Biosphere : Les artistes qui vivent de l’air ambiant préfèrent amuser ou épater la galerie plutôt que d’aborder les véritables problèmes de fond, anxiogènes. La vie culturelle semble se dérouler en dehors de la réalité environnementale. Rentrée littéraire après rentrée littéraire, l’écologie est absente des centaines de nouveaux romans publiés et des préoccupations des écrivains. Les philosophes le plus médiatisés traitent de sujets sociétaux et relèguent l’écologie au dernier rang. En art contemporain, les artistes les plus plébiscités ne s’inscrivent pas dans une démarche écologique. Rares sont les films, en dehors des documentaires, qui intègrent l’écologie comme thématique. Les séries télévisées sont encore plus loin du sujet. La chanson française est peu inspirée par les changements du climat et des écosystèmes. La mode qui permet la vacuité des comportements reste bien loin des enjeux environnementaux. C’est d’autant plus dommage que l’évolution vers des modes de vie plus durables est avant tout de nature culturelle ; et que les représentations évoluent plus vite par le prisme de l’art. L’écologie ne semble pas inspirer les artistes. Nous nous réveillerons seulement quand les soubresauts de la planète menaceront de nous ensevelir. A ce moment-là l’art et la culture seront remplacés par des stages de survie et/ou de jardinage !
Michel Guerrin (Rédacteur en chef au « Monde ») : La pandémie étant le symptôme d’une planète déréglée, le vœu maintes fois exprimé il y a un an de produire moins d’œuvres, plus locales, durables et écologiques, colle peu à la réalité actuelle. Autant dire que la décroissance culturelle n’est pas pour demain. Au contraire… Cinéma, séries, télévisions, plates-formes. Ici la feuille de route est qu’il faut être toujours plus gros pour survivre, ou plutôt pour mener la bataille essentielle du streaming… Une chose est sûre, le fossé va se creuser un peu plus entre une culture constellée de petits bijoux et celle qui bouscule le village global.
Michel Sourrouille : L’art véritable n’appartient ni à une élite qui peut payer, ni à quelques individus qui se proclament artistes, encore moins à des musées. L’art n’existe que par ce que nous pratiquons nous-même. Une chanson à boire n’est ni supérieure ni inférieure à une fugue de Beethoven : il ne peut pas y avoir de supériorité esthétique du complexe sur le simple, c’est là une simple convention. Et il n’existe aucun critère objectif de la vulgarité et de la distinction. L’individu peut s’épanouir dans les domaines les plus variés, musique, peinture, sculpture, collage, improvisations… ou cultiver l’art de la contemplation de l’instant qui passe ; tout le reste n’est qu’illusion. L’art durable n’existe que parce que les humains le pratiquent en personne pour le plaisir, avec des techniques les plus simples possibles. Et il y a de la profondeur dans le regard porté au nuage qui passe. Le nuage nous unit à l’eau dans la contemplation du ciel, La Joconde croupit dans un musée. (extraits du livre « On ne naît pas écolo, on le devient »)
He jean Passe : Il n’y aucune croissance culturelle en France, simplement la croissance des aides, subventions et allocation étatiques aux « artistes » devenus des quasi-fonctionnaires. Le système (fou) produit chaque année plus de « fonctionnaires artistes » et bientôt il y en aura plus que de spectateurs, lecteurs ou visiteurs.
Pour en savoir plus sur le point de vue des écologistes :
23 mai 2017,L’écologie ne semble pas inspirer les artistes
6 juillet 2020, SVP, ne pas confondre culturel et élitisme
Si par décroissance culturelle on veut dire déclin culturel, ou décadence culturelle, alors cette décadence s’inscrit dans la décadence de notre civilisation (occidentale). Après le déclin religieux et le déclin politique on en vient au déclin de la culture. Nietzsche voyait la décadence jusque dans la musique de son ex ami Wagner. Je me demande ce qu’il penserait de l’actuelle.
L’art et la culture vont très certainement de pair, or aujourd’hui n’importe quoi peut être déclaré «art», ou «oeuvre d’art», et par conséquent n’importe qui «artiste». La confusion n’est pas que dans ce domaine, mais partout.
Gainsbourg disait «Les arts mineurs sont en train d’enc… les arts majeurs.» Tout ne se vaut donc pas, même dans l’art. Et heureusement. («Quand tout vaut tout, rien n’a de valeur». Boris Cyrulnik)
Gainsbourg reste toutefois un artiste. Pour ne rester que dans la musique (et la chanson) bien sûr il y en a d’autres. Peut-être moins grands que Mozart mais toutefois bien plus grands que nos petits «artistes» actuels fabriqués par le Système.
Nul doute aussi que l’art et la culture ont été pervertis par l’argent. Aujourd’hui c’est un business comme un autre. Le marché de l’art reste réservé à une élite, la pop-culture (encore plus juteuse) est la junk-food de la populace.
Dans cette culture l’écologie n’occupe que la place qui lui revient, ni plus ni moins. C’est à dire la même place qu’elle occupe dans la politique et dans nos préoccupations quotidiennes. Heureusement la Pop-Culture nous offre parfois de belles choses n’ayant rien à voir avec les niaiseries actuelles de nos petits «artistes engagés». Je pense par exemple à «Beds are Burning» de Midnight Oil, ou «Etat des lieux» de Lavilliers.
Quand tout se vaut (la Vénus de Milo = un urinoir ; Johnny = Mozard ; une chanson à boire = une composition de Beethoven… ) on peut alors dire que nous sommes dans la Décroissance culturelle.