Plus une société est complexe, plus elle est fragile. « Durant les 10 000 dernières années, la résolution des problèmes a produit une complexité croissante dans les sociétés humaines », remarque Joseph Tainter, un archéologue auteur de l’ouvrage L’Effondrement des Sociétés Complexes. Pour continuer de croître, chaque problème rencontré signifie plus de complexité pour le résoudre. Car la croissance économique induit une population plus nombreuse, une division du travail exacerbée, des ressources naturelles en voie de raréfaction, plus d’informations à traiter – et moins de retour sur l’argent dépensé ! En mettant en oeuvre de nouvelles solutions complexes nous allons buter sur le problème des rendements décroissants – juste au moment ou nous allons être à court d’énergie bon marché et abondante. Au bout du compte, on atteint un point où toutes les énergies et les ressources à la disposition d’une société sont nécessaires uniquement pour maintenir son niveau actuel de complexité. Puis, quand le climat change ou qu’arrive la fin du pétrole, les institutions proches du point de rupture s’effondrent et l’ordre civil avec elles. Ce qui émerge ensuite c’est une société moins complexe, organisée sur une plus petite échelle.
M. Tainter a-t-il raison ? Quand la complexité augmente, les sociétés doivent ajouter de plus en plus de niveaux de gestion, mais dans une hiérarchie, un individu doit tenter de conserver une vue d’ensemble, et cela commence à devenir impossible. À ce moment-là, les hiérarchies cèdent leur place à des réseaux dans lesquels la prise de décision est distribuée. Nous en sommes à ce point : notre efficacité réside dans notre prise de décision très distribuée. Cela rend les sociétés occidentales modernes plus résistantes que celles dans lesquelles la prise de décision est centralisée, comme dans l’ancienne Union soviétique. L’accroissement de la connectivité est une aide : si un village souffre d’une mauvaise récolte, il peut se procurer de la nourriture auprès d’un autre village. Cependant, avec l’augmentation des connexions les systèmes en réseau deviennent de plus en plus fortement couplés : ils commencent à transmettre les chocs plutôt que de les absorber. Certains produits sont fabriqués par une seule usine dans le monde entier. Financièrement, c’est logique, car la production de masse maximise la rentabilité. Malheureusement, elle minimise aussi la résilience. Une crise financière, une attaque terroriste ou une épidémie provoquent presque instantanément des effets déstabilisateurs d’un bout à l’autre du monde. L’interdépendance mondialisée actuelle implique qu’une défaillance survenant n’importe où implique de plus en plus une défaillance partout. Cela signifie que la civilisation thermo-industrielle est très vulnérable.
Existe-t-il une alternative ? Même une société revigorée par de nouvelles sources d’énergie bon marché finira par faire face au problème des rendements décroissants, une fois de plus. Pourrions-nous commencer à redescendre prudemment l’échelle de la complexité ? M. Tainter ne connaît qu’un seul exemple de civilisation qui ait réussi à décliner sans tomber. « Après que l’empire byzantin ait perdu face aux arabes la plupart de ses territoires, il a simplifié l’ensemble de sa société. La plupart des villes disparurent, la lecture et l’aptitude au calcul ont diminué, leur économie est devenue moins monétisée, et ils sont passés d’une armée de professionnels à une milice de paysans. » Réussir sera plus difficile pour une société plus complexifiée comme la notre. Néanmoins, nous devons encourager la production décentralisée et distribuée de produits essentiels comme l’énergie et de la nourriture.
Les enjeux sont élevés. Historiquement, l’effondrement a toujours conduit à une baisse de population. « Aujourd’hui, les niveaux de population dépendent des carburants fossiles et de l’agriculture industrielle », observe M.Tainter. « Enlevez-les du tableau et il y aurait une réduction de la population mondiale qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser. » Si les civilisations industrialisées faillissent, les masses urbaines – qui représentent la moitié de la population mondiale – seront les plus vulnérables. Les gens qui ont le moins à perdre sont ceux qui pratiquent une agriculture de subsistance, et pour ceux qui survivront, les conditions pourraient finalement s’améliorer. Les humbles hériteront peut-être vraiment de la Terre.
Synthèse résumée d’après la publication originale New Scientist via Richard Dawkins, traduction Contre Info
Comme les civilisations précédentes, il sera impossible d’échapper à l’effondrement, ce que semble d’ailleurs indiquer le récent ultime rapport du Club de Rome (je dis ultime parce qu’ils n’auront peut-être pas les moyens ni le temps d’en produire un autre).
Les questions importantes qu’on peut maintenant se poser, si on admet qu’on sera incapables de changer de cap, sont QUAND et à QUELLE VITESSE.
L’URSS s’est effondrée rapidement mais l’URSS n’était pas une civilisation, juste un empire. L’espace occupé par cet empire est utilisé maintenant par les mêmes personnes qui font partie de la même civilisation. Selon Dmitry Orlov il n’est d’ailleurs pas dit que d’autres empires (US, Europe) aient la même résilience.
Ce qui s’est passé, et ce qui risque de nous arriver ressemblera plus probablement à un effondrement catabolique tel que décrit par l’archidruide John Michael Greer (quelques textes en français sur ce sujet http://imago.hautetfort.com/archidruide.html)
Cet effondrement catabolique est déjà à l’oeuvre, et selon JMG il pourrait prendre plusieurs siècles et suivre le chemin inverse qui nous mènera à nouveau à une situation pré-industrielle.
Bien sûr, si on décide de se battre à coup de bombes atomiques pour les dernières ressources, la descente risque d’être plus rapide et plus définitive…