L’astrophysicien Roland Lehoucq* estime qu’une consommation exponentielle des ressources naturelles épuisera beaucoup plus vite que nous l’imaginons le potentiel de la Terre. Il n’est pas le premier à le dire, déjà Malthus en 1798 montrait les méfaits de augmentation exponentielle de la population humaine : « Lorsque la population n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doubler tous les vingt-cinq ans, et croît de période en période selon une progression géométrique (autre expression pour dire évolution exponentielle ». Le rapport au club de Rome de 1972 dénonçait aussi les exponentielles : « L’un des mythes les plus communément acceptés de la société actuelle est la promesse que la poursuite du processus de croissance conduira à l’égalité de tous les hommes. Nous pouvons démontrer au contraire que la croissance exponentielle de la population et du capital ne faisait qu’accroître le fossé qui sépare les riches des pauvres à l’échelle mondiale. Dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en effet en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. » Révisons un peu nos mathématiques.
Le « taux de croissance » s’exprime habituellement sous forme d’un pourcentage : un taux de croissance de 7 % par an signifie que la grandeur est multipliée par 1,07 chaque année. Si le taux de croissance annuel n’est pas trop grand, disons inférieur à 10 %, la durée de doublement s’obtient grâce à une approximation simple : exprimée en années, elle est à peu près égale au quotient de 70 par le taux de croissance. Ainsi la durée de doublement d’une grandeur ayant une croissance annuelle de 7 % est voisine de 70/7 = 10 ans. Le PIB de la Chine connaît ce genre d’expansion démesurée. L’humanité est dans la situation d’une colonie de bactéries dont les besoins doublent régulièrement. Initialement insouciantes, elles s’imaginent que tout va pour le mieux sous prétexte qu’elles ne prélèvent qu’une fraction des ressources de leur boîte de culture. En réalité, dès que la colonie occupera la moitié de sa boîte, elle saturera son espace vital en une ultime durée de doublement bien qu’elle dispose encore de l’équivalent de tout ce qu’elle a consommé dans le passé. C’est ce que montre la parabole du nénuphar. Imaginons un nénuphar planté dans un grand lac qui aurait la propriété de produire, chaque jour, un autre nénuphar. Au bout de trente jours, la totalité du lac est couverte et l’espèce meurt étouffée, privée d’espace et de nourriture. Question : Au bout de combien de jours les nénuphars vont-ils couvrir la moitié du lac ? Réponse : non pas 15 jours, comme on pourrait le penser un peu hâtivement, mais bien 29 jours, c’est-à-dire la veille, puisque le double est obtenu chaque jour. Si nous étions l’un de ces nénuphars, à quel moment aurions-nous conscience que l’on s’apprête à manquer d’espace ? Au bout du 24ème jour, 97% de la surface du lac est encore disponible et nous n’imaginons probablement pas la catastrophe qui se prépare et pourtant nous sommes à moins d’une semaine de l’extinction de l’espèce**… Le cerveau humain semble difficilement saisir les propriétés d’une croissance exponentielle.
Dernier exemple sur un échiquier. Une légende des Indes raconte que le roi Belkib, satisfait par le jeu d’échecs présenté par le sage Sissa, demanda ce qu’il souhaitait en échange. Sissa dit au roi de poser un grain de riz sur la première case de l’échiquier, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant le nombre de grains à chaque case, et réclama l’ensemble des grains déposés sur la 64e et dernière case du jeu. Le roi croyait pouvoir accorder cette récompense sans se douter que tous les royaumes de la Terre mettraient des siècles à produire la quantité de riz correspondant à la récompense demandée. L’ampleur phénoménale d’une quantité doublée 63 fois de suite avait complètement échappé au souverain. L’humanité est en train de vivre dans le réel les conséquences de la fable du roi Belkib. Croire que la solution à tous nos problèmes passe par une croissance renouvelée en permanence est un leurre qui oublie que la Terre est un système fini que notre croissance exponentielle épuisera beaucoup plus vite que nous l’imaginons. Il existe des lois qui ne se votent pas à l’Assemblée, contre lesquelles nul n’aura raison et dont l’ignorance peut conduire à de graves ennuis. La nature ne négocie pas.
* LE MONDE sciences du 12 juillet 2017, A croissance exponentielle, ennuis imminents
** Albert Jacquard , L’Equation du nénuphar (Calmann-Lévy, 1998)
Invite2018
Je sais très bien ce que vous prônez. Je suis déjà allé visiter votre site et j’ai vu qu’il ne faisait pas recette. Je ne vais pas me disperser en allant y raconter ce que raconte ici et ailleurs car je mesure aussi l’utilité de ces échanges ou pseudo-échanges.
@Michel C, le pouvoir d’achat des petites gens ne fera aucun « miracle » car tout miracle quel qu’il soit est surnaturel. Mais à défaut de faire un quelconque miracle, ce pouvoir d’achat pourra favoriser l’accès à la contraception et donc réduire la natalité.
Et je précise que contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, je défend, non pas le pouvoir d’achat total global, mais le pouvoir d’achat des non-capitalistes, que chaque euros de revenus en plus pour chaque citoyen doit être compensé par au moins un euro de réduction du pouvoir d’achat des grands patrons riches à milliards.
Autrement dit, je prône la hausse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, mais en contrepartie, je prône la très forte baisse du pouvoir d’achat des milliardaires. Je milite d’ailleurs pour cela sur mon site dont vous pourrez trouver un lien en cliquant sur mon pseudonyme en bas du commentaire.
Invite2018 , même si je ne cois pas aux miracles, je tente de m’expliquer mieux afin que vous comprenassiez.
Non non, surtout pas que les peuples fissent des sacrifices ! Ils en font déjà tellement, les pauvres…
Selon vous, la solution consiste à ce que les pauvres cons-ommateurs-producteurs-reproducteurs puissent enfin accéder à la capote, et en même temps à la clope, et en même temps à TF1, et à Arte si des fois ça les puisse intéresser… et surtout à toutes ces choses qui leur font tant envie et dont ils disent avoir absolument besoin.
Et moi je vous réponds tout simplement : C’est l’à oui !
Pas plus que la sacro-sainte Croissance, même repeinte en vert, le sacro-saint Pouvoir d’Achat ne fera pas de miracles. Il est plus que temps de se défaire de ce dogme du Toujours Plus et d’apprendre à dire Assez.
Plus sérieusement, il est tout de même malheureux que nous en soyons encore à devoir expliquer l’histoire des nénuphars ou des grains de riz … et que nous ne pourrons jamais mettre 13 oeufs dans une boite de 12. Même un gamin comprend ça facilement.
La seule question qui mérite d’être posée… alors, pourquoi pas les « grands » ? Autrement dit, pourquoi préfèrent-ils croire à cette « magie » de la croissance (du PIB) ?
@Michel C, je ne suis pas sûr(e) d’avoir parfaitement compris le sens de votre commentaire.
Toujours est-il que qui peut le plus peut le moins. Donc si on considère que la bonne contraception est plus cher que la clope et que la télé (ce qui d’ailleurs est très probablement vrai) alors logiquement, dès lors que vous avez financièrement accès à la contraception, vous avez financièrement accès à la télé et à la clope.
Par « inverser la tendance, je ne prônais pas que les peuples fissent des sacrifices pour la contraception, mais qu’ils accédassent à la bonne contraception en plus d’accéder à ce qu’ils avaient déjà. Il faut que leur pouvoir d’achat de sorte à ce qu’ils puissent facilement accéder non seulement à la capote, mais également à des pilules qui soient bonnes et à bien d’autres moyens de contraception.
Invite 2018
Si l’on se réfère au fameux Audimat… les Français semblent avoir plus facilement accès à TF1 qu’à Arte.
Si je vous comprends bien … même en France, on aurait financièrement accès à la clope, mais pas à la capote. Il est effectivement temps d’inverser la tendance.
Actuellement, aucun peuple, pas même ceux des pays dits du Nord, n’a financièrement accès à de la bonne contraception qui soit propre.
Il est impératif que le tendance s’inverse, et donc que tout citoyen du monde puisse avoir de la contraception qui soit sans aucun effet secondaire indésirable.