Commentaire par Michel Sourrouille d’une étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) titrée « La démographie, une pression indirecte » (2018-2021)
https://www.fondationbiodiversite.fr/la-demographie-une-pressions-indirectes-identifiees-par-lipbes/
La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), au détour d’une phrase, nous explique pourquoi son mémorandum minimise la variable démographique : « Agir sur les évolutions démographiques reste un sujet épineux. » Elle souhaite donc « une révision des modes de production au niveau mondial et une meilleure répartition des ressources ».
Or il est très difficile d’agir contre l’inertie des systèmes économiques et des structures inégalitaires alors que financer le planning familial au niveau planétaire serait très efficace et à moindre coût. De toute façon on ne peut opposer niveau de vie, degré d’inégalités et nombre d’humains, ces variables sont interdépendantes.
Considérations générales : la responsabilité première des humains
La FRB considère que l’expansion démographique humaine est un facteur « indirect » de détérioration de la biosphère. C’est ignorer que l’individu est premier dans toute activité qu’il puisse faire, à commencer par naître. Derrière chaque action d’une personne, même la plus minime possible, il y a un impact écologique, que ce soit le fait de manger, de s’habiller, de se déplacer, et donc de produire des déchets, des pollutions et des détériorations multiples du milieu environnant. La démographie est donc un multiplicateur des nuisances, les humains sont toujours responsables. Même une voiture dite « autonome » ne peut exister que par le travail d’un nombre incalculable de personnes. Les « moteurs directs » de l’érosion de la biodiversité selon la FRB, comme l’amplification des usages de l’océan et des terres ou le changement climatique, sont en fait des conséquences indirectes de la multiplication des humains et de leurs besoins ressentis.
D’ailleurs la FRB reconnaît que même des groupes humains très réduits peuvent avoir un impact dramatique sur la biodiversité, la faute à leur technologie (pièges, canots). Alors, si des petits groupes deviennent des multitudes dotée de moyens techniques surpuissants, on peut donc s’attendre au pire.
Impact démographique ET technologique
Depuis l’invention du feu et la hache de pierre, l’impact humain est indissociable de sa technologie. La période de chasse et de cueillette, aux technique simples et appropriées, permettait un certain équilibre entre le nombre d’humains et leur milieu de vie. Cette relation stabilisée entre les groupes humains (à fécondité contrôlée par les moyens de l’époque) et la nature (dont on permettait la reproduction) a duré au moins 300 000 ans. Depuis 10 000 ans environ et l’invention de l’agriculture, une course sans fin entre croissance démographique et besoins alimentaires s’est mis en place. Cela a entraîné non seulement des procédés agricoles améliorées, mais aussi l’arrivée de structures d’encadrement des masses. Le nombre a commencé à faire « la force des nations » (Il n’est de force et de richesses que d’hommes), les politiques étaient natalistes. Mais le poids du nombre est aussi une faiblesse, entraînant une instabilité permanente ponctuée de famines, de guerres et d’épidémies. La révolution industrielle, le choix d’une société thermo-industrielle basée sur les ressources fossiles, a autorisé l’explosion démographique accélérée contemporaine : on mange du charbon et du pétrole. Sans commerce international et agriculture intensive les ensembles urbains (dont la FRB montre l’amplitude croissante) seraient des mouroirs.
En termes simples, démographie et technologie (y compris organisationnelle) sont intimement liés, un facteur agissant sur l’autre et réciproquement. Comme l’exprime Esther Boserup, l’essor démographique entraîne l’innovation technologique. Mais cette innovation permet l’arrivée d’encore plus d’êtres humains, d’où un cycle infernal qui se met en place jusqu’à ce que nos techniques super-complexes n’arrivent plus à maîtriser les effets de la fourmilière humaine dans un milieu clos bien que mondialisé. Il y a réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles.
Contrairement aux espérances de la FRB, il n’y a pas « découplage » entre démographie et impact humain « par rationalisation de l’utilisation globale des ressources naturelles ». Toutes les études scientifiques montrent que nous avons dépassé les capacités de régénération de la planète alors que notre nombre continue de s’accroître.
Lire, Produire plus, polluer moins : l’impossible découplage
Impact démographique ET changement climatique
La FRB reconnaît qu’une partie de l’augmentation du changement climatique est directement liée à la démographie, une autre partie étant liée aux modes de consommation. Elle s’appuie même sur une étude (controversée) qui montre que la mesure la plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre serait « d’avoir un enfant de moins »… beaucoup plus efficace que « vivre sans voiture, éviter les voyages en avion ou opter pour une alimentation à base de plantes ».
L’association Démographie Responsable a une vision plus globale grâce à l’équation de Kaya qui lie réchauffement climatique et niveau de population.
CO2 = (CO2 : TEP) x (TEP : PIB) x (PIB : POP) x POP => CO2
(CO2 : TEP) : contenu carbone d’une unité d’énergie (qui peut s’exprimer en TEP, tonnes d’équivalent pétrole)
Cela correspond à un choix de ressources naturelles, charbon ou gaz, électricité, énergie renouvelable ou non, nucléaire…
(TEP : PIB) : quantité d’énergie requise à la création d’une unité monétaire (qui peut correspondre au PIB)
C’est l’intensité énergétique de l’économie ou inverse de l’efficacité énergétique (qui serait PIB : TEP)
(PIB : POP) : production par personne ou niveau de vie moyen
POP : nombre d’habitants.
Tout est interdépendant, on ne peut agir sur un des termes de l’équation sans considérer ce qui se passe ailleurs. Si on divise par 3 les émissions de gaz à effet de serre, il faut aussi que l’ensemble des autres éléments soit divisés par trois. Peu importe mathématiquement ce qui est réduit.
Le Groupe 3 du GIEC a évalué la contribution de l’augmentation de la population à l’augmentation des émissions sur la période 1990-2019. En moyenne annuelle mondiale, sur cette période, les émissions de CO2 ont cru de 1,1 %, avec des contributions positives de 1,2 % pour la population, de 2,3 % du PIB par habitant, et des contributions négatives de -2% de l’intensité énergétique et de -0,3 % de l’intensité carbone. On pourrait donc dire que l’augmentation de population est quasiment identique à l’augmentation des émissions.
CONCLUSION
Pour faire la synthèse avec ce qui précède, un écologiste malthusien a une autre équation à sa disposition, l’équation d’Ehrlich, dite IPAT, qui nous donne une approche globale simplifiée.
I = PAT (P x A x T) montre que l’impact environnemental, noté I, est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services ou niveau de vie (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies utilisées pour la production des biens (T). Si on regarde la situation actuelle, on constate au niveau mondial que le taux annuel de la croissance de la population est de 1 % (x 1,01), le taux de croissance du PIB est en moyenne de 3 % (x 1,03) alors que l’amélioration de l’intensité énergétique des techniques très difficile à estimer.
On retrouve d’ailleurs l’équation précédent avec P pour POP, A pour PIB:POP et T avec (CO2 : TEP) x (TEP : PIB). Difficile de faire face à l’urgence écologique si on n’arrive pas à maîtriser les trois paramètres en même temps. Toute étude qui séparerait l’évolution démographique, la croissance économique et le niveau technologique ne peut que nous amener au désastre.
Notre avenir sera à la sobriété démographique autant qu’économique tout en utilisant des techniques douces à la nature et à l’homme (low tech ) et non plus dures (high tech), inadaptées à une monde de pénuries croissantes.
Critiquable ? Si la critique se résume à tourner en rond, comme un vieux disque rayé, si le débat se résume à un dialogue de sourds, à se renvoyer la baballe, alors autant laisser tomber. Et dire adieu à notre fameuse «intelligence collective».
La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), au détour d’une phrase, nous dit en effet qu’ «Agir sur les évolutions démographiques reste un sujet épineux.»
Ce n’est ni plus ni moins que la réalité. On peut dire aussi «délicat» et même «tabou» pour faire plaisir à certains. Ce qui fait que le débat est miné, pipé, ce qui fait qu’il ne peut y avoir que des faux-débats etc. Seulement la FRB évoque aussi, et juste après, un effet d’inertie.
Ce qui là encore reste incontestable, indéniable. Tout comme le ralentissement de cette fameuse «explosion», ou encore le vieillissement de certaines populations, qui malgré tout ce que disent les malthusiens reste un problème. ( à suivre )
Bref, est-ce que le fait soutenir ces arguments veut dire qu’on «minimise la variable démographique» ? Non. Si nous voulons réellement débattre évitons déjà d’interpréter les propos de nos adversaires. Surtout quand nous ne sommes pas certains de les avoir parfaitement compris.
– « La quantification de l’effet de la croissance de la population humaine sur l’érosion de la biodiversité, par rapport à d’autres facteurs de pression […] reste, quant à elle, un aspect peu abordé dans la littérature et constitue à ce titre un « front de science », une question appelant à des recherches inédites. » (FRB)
Ce qui, pour moi, veut dire que la pression (l’impact I) de P (population) sur la biodiversité reste une INCONNUE. Ce qui se traduit par I = X
– « bien malin celui qui pourrait dire (démontrer, prouver) qu’elle [l’augmentation de la population] compte pour X % du problème.» (MICHEL C 1 JANVIER 2023 À 20:13)
( à suivre )
I = X => X = PAT => avec ça nous voilà bien avancés !
J’ai déjà longuement commenté lPAT. Pas que moi bien sûr.
On parle maintenant et là aussi de «découplage». Pour celui entre l’économie (réduite au PIB) et l’énergie (réduite au CO2) on parle de «découplage relatif» et de «découplage absolu». Les Croissancistes aiment ou ont besoin d’y croire, à cet absolu. C’est leur problème.
Quant à celui-ci (découplage), l’impact ou la pression (le I) du Congolais, ou de l’Amish, est d’un tout autre ordre que celui du Qatari ou de l’Américain. Et pour moi ça reste indéniable. Et si un être humain (H) peut se réduire à un consommateur (C), voire à un nuisible (N) … pour moi il y aura toujours de sacrées différences entre ces 8 milliards de C et/ou de N. Ce qui fait que pour moi ce genre d’équations resteront toujours ridicules.
Ceci dit et vu sous un autre angle, celui d’un lion ou d’un éléphant, par exemples… alors bien sûr «la responsabilité première des humains» est là encore indéniable. On peut même la renvoyer à Dieu, si ça nous amuse. (La Cause Première ?) Tout le monde ou presque s’accorde à dire que cette 6ème extinction massive est la première à attribuer à l’Homme. Maintenant si on l’appelle «extinction de l’Holocène» on voit qu’elle a commencé il y a fort longtemps, avec la disparition des grands mammifères, mammouths etc. Et aujourd’hui ça accélère, ça aussi c’est indéniable.
Sauf que tout ça ne nous avance finalement à pas grand chose.
Que ça nous plaise ou non les humains sont là, et il nous faut bien faire avec.
En attendant, je ne crois pas une seconde que les mammouths se soient demandés combien pesait l’Homme sur leurs problèmes. Pareil pour nos actuels lions ou éléphants. Quant aux dinosaures, va savoir s’ils l’ont vu venir. 🙂