Delphine Batho, 22,3 % au premier tour de la primaire des écologistes en septembre 2021, présente son retour d’expérience au 89ème séminaire de l’institut Momentum aujourd’hui 8 janvier 2022 . Alors que le projet politique de la Décroissance a longtemps été réservé à des cercles intellectuels, il est entré désormais dans le champ électoral. Delphine Batho présentera les résultats de sa stratégie, ses limites et ses perspectives, tout cela en vue de faire gagner la décroissance à l’avenir. Le problème, c’est qu’elle occulte complètement l’idée de décroissance démographique.
Lire, La décroissance selon Delphine Batho
Militant pour la décroissance économique depuis des années, nous sommes en parfait accord avec son analyse. Par contre il y a un oubli total dans son programme, la décroissance démographique. Pourtant dès 1972, le rapport Meadows sur « les limites à la croissance » montrait pourtant les interrelations entre exponentielles, qu’elles soient économiques ET démographiques, ce que votre texte ne dit pas.
René Dumont, présidentiable écolo en 1974, avait aussi une approche réaliste sur la démographie dans son programme : « Depuis 1650, la population du globe a augmenté à un rythme exponentiel. Nous sommes près de 4 milliards, nous serons 7 milliards en l’an 2000 ; même avec une réduction importante des taux de fécondité, on ne serait pas loin de 6 milliards. C’est la FIN du monde ou la FAIM du monde. Nous sommes les premiers à avoir dit que la croissance démographique doit être arrêtée d’abord dans les pays riches, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers-Monde, par le gaspillage des matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesse… Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à New York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La « France de 100 millions de Français » chère à M. Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »
A l’image de René Dumont, les écologistes digne de ce nom doivent clairement assumer une perspective de décroissance démographique, ce que les écologistes institutionnels ne font pas aujourd’hui. Nous pensons pourtant que ce positionnement politique qu’on pourrait appeler « malthusien » (au sens d’un dictionnaire de français), est porteur électoralement car l’idée de surpopulation est répandue dans la tête des électeurs/électrices alors que c’est devenu un tabou politique et médiatique.
La décroissance démographique peut être exposée publiquement de façon simple et compréhensible par tous et toutes. Notre impact écologique dépend à la fois de notre mode de vie multiplié par notre nombre, de la même manière que la surface d’un triangle dépend de sa longueur fois sa largeur. Séparer les deux est artificiel. Mais le facteur « mode de vie » est assez rigide, nos comportements consuméristes sont formatés par la publicité et l’abondance à crédit. Par contre la maîtrise démographique apparaît d’une simplicité évangélique. Tandis que les transitions énergétiques, agricoles et industrielles sont des mastodontes difficiles à remuer, il est possible de hâter la transition démographique avec des préservatifs et des stylos !
Cela pourrait être mis en place en finançant le planning familial mondial et ses besoins en contraception partout où il y a lieu, ainsi que la scolarisation des filles dans le monde entier. A lui seul, le financement du planning familial suffirait à réduire de 40 % l’accroissement de la population mondiale. En effet on dénombre plus de 30 millions de naissances non désirées sur la planète pour 80 millions de personnes en plus chaque année. Quant à la scolarisation des filles, son impact démographique est majeur. Plus les filles vont à l’école, plus le taux de fécondité baisse rapidement et fortement. Féminisme et environnement, même combat, accélérer la transition démographique revient à mettre en adéquation droits des femmes et droits de la nature. Enfin une telle politique aurait un coût dérisoire comparé à ce que les transitions économiques réclameront : 43 milliards de dollars par an selon l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) dont 4 pour couvrir les besoins des femmes en planification familiale et 39 pour scolariser les filles jusqu’au secondaire.
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Nous, les décroissants, nous avons besoin d’unir nos forces pour combattre un système thermo-industriel oppresseur et omniprésent. Or nos adversaires communs n’ont même pas besoin de nous diviser pour régner, nous prenons les devants ! Une certaine gauche décroissanciste se trouve toujours aujourd’hui dans la lignée de la vulgate marxisante. Dans Le Capital en 1867, Marx exprime le fondement idéologique du débat : « Il était naturellement bien plus conforme aux intérêts des classes régnantes d’expliquer cette « surpopulation » par les lois éternelles de la nature que par les lois historiques de la production capitaliste. » En clair, libérons le système productif du carcan capitaliste qui le bride, et le problème démographique sera réglé ! La suite de l’histoire humaine a montré l’inanité de cette conception.
En 2011, Ian Angus et Simon Butler récidivent : « Si la quantité de CO2 dans l’atmosphère est telle qu’un dangereux changement climatique est vraisemblable, cela démontre qu’il faut transformer l’activité humaine et non qu’il y a trop de monde. » En 2012 Arno Münster cite Murray Bookchin : « On voit se diffuser tout le courant de l’écologie profonde, souvent teintée d’un néo-malthusianisme perfide qui ne voit pas de mal à laisser mourir de faim les pauvres pour freiner l’évolution démographique ». En 2017, l’insulte vaut raisonnement pour Ariès : « Certains se contentent de fantasmer sur le retour de Malthus, ce Diable noir du XVIIIe siècle… » Il plagiait William Godwin qui qualifiait déjà en 1820 la doctrine malthusienne de « démon noir et terrible, toujours prêt à étouffer les espoirs humains ».
Même pour le PPLD (Parti pour la décroissance), « un tel débat ouvre la porte à des politiques eugénistes inquiétantes ». Comme si la maîtrise de la fécondité, comme si la pratique de la contraception ou de l’IVG, comme si le planning familial présentait plus de risques que d’avantages. Soyons clair, cette façon de « ranger au placard » le malthusianisme, c’est vouloir dresser les écologistes les uns contre les autres, c’est une façon de faire le jeu de nos adversaires communs. Le problème de la branche marxiste de l’écologie, c’est qu’elle a une tendance viscérale à excommunier sans vouloir réfléchir ensemble : « On n’en parle pas, Malthus à oublier, fin du débat, point final » Encore faudrait-il avoir lu le message avant de juger le messager.
– « [blablabla] Soyons clair, cette façon de « ranger au placard » le malthusianisme, c’est vouloir dresser les écologistes les uns contre les autres, c’est une façon de faire le jeu de nos adversaires communs [et patati et patata].»
Malthus au placard… oh que ça c’est pas beau ! Et aux chiottes, j’vous dis pas !
J’ai très envie d’emmerder le Blasphème. Eh oui, c’est comme ça que yaka parler aujourd’hui. C’est la mode. Soyons clair, cette façon de faire m’emmerde ! Et du coup j’ai très envie de les emmerder. Haro sur les boucs émissaires, crevons les tous jusqu’au dernier, Marx reconnaîtra les siens.
PING PONG PING PONG ça c’est gentil. PIF PAF POUM et REPOUM ça l’est moins.
Et BADABOUM j’vous dis pas. Misère misère !
aux lecteurs de ce blog
Ce que pèse une idée, ce n’est pas le poids politique de Delphine Batho ou le poids médiatique de ce blog, c’est sa cohérence avec le mouvement de fond d’une société. Delphine pour la première fois lors d’une présidentielle a porté le concept de décroissance, une idée d’avenir puisque nous allons vers un effondrement plus ou moins maîtrisé de la civilisation thermo-industrielle.
Malheureusement l’écosocialiste Batho ne porte que la moitié du message, celui de la décroissance économique, occultant sciemment le choc démographique qu’entraînera un krach économique profond.
On ne peut envisager politiquement l’avenir qu’en portant aussi le message malthusien d’une maîtrise de la fécondité humaine. L’économique ET le démographique vont de pair, et il faut ajouter à ce couple infernal mais inséparable l’usage des technologies, ET là aussi on a besoin de modération.
Comme en physique il y a, entre autres, physique nucléaire et physique des matériaux, chacun de ces domaines nécessitant plus d’une vie pour en faire le tour, l’écologie s.l. comprend de multiples et vastes domaines spécialisés. Pourquoi Delphine devrait-elle tous les intégrer dans son discours ? Autant éviter les plus polémiques ; il sera bien temps de les rappeler si un jour les bases de la décroissance économique devenaient suffisamment consensuelles. Peut-être alors sera-t-il admis que la question démographique en est un facteur déterminant. Mais il y a toujours dans la salle un quidam qui avec des sifflements de lapin en passe d’être estourbi interpelle l’orateur sur son « oubli » de tel ou tel sujet. Car Michel sait.
Oui mais enfin là on est sur un sujet énorme, ce n’est pas un détail, c’est la question centrale. Sans décroissance démographique, tout le reste ne sert à rien, il n’y a plus d’espace pour le monde vivant. On ne pourra rien protéger à 8 milliards sur la planète. Delphine Batho ne peut pas arguer d’un oubli sur ce point.
Mes chers Didier Barthès, et Michel Sourrouille (Biosphère), nous savons tous qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Nous sommes au moins d’accord sur un point, ce n’est pas un oubli.
Disons alors que c’est, comme dit BK86, un « oubli ». Autrement dit un sujet, certes énorme, que la plupart des décroissants préfèrent ranger au placard. Ce qui ne veut pas dire forcément aux oubliettes. Un sujet, donc, qu’ils ne souhaitent pas aborder. Reconnaissez leur déjà ce droit, d’autant plus qu’il ne s’agit pas là d’un simple caprice.
Vincent Cheynet a dit qu’il s’agissait d’un «débat miné». Personnellement je dis qu’il est pipé, que ce n’est pas un débat, mais un dialogue de sourds, etc. etc.
Ce qui nous vaut de votre part toutes ces attaques, dont le fameux et incontournable Tabou qui nous fait passer pour des coincés. Et toutes ces déclarations du genre «Sans décroissance démographique, tout le reste ne sert à rien» (D.Barthès) , «Malheureusement l’écosocialiste Batho [etc.]» (Biophère) , «Tous ces gens ferment le débat par des arguments d’autorité. Refuser d’échanger, c’est une posture anti-démocratique» (Rapporterre ici le 5/01/2022) etc. etc. Ping-pong ping-pong, Pif Paf et Poum ! etc. etc.
Ce qui ne fait que renforcer chacun sur ses positions. Vive les divisions !
Je ne sais pas comment il faut vous le faire entendre… Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai pensé que BK86 pourrait y parvenir… notamment quand il dit «Autant éviter les plus polémiques ; il sera bien temps de les rappeler si un jour les bases de la décroissance économique devenaient suffisamment consensuelles [etc.]»
Hélas, je vois que non. Le contraire m’eut étonné, mais c’est à … désespérer.
C’est comme pour le Vaccin… comment vous faire comprendre que votre discours présente plus de risques que de bénéfices ? Surtout à notre sale époque…
Si encore ce message était adressé à un candidat, au candidat EELV…
Mais non il est adressé à Delphine Batho. Et je n’en vois pas trop l’intérêt.
Au sein de cette écologie, estampillée EELV, il y a 4 mois Delphine Batho pesait 22,3%.
Maintenant qu’elle a été éliminée de la Compétition, que pèse Delphine Batho dans le discours politique, disons dans l’Opinion ? Essayons de nous faire une petite idée.
Selon les sacro-saints Sondages, l’écologie, principalement incarnée par le candidat Jadot, pèse aujourd’hui 8% . Et 22,3% de 8% ça ne nous fait même pas 2%.
D’après les mesures (statistiques, sondages), qui valent ce qu’elles valent, 2% c’est ce que représentent à peu près les végans. Ou les décroissants. Ou encore les antivax, les vrais évidemment. Les végans qui ne sont pas nécessairement décroissants, et les décroissants qui ne sont évidemment pas tous végans, ni antivax, ni malthusiens, qui eux ne sont pas pas nécessairement antivax, ni fachos etc. etc.
Bref, adresser un message à un(e) représentant(e) de 2% de la population, est-ce ça agir, politiquement ?
Après tout pourquoi pas.
– « Nous pensons pourtant que ce positionnement politique qu’on pourrait appeler « malthusien » (au sens d’un dictionnaire de français), est porteur électoralement car l’idée de surpopulation est répandue dans la tête des électeurs/électrices alors que c’est devenu un tabou politique et médiatique. » (Biosphère)
Porteur électoralement… nous y voilà ! Des positionnements porteurs, ce n’est pas ce qui manque. Le Pouvoir d’Achat, la Sécurité, l’Identité, la France aux Français etc. pour tout ça nous n’avons déjà que l’embarras du Choix. Mais c’est vrai aucun de ces porteurs et porteuses (de beaux discours, de belles promesses, de lendemains qui chantent et déchantent) ne porte le badge de Malthus.
Et pour Biosphère c’est regrettable. Comme je comprends !
D’autant plus qu’il se trouve que l’Opinion semble être prête, disposée …
Alors il y a là une fenêtre (de tir), une opportunité, pour agir, politiquement… pour faire sauter le Tabou, pour ressusciter le Pasteur etc. On avance on avance !
Mais pourquoi s’adresser à Delphine, ou à Yannick, ou aux décroissants ?
Pourquoi pas à certains autres, en particulier ? Ceux notamment déjà porteurs de «drôles» d’idées, ceux qui se plaisent à mettre de l’huile sur le Feu, à diviser, à désigner des boucs émissaires, à nous tirer toujours plus vers le bas etc. Misère misère !
J’invite donc Biosphère à mettre ce message à Delphine dans une bouteille, et à envoyer le tout à la mer, via les WC.
– « Mais le facteur « mode de vie » est assez rigide […] Par contre la maîtrise démographique apparaît d’une simplicité évangélique […] une telle politique aurait un coût dérisoire comparé à ce que les transitions économiques réclameront : 43 milliards de dollars par an» (Biosphère)
J’aime bien le «évangélique», qui en dit long sur cette religion. Que cette politique évangélique ait un coût dérisoire je l’admets. Et après tout et bien sûr je suis POUR.
43 milliards ce n’est même pas 1/10ème du budget de la Pub au niveau mondial.
Ce qui me gène là, c’est que Biosphère semble abdiquer sur le facteur «mode de vie». Cela me fait penser aux socialistes quand ils ont renoncé à lutter contre le Capitalisme, quand ils ont décidé de s’en accommoder. Pour moi cet état d’esprit porte un nom, Pétainisme.
– « La décroissance démographique peut être exposée publiquement de façon simple et compréhensible par tous et toutes. »
C’est c’là oui, de façon simple. Et après ? Suffit de voir déjà comment la décroissance tout court nous est exposée. Et mesurer ensuite combien elle séduit la Populace.
Je crois plutôt que ce sujet (problème) aurait bien plus de chances d’être compris des électeurs/électrices (hi-han !) s’il était exposé publiquement de façon simpliste. Suffit de voir comment on nous expose d’autres problèmes. Pour en mesurer les effets, suffit ensuite de voir comment l’Opinion réagit. Merci les sondages. Du moment où une idée pourrie s’est «bien» répandue dans des millions de pauvres têtes fatiguées, aujourd’hui on peut alors se permettre de balancer des saloperies «publiquement de façon simple et compréhensible par tous et toutes». Au diable les tabous ! Au diable les conséquences. Misère misère !