Démographie, un « non-sujet » politique ?

Voici un échange sur la question démographique qui a eu lieu réellement au sein d’un parti écologiste. Entre Sylvain et Michel, où se situe la vérité ?

Sylvain : La démographie n’est pas un tabou, c’est un non-sujet (donc à ne pas traiter politiquement). Il y a d’abord un problème d’éducation/émancipation des femmes.

Michel : Il est incontournable pour un parti écologiste de prendre position sur la démographie car le poids du nombre d’humains sur la planète est devenu excessif. D’ailleurs parler de libération de la femme, c’est déjà faire de la politique démographique. Les femmes n’ayant pas été scolarisées ont en moyenne 4,5 enfants, 3 après quelques années à l’école primaire, 1,9 avec une ou deux années de cycle secondaire. L’éducation permet aux filles d’explorer d’autres aspects de la vie que celui de la maternité.

Sylvain : Il y a ensuite un problème de répartition des richesses.

Michel : Aucun écologiste même malthusien ne peut dénier la question des inégalités, la sobriété doit être partagée. Il ne faut pas avoir une pensée binaire, blanc ou noir. Agir contre la surpopulation humaine est tout à fait complémentaire de l’action économique. Le problème c’est qu’autant la maîtrise de la fécondité est un objectif difficile à atteindre, autant le partage de richesses est un paradigme revendiqué depuis Karl Marx et jamais résolu. Le système croissanciste a même accru les inégalités mondiales au lieu de les réduire. Un parti écologiste se doit de proposer un revenu maximal autorisé.

Sylvain : En aucun cas EELV ne peut laisser entendre que le problème écologique viendrait des autres, que ce soit des pauvres, des étrangers ou je ne sais quel bouc-émissaire qui permettrait à un riche conservateur occidental qui refuse sa part de responsabilité de se croire exonéré de prendre part à l’effort collectif sous prétexte qu’il y aurait une autre solution, un autre problème, ailleurs.

Michel : Aucun écologiste digne de ce nom ne se réfugie derrière des boucs émissaires ; laissons ce type d’attitude à l’extrême droite (c’est la faute des immigrés) et à l’extrême gauche (c’est la faute des riches). Devant l’extrême gravité des menaces qu’entraînent à la fois la surconsommation et la surpopulation, nous devons modifier profondément notre mode de vie quand on est un privilégié (sachant qu’un OS en France est privilégié par rapport à un pauvre des pays pauvres). Et comme l’exprimait notre représentant René Dumont lors de la présidentielle 1974 : « Si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à ne York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. » Dumont à cette époque liait explicitement malthusianisme et lutte contre la pauvreté. A bientôt 10 milliards de personnes sur notre globe, c’est d’autant plus d’actualité. Un parti écologiste se devrait de dénoncer la politique nataliste du gouvernement français.

Sylvain : Il n’y a pas scientifiquement, de démonstration faite sur la surpopulation de manière absolue.

Michel : Si des gens meurent de faim au niveau mondial, c’est bien un des signes qu’il y a surpopulation. Si nous sommes perpétuellement dans des conflits armés, c’est bien un des signes qu’il y a surpopulation. Si on s’entasse dans des bidonvilles un peu partout sur la planète, c’est bien qu’il y a surpopulation. S’il y a réchauffement climatique, c’est bien parce qu’il y a trop de conducteurs d’automobiles. S’il y a baisse de la biodiversité, c’est bien parce que la surpopulation humaine prend les territoires des autres espèces. Etc.Bien entendu cela n’empêche pas que le niveau économique joue aussi son rôle, c’est bien montré par les interrelations de la formule IPAT (l’impact environnemental I est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services ou niveau de vie (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies T utilisées pour la production des biens) et l’équation de Kaya (CO2 = (CO2 : TEP) x (TEP : PIB) x (PIB : POP) x POP. Quant aux scientifiques, surtout les biologistes, ils nous avertissent depuis de nombreuses années qu’une explosion démographique dans un milieu confiné ne peut aboutir qu’au désastre. Pour l’humanité, la planète est devenu une boîte de Petri. Mais c’est vrai Sylvain, nos facultés d’adaptation sont telles que nous pouvons survivre (et non vivre) même dans le dénuement le plus absolu.

Sylvain : La surpopulation, c’est toujours un rapport relatif entre la population et la capacité de production.

Michel : Il est en effet nécessaire de relativiser le poids du nombre. C’est ce que faisait Malthus en 1798, montrant que dans des conditions naturelles la fécondité humaine suivait une progression géométrique (exponentielle) alors que les ressources alimentaires, à cause des rendements décroissants en agriculture, ne progressaient que de façon arithmétique (linéaire). Malthus peut donc être considéré comme un précurseur de l’écologie puisqu’il mettait en relation le nombre d’humains et les possibilités de production de son écosystème. Aujourd’hui il n’y a pas que la production alimentaire qui pose problème. C’est ce que montre l’analyse utilisée pour nourrir de chiffres le rapport de 1972 sur les limites de la croissance. Le raisonnement paraît imparable : « Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire. » Plus récemment le calcul de l’empreinte écologique a montré que notre activité humaine dépassait notablement les capacités de la planète et que nous sommes obligés de puiser dans le capital naturel au détriment des générations futures. En novembre 2017, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays proposaient un ensemble de 13 mesures pour faire face à l’urgence écologique dont celle-ci : « Déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital. » C’est une demande que devrait relayer publiquement des présidentiables écolos.

Sylvain : La faim dans la monde est toujours la conséquence de l’inégale répartition des richesse. Nous sommes, mondialement, en surproduction, nous gaspillons nos ressources et c’est bien notre mode de vie, à nous les occidentaux, qui en est responsable. Et qui doit changer.

Michel : Bien entendu on ne peut qu’être d’accord avec ces constats de Sylvain en enlevant le mot « toujours » puisque tout est relatif. Mais plus nous sommes nombreux, plus il est difficile de mettre en œuvre une égale répartition des richesses. Pour lutter contre les inégalités, les bonnes intentions qui se contentent de désigner l’objectif ne suffisent pas. Pour une sobriété partagée nous devrions baisser fortement notre niveau de vie. Un militant d’un mouvement écologiste se doit donc de montrer personnellement l’exemple de la sobriété. Que répondrait un parti écolo à cette proposition ?

Sylvain : La question de la démographie se posera peut-être un jour, aux générations futures, après que les autres leviers auront été actionnés. Si nous échouons à changer de civilisation. Mais nous, il nous appartient d’actionner les autres leviers (éducation, répartition des richesses, post-croissance).

Michel : je ne sais pas si Sylvain a conscience que sa phrase veut dire que c’est aux générations futures d’assumer les conséquences de notre imprévoyance puisque, selon lui, il ne faut traiter qu’une partie des problèmes. Après nous la fournaise ? Or nous écologistes nous œuvrons aussi pour le long terme, pour atténuer les conséquences funestes de la société thermo-industrielle. Il nous faut actionner tous les leviers, comportements individuels, actions associatives, politique électorale. Et ce dans tous les domaines. Si Sylvain ne veut pas agir sur le plan malthusien, libre à lui, mais qu’il ne dise pas qu’n parti écolo ne doit pas aborder la question démographique car ce serait un « non sujet », donc hors sujet.

Conseil de lecture : « Arrêtons de faire des gosses (comment la surpopulation nous mène à notre ruine) » de Michel Sourrouille aux éditions Kiwi (collection lanceurs d’alerte)

6 réflexions sur “Démographie, un « non-sujet » politique ?”

  1. Que fait donc Michel parmi les escrolos de EELV?
    Espère*-t-il changer ce parti gauchiste et bienpensant comme le dit M. Barthes de l’ intérieur ?
    Au fait , combien de militants aussi lucides que Michel sont présents dans ce parti ?

  2. Ce Sylvain est un gauchiste type : il ne fait qu’ aligner les pontifes habituels des escrologistes : négation de la surpopulation et l’ inégale répartition de la richesse produite , prechi precha habituel :
    La réplique de Michel est d’ un autre calibre et on peut le qualifier de vrai écologiste

    L’ explosion démographique est surtout le fait de l’ Afrique qui vient déverser son trop – plein en Europe :
    cessons donc de les vacciner en masse et des les aider à outrance sous prétexte de fumeux ravages produits par une colonisation antérieure et d’ aide au développement !😁
    Que la famine, les maladies, les guerres tribales régulent donc leur nombre : à eux de s’ en sortir et non à ces pseudo dirigeants qui nous « gouvernent » de céder à la compassion imbécile .
    Cessons aussi de nous « ingérer  » (copyright Kouchner) dans la gestion de leurs pays respectifs et de leur dicter notre code de conduite

    1. – « Cessons aussi de nous « ingérer » […] dans la gestion de leurs pays respectifs et de leur dicter notre code de conduite»
      C’est sur ce seul point que je pourrais être d’accord avec notre «cher» MARCEL. La fin de l’exploitation des hommes et des richesses de ces pays. Ce qui veut dire adieu l’uranium, la bauxite et l’or etc. Adieu le Capitalisme ! Mais je doute que ce soit ça que souhaitent ces drôles d’ «anti-capitalistes».

      – «Ils ont partagé le monde, plus rien ne m’étonne…
      Si tu me laisses la Tchétchénie Moi je te laisse l’Arménie. Si tu me laisses l’Afghanistan Moi je te laisse le Pakistan. Si tu m’aides à bombarder l’Irak Moi je t’arrange le Kurdistan.
      Ils ont partagé le monde, plus rien ne m’étonne… Si tu me laisses l’uranium Moi je te laisse l’aluminium. Si tu me laisse tes gisements Moi je t’aide à chasser les Talibans. Si tu me laisses extraire ton or Moi je t’aide à mettre le Général dehors. » (Tiken Jah Fakoly)

  3. Ce qui est extraordinaire dans les remarques de Sylvain qui semble se prétendre écologiste, c’est qu’il n’y a pas un mot sur la question du partage de l’espace avec les animaux, on parle de ressources, de nourrir les hommes, mais jamais de laisser vivre librement les autres habitants de la Terre. Cela ne semble même pas lui passer par l’esprit !

    Pourtant c’est le principal en terme de respect de la beauté du monde.
    A-t-il une idée du caractère complètement aberrant de nos effectifs , encore une mois au moins 1 000 à 2000 fois plus nombreux que ce que prévoit la nature pour un animal prédateur de notre taille ?

    Hélas, les écologistes sont dans la bienpensance du temps, absolument pas dans l’écologie à laquelle ils ne connaissent rien et dont à vrai dire, sur le fond, ils semblent bien se moquer pourvu que leurs pensées soit estampillées correctes.

    1. Bonjour Didier Barthès
      Vous voyez bien que dans cette petite partie de ping-pong, le pauvre Sylvain n’a pas eu l’occasion de parler des éléphants et des petits zoziaux, et de leurs problèmes qui sont aussi les nôtres. Alors, à moins de bien connaître Sylvain, sur ce point vous êtes comme moi, vous n’en savez rien. Dans ce cas vous ne pouvez pas dire que «cela ne semble même pas lui passer par l’esprit !»
      Attention donc aux interprétations rapides, elles sont trop souvent biaisées. D’autre part, sans pour autant nier l’existence des écotartuffes attention aussi avec ce concept de «vraie écologie» et de «vrais écologistes». Là encore, si on ne sait plus voir les limites c’est grave.

  4. Deux points de vues intéressants et argumentés, deux points de vues d’écologistes, un échange intéressant, mais jusqu’à un certain point seulement. Comme quoi il y a des limites à tout. J’aurais bien voulu savoir ce que Sylvain a répondu (ou aurait répondu) à Michel à la suite de cette interprétation en fin de partie.
    Mais peu importe. Ce que je vois là, c’est que de la même façon qu’il nous est impossible d’éviter la catastrophe climatique, de résoudre le problème du «surnombre», de mettre 13 oeufs dans une boîte de 12, de transformer un âne en cheval de course etc. etc. je vois très bien que même entre écologistes il y aura toujours des points de désaccords.

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