Lors de leur
création au début des années 1970, les sciences économiques et
sociales (SES) était un nouveauté incontestable : elle
refusait la segmentation propre à l’université (sociologie d’un
côté, psychologie de l’autre, histoire, économie…) pour aborder
une analyse transversale de la société. Cependant les SES souffrent
de deux défauts structurels. Le premier était de séparer trop
ostensiblement enseignement économique et sociologique, ce qui
recrée une spécialisation interne dommageable à l’apprentissage
d’une perspective globale par les lycéens. Le deuxième consiste à
ne considérer textuellement que l’économique et le social,
oubliant l’importance de l’écologie dans un monde dont on a
outrepassé les limites. Rêvons à une profonde mutation des SES qui
appliquerait les propos de Bertrand de Jouvenel.
Il
préconisait lors d’une conférence* en 1957 « le passage
nécessaire de l’économie politique à l’écologie politique » .
Il précisait : « l’instruction économique devrait toujours
être précédée d’une introduction écologique ». Pour lui,
notre espèce est en co-évolution avec les autres espèces dans une
situation de dépendance forcée à l’égard de notre environnement
naturel : « Aussi bien qu’un organisme inférieur, la plus
orgueilleuse société est un parasite de son milieu : c’est
seulement un parasite intelligent et qui varie ses procédés. »
En tant que membre de la Commission des comptes de la Nation,
Bertrand de Jouvenel appartenait à la corporation des économistes
de sorte que la critique de la science économique qu’il amorçait ne
procèdait pas d’un point de vue extérieur mais bien plutôt
interne. En 1968 dans « Arcadie, essai sur le mieux vivre »,
Bertrand de Jouvenel reprenait cette idée d’écologie politique :
« Une autre manière de penser, c’est de transformer
l’économie politique en écologie politique ; je veux dire
que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être
reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature.
Ceci est nécessaire puisque nous ne pouvons plus considérer
l’activité humaine comme une chétive agitation à la surface de
la terre incapable d’affecter notre demeure. Le terme
d’infrastructure est à présent populaire, il est bon d’avoir
conscience que nos opérations dépendent d’une infrastructure de
moyens de communication, transport, et distribution d’énergie.
Mais cette infrastructure construite de main d’homme est elle-même
superstructure relativement à l’infrastructure par nous trouvée,
celle des ressources et circuits de la Nature. » En d’autres
termes, on ne peut pas être un bon économiste si on n’est pas
d’abord un écologiste bien informé. Or les sujets du bac SES
cette année sont très loin de cette perspective et donne de
l’économie une image hors sol.
Le sujet de raisonnement de
l’épreuve composée fait l’impasse sur les dysfonctionnements
flagrants de la mondialisation : « À l’aide de vos
connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que les
firmes multinationales cherchent à améliorer leur compétitivité
par des stratégies de localisation ». Les sujets de spécialité
« Economie approfondie » sont de la même manière formulés
pour éliminer toute analyse critique. Sujet A : Comment
peut-on expliquer le processus de globalisation financière ? ;
Sujet B : Montrez par quelle stratégies les entreprises
peuvent exercer un pouvoir de marché. Les « sciences » »
économiques et sociales continuent de promouvoir l’idéologie
libérale : marché et financiarisation, mondialisation et
compétitivité, aucun recul sur un système sans avenir puisque la
planète est dévastée.
Rappelons qu’après le premier choc
pétrolier de 1973, le bac SES insistait sur les limites de la
croissance : « On découvre seulement aujourd’hui que la
prospérité de l’Occident était en partie fondée sur l’énergie
à bon marché et sur la croyance aveugle que cette situation
pourrait durer indéfiniment. Après avoir apprécié les
conséquences de la « crise du pétrole » sur la
croissance de ces économies, vous montrerez que le problème de
l’énergie et des matières premières est de nature à transformer
les rapports existants entre les économies développées
occidentales et les pays « en voie de développement (Toulouse
1974) ». Nous sommes en 2019, nous n’avons écouté aucune
des analyses qui nous incitait à modifier notre mode de vie.
Pourtant la collapsologie est devenue une expression à la mode…
*
texte paru dans le Bulletin du SEDEIS du 1er mars 1957 sous le titre
« De l’économie politique à l’écologie politique »
5 réflexions sur “échec flagrant au bac Sciences économiques”
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Dans le prolongement de ce que nous disions hier au sujet de l’avion, nous pouvons dire également que nous assistons à l’échec flagrant de la raison. Autrement dit, le Grand N’importe Quoi. On peut également parler de nihilisme, cet état de déconfiture où on ne croit plus en rien, ou alors en n’importe quoi, ce qui revient au même.
Le mot « économie » vient du grec ancien oïkonomia (gestion de la maison). Pas besoin de super lunettes pour voir que les mots « économie » et « écologie » ont la même racine. Oui mais voilà, à qui ça parle ça ? Je veux dire, qui aujourd’hui trouve un intérêt aux lettres, au grec ancien, au latin, à la philo etc. bref aux Humanités ? (nous en avons parlé de ça aussi). Tout ça est aujourd’hui jugé pas rentable, obsolète, inutile, ringard ! Misère misère ! Résultat, c’est l’échec de la raison.
D’un côté nous avons donc la gestion, l’administration (nomos) et de l’autre la connaissance, le savoir (logos). Je ne vois pas comment nous pourrions gérer correctement quelque chose que nous ne maîtriserions pas, ou alors si peu (l’intelligence par exemple 😉
Or ici il s’agit de la gestion de « la maison », l’environnement au sens large, aussi large que complexe, l’environnement (la nature, la biosphère) dont nous connaissons quand même quelques fonctionnements et quelques lois. Déjà, comment pourrions-nous gérer, ou piloter correctement… si nous ne respectons pas ces lois… la gravité par exemple ? Bref, il n’est pas bien difficile de comprendre que l’écologie prime sur l’économie. Et pourtant …
Si économie signifiait réellement administration / gestion raisonnable de la maison terre , alors la maison terre se porterait mieux : elle ne serait point trop peuplée d’ humains , la misère ne serait pas de ce monde et tous vivraient décemment , la violence serait réduite à sa plus petite expression , les forêts seraient en bonne santé et occuperaient une grande place ainsi que l’ extraordinaire faune qui l’ occupe .
Helas , la cupidité , l’ avidité , le désir d’ expansion infinie du plaisir comme l’ appelle Bga80
sont passés par là et rien n’ arrêtera le bipède devenu sinistre dans cette cours sauf une branlée massive donnée par qui vous savez mais elle risque d’ être terrible .
L’expansion de plaisir, c’est beaucoup plus que nommer ce phénomène, car il est réel et surtout c’est un constat. Michel C ne veut pas l’entendre car il part du principe que seul l’intellect gouverne les comportements, et qu’il s’agit juste de prendre connaissance d’un problème, savoir et comprendre pour prendre des bonnes décisions. Or c’est faux, absolument faux, en effet ce sont surtout les émotions qui vont guider les comportements des individus, y compris et surtout même pour leurs actes d’achat ! Et leur consommation ! Et qui dit émotion dit plaisir ! Les émotions te donnent une sensation de bien-être qui fait que tu as du mal à décrocher. Les émotions l’emportent sur la raison ! Et les marchands, les commerces, les agents immobiliers, les entreprises, les lobbys, les multinationales, les publicitaires, les marketeurs, eux contrairement à Michel C le savent très bien que l’expansion de plaisir est réel ! Ils en ont même fait une école comportementaliste pour optimiser le commerce et que l’on appelle force de vente, tous les mécanismes pour faire céder les individus par les émotions afin qu’ils effectuent des actes d’achat sont étudiés. En résumé, il s’agit d’exploiter les faiblesses psychiques humaines pour les faire contraindre à procéder à des actes d’achat, bien au-delà de leurs besoins réels et en obtenant tout l’assentiment des individus, puisque ce sont eux qui finalement prennent la décision d’acheter.
Mon cher BGA, vous n’avez toujours rien compris à ce que je raconte. Ou alors vous l’interprétez à votre sauce, autrement dit comme ça vous arrange. Et dans ce cas vous devez certainement avoir vos raisons. Quoi qu’il en soit, quel est ici le rapport avec le bac SES ?
Le plus important dans l’article n’est pas mentionné, mais Jean Marc Jancovici a bien exposé la situation, notamment en reprenant le point de départ qui a causé tous nos ravages d’aujourd’hui. En effet, celui a tronqué la vision réelle de l’économie c’est Jean-Baptiste Say qui a véhiculé l’idée que les ressources naturelles étaient illimitées et en a conclus qu’il fallait prendre en considération que le Capital et la main d’œuvre, bref il a écarté les ressources naturelles dans le fonctionnement de l’économie qui n’ont que le rôle de ressources gratuites et illimitées.
En outre, les énergies fossiles sont ramassées gratuitement, en elles-mêmes elles sont gratuites, n’est pas pris en considération son critère calorifique dans son prix, seul le coût d’extraction est répercuté dessus.
Voilà, on a fait le tour. Mais oui, les cours d’économie et Sociale sont bidon et colportent l’idée de ressources naturelles illimitées.