Voici un résumé d’un texte de Vincent Mignerot* sur un livre** à lire de toute urgence :
« Pour ceux qui se questionnement sur l’avenir, l’année 2015 pourra être cruciale. Elle sera peut-être celle à partir de laquelle il ne sera plus possible de nier rationnellement qu’un effondrement ce la civilisation est engagé.
En effet, nous sommes sûrs de quatre choses :
1. la croissance physique de nos sociétés va s’arrêter dans un futur proche,
2. nous avons altéré l’ensemble du Système-Terre de manière irréversible (en tout cas à l’échelle géologique des humains),
3. nous allons vers un avenir très instable, « non-linéaire », dont les grandes perturbations (internes et externes) seront la norme,
4. nous pouvons désormais être soumis potentiellement à des effondrements systémiques globaux. »
Pablo Servigne et Raphaël Stevens proposent avec cet ouvrage « Comment tout peut s’effondrer » une introduction à la collapsologie (étymologiquement « l’étude de l’effondrement »), qui pourra devenir un domaine de recherche à part entière, s’il n’était déjà investi par des scientifiques qui étudient le climat, l’énergie, la démographie, l’agronomie…Afin de présenter le concept de collapsologie et son contexte, les auteurs procèdent dans un premier temps à un état des lieux très complet de la littérature scientifique, état des lieux d’autant plus remarquable que les problématiques évoquées restent bien articulées les unes avec les autres, et ce malgré la difficulté de l’exercice. Il s’agit d’introduire l’esprit systémique d’une correcte étude de l’effondrement, afin que le lecteur investisse au mieux ses propriétés synergiques et d’auto-renforcement.
Les chiffres qui illustrent cette contextualisation nous feront estimer des ordres de grandeur et nous laisseront abasourdis :
« Un PIB (par exemple de la Chine) qui croît de 7 % par an représente une activité économique qui double tous les 10 ans, donc qui quadruple en 20 ans. Après 50 ans, nous avons affaire à un volume de 32 économies chinoises, soit, aux valeurs actuelles, l’équivalent de près de quatre économies mondiales supplémentaires ! »
« En l’espace d’une vie, une personne née dans les années 30 a vu la population passer de 2 milliards à 7 milliards ! Au cours du 20e siècle, la consommation d’énergie a été multipliée par 10, l’extraction de minéraux industriels par 27 et celle de matériaux de construction par 34. L’échelle et la vitesse des changements que nous provoquons sont sans précédent dans l’histoire. »
« Quel pêcheur professionnel anglais réalise qu’avec toutes les technologies de son bateau, il ne ramène plus que 6 % de ce que ses ancêtres en bateaux à voiles débarquaient 120 ans plus tôt après avoir passé le même temps en mer ? »
Au-delà des chiffres l’ouvrage propose des éléments d’analyse pour comprendre pourquoi nous ne parvenons pas à modifier nos comportements destructeurs. Nous retiendrons particulièrement la notion de « verrouillage socio-technique », qui explique comment il est difficile et parfois impossible de revenir en arrière après le développement de certaines techniques. L’exemple de l’agriculture est notable : il a été largement montré désormais qu’une exploitation moins intensive des terres et moins dépendante au pétrole pourrait obtenir d’aussi bons rendements. Mais la mise en place de l’agriculture industrielle a impliqué le déploiement d’infrastructures devenues toutes interdépendantes et trop puissantes pour que de nouvelles initiatives se développent, même si elles sont efficaces, même si elles sont économiquement viables !
« (…) les « petites pousses » ne sont pas en mesure de rivaliser avec le grand arbre qui leur fait de l’ombre. »
Mais si l’effondrement est certain et qu’on ne peut pas le connaître, que faire de cette question ? Nous pourrons discuter d’une vision idéalisée d’un programme d’anticipation, tel qu’il est proposé à la fin de l’ouvrage. Que deviendront Elaboré les régions protégées du “système-monde”, plus résilientes après un effondrement par leur fonctionnement autonome, lorsque les grandes villes seront touchées par des pénuries ? La nécessité de cette réflexion sur la coexistence de « deux systèmes, l’un mourant et l’autre naissant », est toutefois bien posée à la fin de l’ouvrage.
Nous saluerons aussi l’ouverture à des questions polémiques voire subversives : « Mais si nous ne pouvons aujourd’hui envisager de décider collectivement qui va naître (et combien), pourrons-nous dans quelques années envisager sereinement de décider qui va mourir (et comment) ? ». »
* http://adrastia.org/comment-tout-peut-seffondrer-pablo-servigne-raphael-stevens/
**Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne & Raphaël Stevens
Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes
Edition du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros