Thèse :« Le problème, c’est qu’il y a deux courants très opposés dans la famille écolo. Le courant qui voit dans l’écologie une sorte de perfection comme les communistes. Et un courant qui est celui de l’ajustement permanent. »
Commentaire de biosphere : D’accord pour l’opposition entre deux courants, le manichéisme simplifie la pensée, mais il faut préciser davantage pour éviter la caricature. D’un côté ce n’est pas l’écologie bisounours (une forme de messianisme utopique) et de l’autre l’écologie pragmatique (l’ajustement permanent comme on l’aime). C’est beaucoup plus compliqué que ça. D’un côté il y a l’écologie de rupture avec la société thermo-industrielle, et ça c’est très dur car toutes nos structures productives et de consommation sont faites pour promouvoir la société croissanciste. Il faut donc résister avec des efforts conséquents dans son comportement individuel (simplicité volontaire) et prendre des décisions politiques drastiques (taxe carbone, reconversion des secteurs polluants, abandon de l’automobile et de l’avion…). Nos adversaires anti-écolos parlent à ce propos d’écologie « punitive » alors qu’il s’agit d’une position réaliste, combattre le réchauffement climatique et éviter l’épuisement trop rapide des ressources fossiles. De l’autre il y a une écologie superficielle faisant croire qu’il peut y avoir un développement durable, une croissance verte, des moteurs propres, des avions de ligne qui vont voler avec des énergies renouvelables, des villes intelligentes (smart city), et l’abondance pour tous. C’est une vision idéalisée de l’avenir faisant croire qu’on peut continuer à vivre comme on le fait aujourd’hui quand on appartient à la classe globale (celle qui possède une voiture individuelle), il suffirait de s’inscrire sur un site de « compensation carbone » quand on prend l’avion pour être lavé de tous ses péchés.
Si vous avez bien compris ce message, il faut inverser les conceptions habituelles. L’écologie superficielle est en fait une vision idyllique complètement fausse car elle oublie sciemment les contraintes biophysiques en faisant une confiance aveugle aux progrès techniques qui ont pourtant amplement démontré qu’ils accroissent nos dysfonctionnements socio-économiques plutôt que les résoudre. Par contre l’écologie de rupture est réaliste, elle nous projette dans le long terme et demande des changements structurels qui se feront en termes de pertes d’emplois d’un côté et création de l’autre : nous aurons dans l’avenir beaucoup d’artisans et de paysans et beaucoup moins d’ingénieurs et d’industrie agro-alimentaire. En termes politiques, cette distinction de fond est occultée par une opposition factice aux congrès des Verts. D’un côté un courant minoritaire qui représente historiquement cette écologie radicale que la biosphère appelle de ses vœux et qui s’était concrétisée dans des motions d’orientation (Avenir Ecolo, Objectif Terre, Pôle écologique…). De l’autre un courant qui s’était acoquiné au parti socialiste depuis 1997 pour avoir des places d’élus (la firme, disait-on) et qui ne pouvait que soutenir une écologie superficielle. Le compromis était plutôt une compromission. Cette période néfaste semble dépassée ; l’idée écologique selon laquelle il nous faut changer radicalement vu les perturbations diverses progresse dans l’opinion publique grâce aux révélations des médias, d’où des scores aux élections qui décollent sur la seule force de l’étiquette « écolo ».
C’est pourquoi l’analyse de Nicolas Hulot selon laquelle il faut rassembler les militants de tous bords avec la méthode « qui aime l’écologie nous suive » paraît essentielle. L’unité globale est conservée au-delà de la nécessaire diversité, un milieu résilient repose sur la biodiversité. Bien entendu dans le détail il y a et il y aura beaucoup de différences de conception entre les politiques à mettre en œuvre. Un seul exemple, les confrontations sur les lignes aérienne de courte distance. Faut-il conserver ces vols, les réduire, les supprimer ? Peut-on faire confiance aux carburants « alternatifs », un peu, beaucoup, abondamment, pas du tout ? Qu’est-ce qui compte le plus, l’emploi, l’attractivité d’une ville ou le réchauffement climatique ? Toutes les nuances du Vert vont s’exprimer, même au sein du parti vert. Sur cette question aérienne, leur tête de file Yannick Jadot ne sait plus à quelle écologie se fier… De son coté l’écologie de rupture tranche, un jour ou l’autre il n’y aura plus d’avions dans les airs par absence de kérosène, autant s’y préparer le plus rapidement possible.
C’est vrai que c’est compliqué. Cette opposition entre «écologie de rupture» et «écologie superficielle» est parfaitement fondée, seulement elle a ses limites. Bien qu’elle soit la seule qui vaille, la seule qui tienne compte des limites physiques etc. l’écologie de rupture reste d’une certaine façon irréaliste. Elle reste une utopie, au sens premier et noble du terme. La voir ainsi peut-être assimilé à ce fameux pragmatisme, dont on crève, j’essaie seulement d’être réaliste. En tous cas à la différence de l’autre, l’écologie de rupture montre clairement la Voie.
Une autre écologie pourrait, peut-être… se situer entre les deux. Celle-là pourrait, peut-être, avoir encore une chance de rassembler. Seulement celle-là devra (devrait) être déjà clairement en RUPTURE. Celle-là pourra (pourrait) encore s’accommoder du Système comme de l’écologie superficielle, mais cette fois clairement, honnêtement, et seulement dans une certaine limite. En tous cas elle devra s’appliquer à tordre le cou à toutes ces fausses idées portées la sacro-sainte Transition, les ENR etc. et bien sûr par le Système (capitalisme). Autant dire que là non plus ce n’est pas gagné.