Partout en Occident, les opposants à la mondialisation représentent entre un tiers et la moitié des électeurs, et cela au moment même où la chute du commerce mondial se confirme dans les chiffres. Selon l’Organisation mondiale du commerce, les échanges internationaux devraient progresser moins vite que la croissance mondiale en 2016. Un ralentissement d’une ampleur jamais vue depuis plus de trente ans*. Le journaliste Philippe Escande en tire la conclusion que l’hostilité croissante à la mondialisation nous entraîne dans une spirale mortifère, la baisse des échanges internationaux pénalisant la croissance mondiale (et donc l’emploi), et ainsi de suite.
Il est vrai que la démondialisation est notre destin, la concurrence internationale s’est accompagnée de délocalisation, de surproduction, de chômage et de déséquilibres socio-écologiques. Par réaction on recherche de plus en plus les moyens d’un protectionnisme, la souveraineté alimentaire, la relocalisation, les communautés de résilience, etc. Mais cela va s’accompagner obligatoirement d’une montée des violences. Dans une étude publiée mercredi 28 septembre par la revue Nature, une équipe espagnole considère que la violence létale humaine plonge ses racines dans la théorie de l’évolution : sur les 1 024 espèces de mammifères étudiées, 40 % étripent joyeusement les leurs**. En fait cette étude n’explique pas les causes de la mortalité provoquée, elle ne fait que constater. Les causes de notre agressivité ne sont pas issues de notre patrimoine génétique, elle sont en rapport étroit avec notre perception de l’espace vital : plus une espèce est sociale et déterritorialisée, plus la violence létale s’y exprime. Une organisation tribale génère de la violence à travers le repli identitaire qu’elle créé. Réciproquement la mondialisation commerciale et le sentiment d’abondance qui en résulte avait desserré un temps la contrainte spatiale ; les États ont eu moins de problèmes pour gérer le niveau de violence dans leur pays. On note un déclin de la violence depuis la révolution industrielle (si on excepte les guerres mondiales liées d’ailleurs à une conception de l’espace vital, cf. le lebensraum allemand).
Quel est donc avenir pour l’agression intraspécifique ? On vit sans doute de façon plus paisible dans une ville américaine actuelle que dans l’ancien Far West, mais cela est en train de changer ; Donald Trump ou Marine le Pen se font l’écho du malaise socio-économique entraîné par la mondialisation. Les isolats identitaires se multiplient partout dans le monde et le repli nationaliste est même porté par une droite « décomplexée ». Cela nous amènera à coup sûr vers une remontée des violences, y compris interétatiques. Cette situation catastrophique est sans doute le prix à payer pour aller vers des sociétés relocalisées qui se retrouveront dans l’avenir plus en harmonie avec leur propre écosystème. Comme l’exprime une figure médiatique de l’écologie politique, Yves Cochet, la tâche des politiques sera bientôt de minimiser le nombre de morts…
* LE MONDE économie du 29 septembre 2016, Un monde de plus en plus étroit
** LE MONDE du 30 septembre 2016, Les racines de la violence humaine plongent dans l’arbre de l’évolution