Ivan Illich, de passage à Paris pour son livre La convivialité, avait refusé de parler à la télé (la Gueule ouverte, juillet 1973) : « Le discours télévisé est inévitablement démagogique. Un homme parle sur le petit écran, des millions d’hommes et de femmes l’écoutent. Dans le meilleur des cas, la réaction maximum du public ne peut être que bip bip je suis d’accord ou bip bip je ne suis pas d’accord. Aucun véritable échange n’est possible, mais je suis heureux de soumettre mon travail à la critique des lecteurs de La gueule ouverte, tous profondément préoccupés de ne se laisser enfermer dans aucun carcan idéologique. »
Aujourd’hui Roger-Gérard Schwartzenberg exprime la même chose dans son livre L’Etat spectacle 2 (présentation du livre du jour, LeMonde du 2 juin). Il n’y a plus combat des idées, il y a affrontement de personnes. Dans la médiasphère, la télévision est devenue la principale source d’asservissement de la pensée politique. Ceux qui sont élus sont ceux qui savent présenter la meilleure image d’eux-mêmes, ceux qui savent le mieux se vendre comme la savonnette Sarko. Prenons deux exemples.
Lors du Congrès socialiste de Reims en novembre dernier, ce qui importait médiatiquement, c’était de présenter la guerre des chefs, Ségolène ou Aubry, Delanoë ou Ségolène, Aubry ou Hamon. Donc ce culte de l’image est passé dans la tête des militants, il y a eu asservissement au culte des ego. La seule avancée idéologique était la motion B, Pour un parti socialiste résolument écologique. Elle a obtenu seulement 1,58 % des voix ; bip bip, je suis plutôt d’accord avec Ségolène, bip bip, ce sera Aubry première secrétaire du parti. Que l’on ne s’étonne pas du vide généralisé de la campagne européenne, on ne vote pas pour une personne le 7 juin prochain, il n’y a plus rien de visible sur les écrans.