé, cet idéal, alors nous n’en serions pas encore aujourd’hui à discuter de ça.
L’idée de transformer les toits des immeubles en potagers est bien sûr très sympathique, seulement elle a ses limites. Ne serait-ce déjà qu’en terme de surface il faudrait au minimum quelque chose comme 450 m2 pour assurer les besoins alimentaires d’un seul végé. Quant à ces murs végétalisés, qui permettraient entre autres de rafraîchir l’air des villes, pour moi ils ont surtout une fonction esthétique. Bien sûr ça compte aussi, l’esthétique, mais hélas ce n’est pas la verdure sur les balcons, fussent-elle décorée de quelques fraises et tomates, qui pourrait nourrir tout ce joli monde.
Ceci dit il reste une idée qui n’est pas souvent, pour ne pas dire jamais, repise comme modèle. Je parle de ce vieux projet du nom de «Illichville» (du nom d’Ivan Illich). Pour moi un écolo digne de ce nom ne peut que connaître cette utopie urbaine centrée sur la notion de décroissance et de convivialité. Bien sûr cette utopie ne peut pas s’appliquer à une mégalopole, mais seulement à une petite ville à taille humaine.
D’après quelques études la taille maxi a ne pas dépasser serait de 40000 habitants,pour assurer une ceinture maraichère accessible sans
énergies fossiles.Nos sympathiques écolos devrait réfléchir comme priorité ds leur programme a la désurbanisation des grandes villes a la place des gentils accessoires que sont les espaces verts et les pistes cyclables . la mise en oeuvre ne serait pas simple et necessite sans doute une planification nationale
D’accord avec vous Jean-Yves. En attendant les municipales approchent … Et si nos «sympathiques écolos» élus parvenaient seulement à développer des pistes cyclables dans leurs villes, eh ben ça serait déjà ça. Tout ça pour dire qu’il y a du boulot pour décoloniser les imaginaires. 🙂