Un de nos correspondants a participé à une Conférence régionale sur la transition énergétique. C’était un événement à l’initiative conjointe de l’Etat et de la région, avec clôture par la présidente de région Ségolène Royal ainsi que Mme la Préfète. Voici son compte-rendu (qui n’engage que lui-même).
Conférence régionale sur la transition énergétique (4 avril 2013 à Poitiers)
1/2) Contenu de la Conférence régionale
Une mise en atelier a été programmée presque immédiatement sur toute la journée. Deux groupes d’atelier, le premier centré sur la demande d’énergie et le second sur l’offre :
Atelier 1 : Comment aller vers l’efficacité énergétique et la sobriété
– Réhabilitation dans le logement social ;
– sobriété énergétique dans les usages de l’électricité ; l’éclairage public
– densification de l’habitat pour économiser l’énergie
– Economies d’énergie par un accompagnement de proximité des particuliers.
Atelier 2 : Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 ? Quel types de scénarios à l’horizon 2030 et 2050 dans le respect des engagements climatiques de la France
– Des dynamiques territoriales de transition énergétique ;
– La production décentralisée associant une responsabilisation locale des acteurs.
La séance a commencé par la présentation de quelques expériences ponctuelles. Réhabilitation du logement social : on nous parle sans rien définir d’Ecoprêt, PAM, CDC, CO2, GES, FEDER, étiquettes E ou B, AAG, CED, Ademe, SNEEDV, Soregie. Autant dire une novlangue pour technocrates confirmés. Ensuite les économies d’éclairage public dans une petite commune avec extinction des feux de 22 heures à 6 heures du matin (à Jazeneuil). Enfin le meilleur, une expérience dans le pays mellois : des ambassadeurs de l’énergie (en service civique) font le tour des logements privés pour permettre aux ménages d’envisager des projets de rénovation thermique. L’intérêt de ces cas particuliers, c’est qu’on montre que la transition énergétique, si elle ne passe pas par le niveau national, peut déjà être mise en place au niveau local de différentes manières.
La salle s’est divisée ensuite en petits groupes de 5-6 personnes sur des thèmes différenciées. J’ai personnellement choisi le thème « mobilité » à l’intérieur de l’atelier 1. Chaque groupe devait commencer par échanger sur un certain nombre de mots-clés fournis à l’avance. Ici : auto-partage, covoiturage, multimodalités, transport collectif, déplacements doux, urbain/rural, voiture électrique. J’ai montré que tous ces mots étaient en fait des moyens de déplacement, certainement pas une politique à venir pour le long terme (d’ici à 2050). J’ai introduit un nouveau concept, « dévoiturage » qui a eu beaucoup de succès. Il s’agit de sortir de la voiture individuelle le plus rapidement possible. Cet objectif défini, l’auto-partage, le covoiturage et les déplacements doux (marche et vélo) en sont les moyens. Il s’agit dans cette perspective de rapprocher lieux de travail et domicile car le mode de déplacement dépend de la distance à parcourir et réciproquement. J’ai indiqué que le slogan « plus vite, plus loin et plus souvent » devait être remplacé par son contraire. J’ai fait remarquer que nous n’avions pas avancé assez vite sur la taxe carbone et donc que nous serions obligés de mettre en place un jour ou l’autre une carte carbone (un rationnement).
Je remarque que les membres de mon groupe n’étaient pas très au clair sur la question de la mobilité, le terme « déplacements doux » était même inconnu pour certains. Mais l’intérêt de cet échange, c’est qu’il a permis une certaine relation pédagogique. Mais le statut de maître et d’élève n’étant pas défini à l’avance, le résultat final des échanges dépendait seulement des connaissances préalables de chacun. Notons aussi la diversité des personnes : 1 représentant de l’UNSA (syndicat autonome), 1 GDF-Suez, 1 observatoire régional des transports, le directeur adjoint de l’Ademe, la banque CIC et moi-même, représentant d’une association environnementale. A part la discussion sur les mots-clés, il fallait ensuite répondre à trois questions insolubles :
– Sur quels outils, leviers ou ressources s’appuyer pour atteindre ce résultat ?
– Quels obstacles, manques, freins pour arriver à ce résultat ?
– Quelles solutions pour contourner les obstacles et les difficultés ?
Avec de tels préliminaires régionaux, il me semble la loi nationale de programmation sur l’énergie prévue à l’automne me semble mal partie.
2/2) Quelques remarques finales
Le débat national sur la transition énergétique a du mal à démarrer. Il est médiatiquement inaudible, contrairement au Grenelle de l’environnement. De toute façon la procédure de « démocratie participative » mise en place, qui fait remonter les « bonnes idées » de la base, n’est pas très efficace : le message initial devient éthéré au fur et à mesure de ses diverses transcriptions du bas vers le haut. De toute façon on sait par avance que les politiques feront ce qu’ils voudront de ces débats. Et comme la transition énergétique demande des efforts de la part des citoyens et un réel changement de mode de vie, rien n’aboutira législativement.
Il est d’ailleurs frappant de voir que la France ne fait qu’esquisser ses premières pistes pour une fiscalité écologique, complément pourtant indispensable d’une transition énergétique : par exemple aligner les taxes du diesel sur celles de l’essence, introduire une fiscalité du carbone, instaurer un seuil minimal de densité dans certaines zones pour lutter contre l’étalement urbain… Le CFE (Comité pour la fiscalité écologique) n’appelle pas explicitement au retour d’une taxe carbone : il faudrait d’abord selon lui évaluer l’incidence sur la compétitivité des entreprises, l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages… ce qui veut dire en clair qu’on ne va rien faire. S’agissant de la fiscalité du diesel, le dossier est surveillé de si près par les constructeurs automobiles français qu’il ne faut pas en attendre de mesures significatives ; le projet parle seulement de réduire « progressivement » l’écart de taxation entre le gazole et l’essence. Le comité avance prudemment, il s’agit de « réaliser un diagnostic partagé par toutes les composantes, aux sensibilités très différentes, et déboucher sur des propositions consensuelles. » La crise est toujours là, proclame le Medef, il s’agit de ne pas nuire aux entreprises. Comme les syndicats de travailleurs marchent la main dans la main avec le syndicat des patrons, il ne faut rien attendre d’un CFE qui rassemble les uns et les autres.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le ministre du « redressement productif », Arnaud Montebourg, ait assuré de son propre chef qu’il n’y aurait « pas de décision du gouvernement en 2013 » sur le diesel… Donc encore moins sur les autres problèmes énergétiques !