Le Conseil d’Etat avait été saisi en janvier 2019 par la commune de Grande-Synthe, dont le maire écolo Damien Carême estimait que sa ville, située sur le littoral du Nord, était menacée de submersion par « l’inaction climatique » du gouvernement.
Le 19 novembre 2020, la justice française a donné trois mois à l’État pour justifier de ses actions en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, une décision « historique » pour les défenseurs de l’environnement. Il s’agit du premier contentieux climatique à arriver devant la plus haute juridiction administrative française. Les juges n’ont pas tranché sur le fond, mais estimé que l’Etat – qui avait argumenté par écrit pour un rejet pur et simple de la demande – devait justifier que ses actions étaient bien compatibles avec les objectifs qu’il a lui-même fixés à la France en matière de limitation des émissions responsables du réchauffement climatique. Ils ont notamment relevé que l’Etat s’était fixé une baisse de 40% des émissions en 2030 par rapport à leur niveau de 1990, dans ses « stratégies nationales bas carbone » (SNBC, dont la dernière remonte à avril 2020).
Des objectifs pour mettre en œuvre l’accord de Paris de 2015 visant à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’ère pré-industriellle, conclu sous l’égide de la France. Or les « budgets carbone » d’émissions des SNBC successives ont toujours été dépassés, comme l’ont notamment montré les rapports du Haut Conseil pour le Climat, dont les juges rappellent qu’il a « souligné les insuffisances des politiques menées pour atteindre les objectifs fixés ». L’Etat a d’ailleurs en conséquence revu ses objectifs à la baisse, rappellent les juges. Fort de ces constats, le Conseil d’Etat demande au gouvernement de justifier la « compatibilité avec la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre » de son objectif pour 2030. Les juges ont ainsi suivi les recommandations du rapporteur public, qui estimait lors de l’audience du 9 novembre qu’au vu de « l’urgence climatique », les législations ne pouvaient avoir « un objectif uniquement programmatique, mais bien contraignant ».
« Renvoyer les requérants à 2030 ou 2050 pour voir si les objectifs sont atteints vous conduirait à participer à cette tragédie » climatique, car « le risque existe que tout retard soit irréversible », avait-il argumenté. L’Etat va devoir rendre des comptes, les lois de programmation ne sont pas seulement pour la galerie.
Le gouvernement « prend acte », a réagi le ministère de la Transition écologique, « qui répondra évidemment à cette demande, qui n’est pas un jugement sur le fond mais une demande de preuves d’action ». Et de défendre sa « politique offensive » contre le réchauffement, citant notamment les « 30 milliards » du plan de relance affectés à la « relance verte », ou la future loi traduisant la Convention citoyenne pour le climat, qui « doivent permettre à la France d’atteindre les objectifs climatiques fixés ».
Merci pour ce lien. Très intéressant. On peut dire qu’il y a là de quoi réfléchir. Je n’ai pas encore tout lu, tout écouté, tout analysé, mais je compte le faire.
Personnellement il y a un moment que je vois ce(s) blocage(s). Moi non plus je ne peux pas croire que nos dirigeants n’aient pas conscience de la situation. De l’état de la planète, de l’effondrement de la biodiversité, du changement climatique, des conséquences, etc. Comme de tout le reste et même de l’impasse. Pour moi tout le monde le sait, ceux d’en haut bien mieux que ceux d’en bas. Pour les uns comme pour les autres encore faut-il pouvoir le croire. Quel que soit le côté où nous prenons le Problème, nous sommes bloqués (plantés).
Suite, en réponse à Thierry Caminel 21 NOVEMBRE 2020 À 09:30.
– « Si je fais le bilan, au total, tout le monde s’y retrouve. Il y a énormément d’acteurs que cette situation conforte, alimente, à qui elle convient […] Il ne reste plus qu’un point à éclaircir, c’est pourquoi les alarmeurs eux-mêmes foncent dans ce système et pour moi, il y a un mot qui résume ça, c’est le confort.» (Adrastia : de 40:01 à 43:16)
C’est ce que je pense moi aussi. Je le résume aussi par The Show must gon on.
Mais l’Etat agit pour le climat ! La preuve, il a fait ce que demandait la plupart des associations écolos: fermer Fessenheim, en prétendant que ça contribue à réduire les émissions de CO2. Bon, ça a ajouté 10 millions de tonnes de CO2 par an, mais c’est un détail.
Blague à part, cette « judiciarisation » du climat ne sert à rien, si ce n’est à bloquer encore plus la situation. In fine, quand il faut arbitrer, les gouvernements font ce pour quoi ils sont élus, c’est-à-dire maintenir la croissance, le pouvoir d’achat, l’emploi, le système de retraite, les bagnoles et tutti quanti..
Ces gesticulations judiciaires sont même contre-productives. Elles sont là pour se donner bonne conscience en désignant un bouc émissaire commode (les gouvernements).
Il faut écouter Laurent Mermet, qui décrivait très bien ces blocages: http://adrastia.org/interview-de-laurent-mermet-depasser-lalarmisme-bloquant/
La «responsabilité de l’État» est une grosse blague. Déjà c’est quoi l’État ? Est-ce le prof, le flic… le ministre, le président ? L’État est une structure, une pyramide. Les hauts responsables sont en haut, jamais en bas. Ce n’est pas pour rien que tout en haut on a le Chef de l’État.
Mais de quoi sont-ils responsables, tous ces hauts et grands responsables ? Peu importe, il sont responsables. Parfois on en entend un nous dire : «Je suis responsable mais pas coupable». La bonne blague. La «responsabilité de l’État» se limite à faire porter le chapeau aux petits d’en bas.
Une bonne nouvelle aussi pour l’Affaire du Siècle
Le recours de la commune de Grande-Synthe était activement soutenu par le collectif de l’Affaire du Siècle, composé de Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Oxfam France et Greenpeace France, qui a rédigé un mémoire pour démontrer les manquements de l’État en la matière. Pour rappel, ce collectif a également lancé une procédure pour inaction climatique contre l’État français fin 2018, en cours d’instruction par le Tribunal administratif de Paris.
Cette première décision du Conseil d’État pourra faire jurisprudence : le Tribunal administratif pourra aller encore plus loin et reconnaître par exemple l’obligation générale faite à l’État de lutter contre les changements climatiques et l’enjoindre ainsi d’agir.
– «Vous croyez que c’est devant les tribunaux qu’on va résoudre le problème du dérèglement climatique ?» (François de Rugy)
J’en doute. Et quand bien même le Tribunal administratif reconnaitrait l’obligation générale faite à l’État de lutter contre les changements climatiques… comment va t-il procéder pour l’enjoindre (lui ordonner, l’obliger, le contraindre) d’agir dans ce sens ?
– «Climat : la justice en passe de contraindre l’État français à réévaluer sa politique» (actu-environnement.com)
Au mieux, elle va donc le contraindre à réévaluer (revoir) sa politique. Et après ?