Cycle du silicium, carrières et dépotoirs

« Du silex au silicium », on connaît ces triomphales trajectoires que les communicants des technosciences et autres apologistes du progrès industriel, ont coutume de projeter vers un infini futur et merveilleux sur l’écran de leurs PowerPoints, grâce à la Transition, qui, pour être « écologique », ne peut être que « numérique ». Ces insanités ne peuvent se proférer qu’à la condition d’ignorer ce qu’est réellement et concrètement le cycle du silicium dont nous traçons ici l’esquisse sommaire.

Qu’est-ce que le silicium ? D’où et comment est-il extrait ? Et pour quel usage ? Pour produire quels « objets connectés » (« intelligents », « smarts ») ? Et pourquoi ? Et après ? Que deviennent ces milliers de tonnes de déchets électriques et électroniques ?

Éventrer la terre : Le mot silicium vient de silex, une roche siliceuse. Elle constitue un quart de la croûte terrestre, le plus souvent sous la forme de silice, ou dioxyde de silicium, un minéral composé d’un atome de silicium et de deux atomes d’oxygène. La trajectoire qui nous a menés de l’âge de pierre à la civilisation du silicium était-elle inéluctable? Une chose est sûre: entre l’outillage des hommes préhistoriques et le macro-système cybernétique des Smartiens, le changement d’échelle a produit un changement de nature qui obère aujourd’hui la poursuite de la trajectoire. En 2017, 35 à 40 milliards de tonnes de matériaux silicaté sont été extraits du sol, soit trois fois plus que tous les combustibles fossiles.

Brûler du bois et de l’électricité : Deuxième phase du processus:la transformation de la silice en silicium métal. Le matériau s’obtient par carbo-réduction, en ajoutant du carbone (bois, charbon, houille) au silicium. Par exemple les trois fours de Livet-et-Gavet consomment chaque année l’équivalent électrique d’une ville de 150000 habitants(comme Grenoble intra muros). Alors que le groupe menace en 2021 de fermer l’usine, les technocrates de toutes couleurs s’indignent au nom de l’écologie. André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme : « Ces sites industriels jouent un rôle majeur dans le cadre de la transition écologique et énergétique. Leurs fermetures auraient un coût environnemental et social conséquent et porteraient inéluctablement un coup à la souveraineté économique nationale ». Yannick Jadot, candidat Vert à l’élection présidentielle : «En tant qu’écologistes, nous voulons des usines comme les vôtres». Guillaume Gontard, sénateur Vert de l’Isère : «La France a et aura besoin de silicium». Jean-Luc Mélenchon, planificateur écologique : «J’aimerais que Macron s’intéresse enfin à Ferropem […]. Je souhaite que le thème du dépeçage de la France industrielle émerge dans la campagne». Tout tout pour le matériau-roi de la «transition écologique» !

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Étape suivante : Poubelles électroniques. Sans silicium, pas de puces électroniques, pas de pilotage automatique de l’homme-machine dans le monde-machine. Et vous ne voudriez tout de même pas revenir au silex. Bref.Voici notre matériau en bout de course, une fois l’objet qu’il rendait «intelligent» devenu obsolète, c’est-à-dire rapidement.Vous jetez votre smartphone tous les deux ou trois ans, selon une étude récente de l’Arcep. Les déchets électroniques débordent des poubelles, et le recyclage promis n’est pas au rendez-vous : 53,6 millions de tonnes ont été produites en 2019, et les experts en prévoient 74,7millions en 2030. Ni le recyclage, ni les infrastructures de destruction «sécurisées» ne peuvent absorber une telle explosion, rapporte une étude de l’ONU. Bilan: sur les 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques de 2019, «on ignore ce que sont devenus 82,6 % ou 44,7 millions de tonnes», reconnaît l’OMS.

(mercredi 27 octobre 2021 par Pièces et main d’œuvre )

1 réflexion sur “Cycle du silicium, carrières et dépotoirs”

  1. Esprit critique

    Le silicium est un bon exemple. Seulement je crains que là encore tous ces chiffres nous embrouillent. Les 35 à 40 milliards de tonnes de matériaux silicatés extraits du sol en 2017 n’ont évidemment pas servies qu’à fabriquer des semi-conducteurs. Encore moins des smartphones. Et à la fin de l’histoire, ces 44,7 millions de tonnes qui manquent à l’appel ne sont pas évidemment pas que du silicium. Maintenant c’est vrai, la technologie pour obtenir le wafer de silicium (servant à fabriquer des composants électroniques) est très énergivore. Après il faut savoir ce qu’on veut, si on préfère acheter ce silicium aux Chinois alors on peut tranquillement fermer nos usines en France.
    Dire qu’on a besoin de silicium ne veut pas dire qu’on a besoin de changer de smartphone tous les deux ans, là encore il faut savoir ce qu’on veut. En attendant, de retourner au silex, je ne pense pas qu’un véritable écolo soit POUR l’obsolescence programmée ni POUR la Pub.

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