Une rubrique nécrologique bien faite nous donne souvent à réfléchir, ainsi celle de Mildred Dolores Loving (LeMonde du 13.05.2008) dont je n’avais jamais entendu parler. J’apprends ainsi que cette femme noire avait épousée en 1958 hors de cet Etat un Blanc alors que les lois de Virginie bannissaient tout mariage interracial, comme d’ailleurs 38 autres Etats. Le couple, réveillé aux premières lueurs de l’aube, a été condamné à un an de prison ou à l’obligation de quitter l’Etat. Lasse de ne pouvoir rendre visite à sa famille, Mildred s’était adressée au ministre de la justice en 1963. Elle avait obtenu gain de cause devant la Cour suprême par un arrêt de 1967 intitulé Loving contre Virginie. Il est temps d’aller encore plus loin dans le croisement des espèces.
Après l’émancipation des Noirs, des femmes et des couples mixtes est en effet venu la fin de l’anthropocentrisme. Pour l’écologisme radical, alors que les femmes ne sont plus considérées dans le monde moderne comme la propriété des hommes et les Noirs la propriété des Blancs, il n’y a toujours pas d’éthique traitant de la terre ainsi que des animaux et des plantes : ces éléments de la Biosphère sont encore considérés comme des esclaves. Il faut alors prendre la nature au sérieux et la considérer comme douée d’une valeur intrinsèque qui force le respect. Cette conversion à l’holisme écologique suppose une véritable déconstruction du préjugé anthropocentrique qui conduit à considérer l’univers comme le simple théâtre de nos actions.
Aldo Leopold (1887-1948), l’auteur d’un classique consacré à la nature publié pour la première fois en 1949 à titre posthume, écrit : « La terre en tant que communauté, voilà l’idée de base de l’écologie, mais l’idée qu’il faut aussi l’aimer et la respecter, c’est une extension de l’éthique ». Pour Aldo Leopold, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister. « En bref, une éthique de la terre fait passer l’Homo sapiens du rôle de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté. Elle implique le respect des autres membres, et aussi le respect de la communauté en tant que telle. »
Dans la même rubrique nécrologique (LeMonde du 13.05.2008), on nous parle de la disparition de Pascal Sevran : « En 2006, il déclenche un tollé car il s’en prend, en termes très crus, à la fécondité des Africains, à ses yeux excessive et criminelle ». Complétons cette rubrique :
Dans un entretien à Var matin, publié le mercredi 6 décembre 2006, l’animateur de télévision est revenu sur son dernier livre Le privilège des jonquilles où il écrivait: « La bite des noirs est responsable de la famine en Afrique ». Pascal Sevran a donc déclaré : « Et alors ? C’est la vérité ! L’Afrique crève de tous les enfants qui y naissent sans que leurs parents aient les moyens de les nourrir. Je ne suis pas le seul à le dire. Il faudrait stériliser la moitié de la planète ! « . Le conseil représentatif des associations Noires, le Mrap, SOS-racisme condamnent fermement ces propos « racistes et nauséabonds ». Le Parti socialiste dénonce une véritable apologie du racisme et de l’eugénisme et demande à Patrick de Carolis, président de France Télévisions, de sanctionner sévèrement leur auteur, dont les déclarations réitérées ne sont pas compatibles avec sa participation au service public de l’audiovisuel. L’animateur Pascal Sevran a alors exprimé ses regrets : « Aux hommes et aux femmes que j’ai pu peiner, je veux dire ma tendresse et présenter mes excuses ».
Toutefois il a suggéré d’instaurer « un véritable contrôle des naissances, comme les Chinois l’ont fait ». Dans une interview à Nice-matin, il a été plus brutal : « Si des gens bien au chaud dans leurs certitudes ne supportent pas d’entendre ça, eh bien que les choses soient claires : Je les emmerde ! Oui, il faudrait stériliser la moitié de la planète ». Son ami Bertrand Delanoë, maire de Paris, assure que le fond de la pensée de Pascal n’a pas le moindre rapport avec le racisme. Le fond du débat, c’est de savoir si la pensée malthusienne peut s’exprimer en France, pays nataliste longtemps répressif à l’égard de l’avortement et même de la contraception.
La Biosphère, quant à elle, approuve toute régulation des naissances démocratiquement décidée et pleure sur les pays où on s’entre-déchire pour cause d’une trop forte densité démographique. La seule voie égalitaire, c’est l’objectif d’un seul enfant par famille, ici ou ailleurs, qu’on soit blanc ou noir, riches ou pauvres. En Chine, le malthusianisme est constitutionalisé dans l’article 25 et justifié ainsi : « L’État encourage la planification familiale pour assurer l’harmonie entre la croissance démographique et les plans de développement économique et social ». N’est-ce pas là une attitude raisonnable ?