Nous sommes entrés dans le temps du délai… insuffisant ! Prenons un exemple, les insecticides. La suspension pour deux ans par Bruxelles de trois insecticides néonicotinoïdes impliqués dans le déclin des pollinisateurs peut être interprétée comme une cuisante défaite. Tardive et pusillanime, la décision de la Commission apparaît en effet comme le symptôme d’une formidable faillite des systèmes d’évaluation des risques. Les pesticides aujourd’hui sur la sellette auraient dû être retirés du marché voilà de nombreuses années*. La politique ignore les limites temporelles du risque environnemental. Que ce soit avec l’accumulation durable des insecticides dans le sol ou l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère, nous pouvons franchir des seuils de basculement entraînant des ruptures systémiques irréversibles. Pour les éviter, il faudrait agir fortement et durablement. Or les mécanismes complexes de la décision « démocratique » dans nos sociétés (où la finance domine les rapports de force) empêche de réagir dans les délais alors que le compte à rebours a commencé dans de nombreux domaines : pollutions, épuisement des ressources, perte de biodiversité, réchauffement climatique, etc.
Il est vrai, poursuit l’article de Stéphane Foucart*, que certaines « expertises » ont entretenu le pouvoir politique dans une ignorance « socialement construite ». Ainsi le rapport rendu en 2008 par la défunte Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) reprenant dans des conditions d’intégrité discutables la vulgate des agrochimistes : les troubles des abeilles étant « multifactoriels », les nouveaux produits phytosanitaires n’y joueraient aucun rôle déterminant. Il y a fabrique du doute par les affidés du pouvoir financier. Confirmation par un autre article récent sur la disparition des abeilles : « Près d’un tiers des colonies d’abeilles aux Etats-Unis ont été décimées au cours de l’hiver 2012-2013, sans qu’une raison particulière ait pu être dégagée, selon une étude publiée mardi 7 mai… Selon les autorités américaines, plusieurs raisons participent ces dernières années de la surmortalité des abeilles sans qu’aucune soit prévalente, comme « les parasites, les maladies, les facteurs génétiques, une mauvaise nutrition et l’exposition aux pesticides ». »**
Il faut d’urgence arrêter avec le doute et « les facteurs multiples », place au principe de précaution. Pour protéger les pollinisateurs, interdisons les pesticides et l’agriculture industrielle. Sinon le pire, c’est que bientôt IL SERA TROP TARD. Il est déjà trop tard. Porca miseria !
* LE MONDE du 5-6 mai 2013, Gaucho, Cruiser, Poncho… des insecticides retirés dix ans trop tard
** Lemonde.fr avec AFP | 07.05.2013, Près d’un tiers des colonies d’abeilles ont péri cet hiver aux Etats-Unis
@ biometrie.
Le « principe de precaution » n’est en rien une application neutre d’un risque calcule analytiquement. Le « principe de precaution » est une philosophie politique qui met Cassandre en charge de la prospective.
@coq au vin
>II) « place au principe de précaution »
>Ce soit-disant principe est la deuxieme pire annerie de la societe contemporaine
Je réagis sur ce point très précis : dans ce cas, pour vous, est-ce que le risque alpha du rejet à tort de l’hypothèse nulle lors d’un test statistique est une ânerie ? Si oui, je serais heureux que vous en fournissiez la démonstration mathématique…
« Elle ne peut pas planer dans la pureté éthéré d’un monde parallèle idéal ou idéel qui n’existe pas. ».
Si je ne le pensais pas egalement, nous ne serions pas la a arguer sur ce blog.
@coq au vin
Je ne rejette aucunement la science en bloc. J’ai par contre une très forte animosité envers le système économico-politique en vigueur sur la planète. Et je dis simplement que la « science » n’est pas « ailleurs », « hors sol ». Elle ne peut pas planer dans la pureté éthéré d’un monde parallèle idéal ou idéel qui n’existe pas. Que vous le vouliez ou non la recherche scientifique est aussi une activité politique et ses acteurs ont une responsabilité politique.
Philipulus, vous dites
« vous bossez donc pour un labo qui effectue des études de toxicologie. Puis-je vous demander le statut de ce labo »
Tres certainement. (Precision, je ne bosse pas « pour ce labo », je le dirige). Mon laboratoire est un labo universitaire US. Nous nous interessons entres autres aux effets endocrines des polluants moleculaires sur les mammiferes, finances pour ce travail par des fonds publics. Puis-je a mon tour vous demander en quoi ca change quoi que ce soit a ce que j’ecris? Je ne cite pas les resultats de mon labo et je ne l’utilise pas pour pretendre a une expertise que je ne possede pas sur le Cruiser, Je n’essaye pas « d’epater la galerie ». Je cite ma qualite de scientifique pratiquant pour rappeler -relisez-moi mieux- que le doute fait partie structurellement de la recherche, et en particulier les « facteurs multiples » dans les domaines complexes Je ne fais que preciser ce que la science est et ce qu’elle n’est pas. Un peu d’epistemologie de base ne fera pas de mal a ce blog et a la communaute de ses lecteurs, meme ceux qui sont passes par les classes prepas francaises.
« Naïveté ou foutage de gueule ? »
J’eviterai de repondre sur le meme ton que celui que vous utilisez. Les scientifiques ne sont pas impermeables a l’erreur et a l’ideologie, mais en comparaison de la politique, et en particulier des blogs politiques invoquant la science quand elle confirme leurs opinions et la critiquant dans les autres cas, la magnitude de ce risque dans la recherche est, je pense, de la roupie de sansonnet.
« Faut-il faire ici la liste de tous les scientifiques qui ont cautionné les pires saloperies […] »
Les erreurs des uns ne condamnent pas les autres. Allez-vous par exemple rejeter les conclusions des scientifiques sur le rechauffement a cause du ‘climategate’ a l’University of East Anglia et aux emails de Jones & Briffa ? Si vous rejetez la science en bloc, c’est votre choix, mais ne faites pas passer ce choix comme rationnel et construit sur des evidences objectives.
Biosphere » Un exemple de fabrication du doute par un des affidés du pouvoir financier : »
Bon. Vous ne savez rien de cet intervenant (non Alain, ce n’est pas moi). Vous lui collez une etiquette a priori pour le/la disqualifer.
En l’occurence, l’intervenant « un apicultueur » dans le debat du Monde que vous citez, est dans l’erreur en impliquuant que l’EFSA ‘reconnait’ un role du cruiser dans la disparition des abeilles: « Overall, on the basis of the available analysis of the results of the multi-year field studies, a low long-term risk to honey bee colonies cannot be concluded, and further analysis of the results is required for a definitive conclusion to be reached. » (EFSA Journal 2013;11(1):3067)
L’EFSA dit que les resultats ne confirment pas l’hypothese que le thiamethoxame est implique dans la disparition des abeilles. l’EFSA ne dit pas non plus que cette hypothese est fausse, mais qu’elle n’est pas prouvee *scientifiquement*. C’est ca la science: si vous en acceptez la nature dans le cas du rechaufement, acceptez-la aussi dans les autres cas. Ici , le « doute » est une partie integrante du resultat pour le moment. Ca changera d’une maniere ou d’une autre. A mon avis le thiamethoxame est implique, mais pour le moment, la science ne le dit pas.
Je cite particulier section 3.4 (meme reference) : »Targeted monitoring data for thiamethoxam (product « Cruiser‟) from 2008 to 2010 in different regions of France were presented during the meeting. […] Overall, there were no treatment-related bee losses over the 3-year monitoring period. It is acknowledged that this type of trial is difficult to conduct, nevertheless the FR expert believed that the results are useful to indicate no treatment-related effects on bee hives. »
@ coq au vin
Si je comprend bien vous bossez donc pour un labo qui effectue des études de toxicologie. Puis-je vous demander le statut de ce labo ?
Par ailleurs, il me semble que comme beaucoup trop de vos collègues vous considérez la « science » comme étant une activité hors d’atteinte des perversions de ce monde. Naïveté ou foutage de gueule ?
Faut-il faire ici la liste de tous les scientifiques qui ont cautionné les pires saloperies en commençant (puisque nous parlons de toxicologie) par un certain sir Richard Doll ? A votre disposition.
Coq au vin, un élément de + à charge:
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/04/16/guadeloupe-monstre-chimique_3160656_3244.html
(ils attendent toujours leur 2 M€, prix du désastre!).
Alain, je ne suis pas cette personne et je ne poste pas sur ce blog que vous mentionnez. J’ai beaucoup de livres a lire vous savez.
« […] mais vos réponses sont à classer dans les conversations de bistro. »
Je lève mon verre et offre une tournée à votre santé.
La recherche en toxicologie, je ne la commente pas, je la fais.
à coq au vin,
vous semblez avoir un haut niveau scolaire, mais vos réponses sont à classer dans les conversations de bistro.
Avez vous lu le livre que je vous avais recommandé?
Une nouvelle de + : http://www.reporterre.net/spip.php?article4183
nb: vous me faites penser à un dénommé « fritz » sur climat-évolution, que je qualifierais de troll.
Bonne fin de journée.
Je clarifie, sans l’ironie. Mon labo travaille entre autre sur les pesticides et les polluants moleculaires, nous en etudions et caracterisons les dangers. Mais ni moi ni aucun de mes collegues ne dira jamais que leurs action est simple. Elle est complexe. On ne peut pas comprendre et decider sans reconnaitre « le doute et les facteurs multiples » , parceque sinon ca n’est plus de la science, c’est de l’ agitprop.
Coq au vin, il y a doute et doute !
Un exemple de fabrication du doute par un des affidés du pouvoir financier :
Pierre ppqt : Il faut savoir que le cruiser (thiamethoxame) a une rémanence d’environ 3/4 semaine lors du début de cycle du maïs (et non pas durant toute sa vie comme écrit dans l’article) ce qui la protège de la plupart des attaques de ravageurs souterrain. Bien avant donc, que les abeilles ne viennent butiner son pollen 2 mois plus tard!
Un apiculteur : Monsieur PPQT, qui êtes vous pour dire que ces produits ne sont pas rémanents dans le sol ! Même l’EFSA qui n’avait rien vu pendant des années, le reconnaît maintenant. Quel est votre intérêt à nier encore ? J’en reste perplexe.
Claude Langlot : Le thiamethoxame se dégrade plutôt lentement à la surface du sol (demi-vie = 79 à 97 j). Dans les sols aérobies, il est persistant avec un TD50 variant de 101 à 353 jours (moyenne 227 j). Bref, il perdure largement assez longtemps pour agir à très faible dose sur les abeilles comme perturbateur endocrinien.
(débat sur lemonde.fr)
I) « Il faut d’urgence arrêter avec le doute et « les facteurs multiples » »
C’est sur! Il faut arreter avec ces maudites questions que se posent ces maudits scientifiques ! La vie et la nature sont si simples, pourquoi toujours tout compliquer? Repetons-le: il y a d’un cote les gentils, et de l’autre les mechants. D’un cote les innocents, de l’autre les coupables. D’un cote les valeureux opposants a la societe industrielle, de l’autre les sans-ames vendus au pouvoir. Cela creve les yeux, et ceux qui ne voient pas cette evidence sont complices. Non en fait, pas complices, ils sont coupables. Au bucher!
II) « place au principe de précaution »
Ce soit-disant principe est la deuxieme pire annerie de la societe contemporaine (la premiere etant la blague de la « science citoyenne »).
III) « Or les mécanismes complexes de la décision « démocratique » dans nos sociétés »
…Ah… que de temps perdu a demander leurs avis aux gens. Ca vous embete, hein? Alors qu’il est si evident que vous savez dire le bien du mal et que vous seriez si a meme de faire le bonheur de la planete
Lucidité :
Oui je crois qu’il est trop tard. C’est peut-être triste (certainement) c’est peut-être démobilisant (probablement) mais c’est vrai. Nous allons à l’échec. Echec ne veut pas dire que les problèmes n’auront pas de solution, le passage du temps finit par tout régler. L’échec veut dire que nous subirons les solutions au lieu d’y avoir participé et de les avoir anticipées. Cela veut dire que la remise à plat des équilibres écologiques se fera dans la souffrance pour la nature comme pour les hommes, qu’elle prendra un temps au-delà du délai habituel de réflexion et d’action pour nos civilisations humaines. Il faudra des millions d’années à la nature pour recréer un équivalent du tigre. L’humanité est face à un impensable, voilà pourquoi elle le refuse et pourquoi si souvent les points de vue des écologistes refusent d’aborder les vrais problèmes en se réfugiant dans le mensonge et l’oxymore du développement durable.
Il est déjà trop tard
Dennis Meadows a co-écrit The Limits to Growth, livre paru en 1972. Il s’exprime ainsi aujourd’hui :
« Je suis inquiet. Il y a quarante ans, il était encore théoriquement possible de ralentir le cours des choses et de parvenir à un équilibre. Cela ne l’est plus. Ce qui nous attend est une période de déclin incontrôlé. L’expression « développement durable » est utilisée par les gens pour justifier ce qu’ils allaient faire de toute façon, ne rien changer au fond. Nous ne cessons de filtrer, de biaiser et de sélectionner l’information qui vient à nous. Nous ne voulons pas savoir ce qui se passe réellement, nous voulons seulement la confirmation de ce que nous sommes déjà. On préfère changer la justification de notre paradigme plus que le paradigme lui-même. Dans les années 1970, les critiques de notre livre affirmaient : « Il n’y a pas de limites. Tous ceux qui pensent qu’il y a des limites ne comprennent tout simplement rien. » Dans les années 1980, il devint clair que les limites existaient, ils ont alors dit : « D’accord, il y a des limites, mais elles sont très loin. Nous n’avons pas à nous en soucier. » Dans les années 1990, il est apparu qu’elles n’étaient pas si éloignées que ça. Les partisans de la croissance ont alors clamé : « Les limites sont peut-être proches, mais nous n’avons pas d’inquiétudes à avoir puisque les marchés et la technologie résoudront les problèmes. » Dans les années 2000, il devint évident que marché et technologies ne résoudraient pas la question des limites. Le raisonnement a changé une fois de plus : « Il faut continuer la croissance, parce que c’est ce qui nous donnera les ressources dont nous avons besoin pour faire face aux problèmes. »
On observe des signes d’affaiblissement de la rationalité. Il est tellement plus facile de changer notre raison que de changer notre comportement. Les sans-limites ont donc continué à changer les raisons pour ne pas changer de comportement. Or en 1972, nous avions atteint environ 85 % de la soutenabilité planétaire. Aujourd’hui, nous avons atteint 150 %, dépassé la soutenabilité, nous devons nécessairement décroître. Si nous traversons cette période de déclin sans connaissance et sans préparation, je crains le dépérissement de beaucoup de nos valeurs fondamentales… »
In Penser la décroissance (politiques de l’Anthropocène) sous la direction d’Agnès Sinaï (presses de la fondation nationale des sciences politiques, 2013)