Ehrlich, Borlaug, démographie et semences

La famine endémique, voilà ce que Paul Ehrlich commença à redouter dès 1966, après s’être retrouvé coincé avec sa femme et sa fille dans une rue surpeuplée de Delhli. Leur taxi semblait irrémédiablement paralysé au milieu d’une océan d’êtres humains.

Lorsque Anne et Paul comparent la spirale ascendante des chiffres de la population humaine avec les données des rendement agricoles, ils conclurent que la famine tuerait des centaines de millions de gens durant les années à moins, écrivirent-ils dans le prologue de leur livre La Bombe P, que n’apparaissent des solutions spectaculaires susceptibles d’augmenter le production agricole et d’élargir, en quelques sortes, la capacité porteuse de la Terre. Au moment même de la parution de leur livre en 1968, les hybrides miraculeux de Norman Borlaug commençaient à produire leurs premières récoltes en Inde et au Pakistan. Les famines que les Ehrlich avaient prévu pour les années 1970 furent évitées. « Mais les solutions agricoles, pouvait-on lire ensuite dans leur prologue, ne constituaient qu’un sursis si elles ne sont pas accompagnée de programmes volontaristes pour maîtriser le chiffre de la population. »

Borlaug lui-même, initiateur de la révolution verte, était du même avis. Il lançait cet avertissement lors de son discours de réception du prix Nobel :

« Nous sommes face à deux forces contraires, le pouvoir scientifique de la production alimentaire et le pouvoir biologique de la reproduction humaine. L’homme a fait des progrès fantastiques, depuis quelques temps, pour ce qui est de maîtriser potentiellement ces deux puissance opposées. La science, l’esprit d’innovation, la technologie lui ont livré des matériaux et des méthodes qui permettent d’augmenter de façon substantielle et parfois spectaculaires, les réserves alimentaires. L’homme a acquis les moyens de réduire avec efficacité et humanisme le rythme de la reproduction humaine. Il utilise ses pouvoirs pour augmenter le rythme et l’ampleur de la production alimentaire. Mais il n’exploite pas encore de façon adéquate son potentiel pour limiter la reproduction humaine… Il n’y aura pas de progrès durable, dans la guerre contre la faim, tant que les gens qui luttent pour augmenter la production alimentaire et ceux qui luttent pour contrôler la fécondité humaine n’auront pas uni leurs forces. »

Durant toute la fin de sa vie, alors qu’il continuait ses recherches pour nourrir les millions de bouches que son travail avait ajoutées au recensement global, Borlaug siégea aux comités de réduction et diverses organisations consacrées à la gestion de la population. « Au cours des cinquante prochaines années, nous devrons produire autant de nourriture qu’il en a été consommé durant toute l’histoire de l’humanité. » C’est ce qu’affirme le directeur du progrès mondial pour le maïs et le blé (CIMMYT)Hans-Joachim Brau depuis l’ancien bureau de Borlaug. Or les spécialistes des rendements s’attendent aujourd’hui à ce que les récoltes de céréales chutent de 10 % pour chaque degré Celsius d’augmentation des températures moyennes. L’essentiel de l’alimentation reposant en outre sur quelques monocultures cruciales, la planète pourrait n’être qu’à une maladie près d’une catastrophe susceptible d’ébranler notre civilisation, jusque que dans ses fondations. Le risque qu’une épidémie plus létale que le SrasCov2 ravage nos populations est bien moins élevé que celui de voir des pathogènes soufflé aux 4 coins du monde faire s’effondrer la production alimentaire.

Distinguer l’alimentation de la population, c’est comme prétendre que la surface d’un rectangle dépend davantage de sa longueur que de sa largeur. Autrement dit, alimentation et population sont les deux faces d’une même pièce. Ce n’est pas soit une chose, soit l’autre – la production agricole ou les chiffres de la population. Et leur impact total, c’est la multiplication de l’un par l’autre.

17 réflexions sur “Ehrlich, Borlaug, démographie et semences”

  1. L’urgence d’une décroissance démographique est tout aussi importante que l’urgence climatique ! La terre peut raisonnablement nourrir 4 milliards d’êtres humains, selon les données de consommation fournies fin juillet 2022 …or nous sommes déjà 8 milliards.
    L’éducation massive des populations surtout des pays subsahariens, d’Amérique latine et d’Asie, à la contraception est une nécessité « vitale » pour la planète « terre ». Des interdits religieux et coutumiers devront être levés pour y arriver et ce sera pénible, difficile et dangereux face aux fanatismes religieux ! Un gros effort d’éducation citoyenne en phase avec les progrès scientifiques est indispensable

  2. Tout le monde (malthusiens inclus) s’accorde pour dire qu’on ne peut pas continuer comme ça. De ce côté-là on peut dire qu’il y a … consensus.
    Pourquoi alors ne pas en profiter, pour avancer ?
    Combien sont-ils à dire que nous devrions dépenser notre énergie à nous préparer à vivre à 10 milliards, et en prime avec les +1,5° ?
    Faut-il plutôt souhaiter une méga catastrophe… pour sauver la Planète…
    Si ce n’est les malthusiens du ridicule ?

    Modération de ce blog
    Nos articles recherchent la synthèse, ici entre le niveau de population (Ehrlich) et le potentiel agricole (Borlaug). Cela semble d’ailleurs irréfutable, on ne peut manger que ce que nous procure la terre, et moins il y a de bouches à nourrir, plus c’est facile, même si l’innovation agro-technique peut temporairement aider à l’équilibre. Or deux commentateurs, Michel C et Bga, se lancer dans des controverses inutiles et des digressions constantes.
    La modération de ce blog est bénévole, elle se fait a posteriori, nous rappelons qu’un commentateur ne peut poster qu’un seul commentaire en principal et 3 seulement en commentaire de commentaire. Ne vous étonnez pas de voir votre prose aller à la corbeille.… et raccourcir le temps de parole permet normalement d’aller à l’essentiel !

  3. -« Distinguer l’alimentation de la population, c’est comme prétendre que la surface d’un rectangle dépend davantage de sa longueur que de sa largeur. Autrement dit, alimentation et population sont les deux faces d’une même pièce. Ce n’est pas soit une chose, soit l’autre – la production agricole ou les chiffres de la population. Et leur impact total, c’est la multiplication de l’un par l’autre.» (Biosphère)

    Ce qui rejoint ce que j’ai écrit À 10:34 sur l’absurdité de tels raisonnements. C’est comme prétendre que I=PAT. Comme si d’autres facteurs ne rentraient pas en jeu.
    Comme si ce fameux « impact total » ne dépendait en rien du mode de consommation.
    En l’occurrence ici de ce que les uns et les autres ont besoin et «besoin» pour se remplir le ventre, de ce qu’ils jettent à la poubelle etc. Comme si une tomate ou un poulet produit à des milliers de kilomètres était plus nutritif que la tomate ou le poulet local, etc. etc.

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    1. Descriptif détaillé « Combien de personnes peuvent manger sur un champ d’un hectare ? »
      Ce visuel présente le nombre de personnes pouvant être alimentées par un champ :
      En 1960, un champ d’un hectare pouvait nourrir deux personnes. Il y avait 3 milliards d’habitants sur Terre, soit 0,43 hectare par habitant.
      En 2006, ce même champ pouvait nourrir quatre personnes. Il y avait 6 milliards d’habitants sur Terre, soit 0,25 hectare par habitant.
      En 2050, ce même champ devra nourrir six personnes. Nous serons 9 milliards d’habitants sur Terre, soit 0,16 hectare par habitant.

    2. A noter qu’entre temps on a amélioré la densité de production par hectare, mais ce n’est pas illimité, on ne peut pas entasser de plus en plus de légumes et de céréales indéfiniment sur une même surface. D’autant que, cette densité de production a été rendue possible par l’usage du pétrole et des phosphates en voie de déplétion. Mais aussi les pesticides qui ont permis de réduire les pertes de production, mais sont nocifs pour l’organisme humain, autrement dit baisse de la qualité des aliments, pouvant provoquer des problèmes de santé en plus de ceux provoqués par les pesticides !
      Dans tous les cas, il y aura des baisses de production dans l’avenir ! (sécheresses, déplétions d’énergies fossiles et phosphates, et peut être la baisse d’usage de pesticides)

      1. – « Les systèmes alimentaires ont le potentiel pour nourrir 10 milliards d’humains à l’horizon 2050 et soutenir la durabilité de l’environnement. Mais nos trajectoires actuelles menacent ces deux facteurs. 37 experts, issus de 17 pays ont établi un rapport, publié le 16 janvier dans la revue médicale The lancet et la Fondation EAT, qui parvient pour la première fois à mesurer scientifiquement ce à quoi doit s’apparenter un régime alimentaire planétaire idéal en faveur de la santé et de l’environnement. Le rapport préconise de doubler notre consommation d’aliments sains tels que les fruits, les légumes, les légumineuses et les noix, et de réduire de moitié la consommation d’aliments moins sains tels que les sucres ajoutés et la viande rouge, tout en évitant les aliments transformés. »
        ( Combien de personnes la Terre peut-elle nourrir ? 19 janvier 2019 -jdbn.fr )

    3. Justement ça tombe bien, les criquets ça se mange. 🙂 🙂 🙂

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  4. Néanmoins, si la lutte contre le gaspillage reste tout de même urgente et indispensable, elle ne sera pas suffisante pour répondre à l’augmentation de la population mondiale, parce qu’en parallèle les rendements de production alimentaire vont chuter ! D’ailleurs on le perçoit très bien pour les poissons, la surpêche tue définitivement les bans de poissons ! Comme par exemple le Rif au Maroc, les marocains ne parviennent pas à remplacer les bans de poisson qui ont été décimés, il n’y a pas d’autres poissons qui se réinstallent ! Et les industries mettant les poissons en conserve ont fermé définitivement ! Mais le Maroc n’est pas un cas unique, car ça se passe partout sur le globe, les pêcheurs doivent pêcher de plus en plus loin et de plus en plus profond !
    En l’occurrence quoi qu’en disent les démographes optimistes, on n’échappera pas à des famines de plus en plus souvent et des famines de plus en plus intenses !

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  5. OR si les français se décidaient de ne plus acheter de voiture, de smartphone, de télé, de camion, de bateau et d’avion, est ce que supprimer ces produits manufacturiers de nos vies permettront de 1 à 3 milliards d’africains supplémentaires d’obtenir de la nourriture, de l’eau, des logements, et éventuellement un peu de chauffage la nuit et la cuisson ? Comme on peut le constater c’est sur les biens essentiels et indispensables que la surpopulation pose problème.
    A noter que la production alimentaire est déjà trop intensive ! Il est déjà prévisible que les sécheresses vont réduire les productions agricoles à venir. Mais l’épuisement des ressources fossiles, de l’humus et des phosphates aussi vont réduire davantage la production alimentaire à venir.

  6. – « Nous sommes face à deux forces contraires, le pouvoir scientifique de la production alimentaire et le pouvoir biologique de la reproduction humaine. [etc.] » (Borlaug)

    Borlaug croyait donc que la guerre contre la faim ne peut se gagner que par l’union de ces deux forces, l’une poussant vers le TOUJOURS PLUS et l’autre vers le TOUJOURS MOINS.

    Comme si cette guerre contre la faim ne dépendait que de ça ! Comme si l’agriculture se limitait à ne produire que de la nourriture et des produits de première nécessité !
    Je l’ai toujours dit, la Croissance (économique) nous condamne (con damne) à être toujours trop nombreux. ( à suivre )

    1. En fait Norman Borlaug était, lui aussi, prisonnier de l’idéologie du Système.
      Productivisme bien sûr, toujours plus etc. Confiance dans le Capitalisme, et bien sûr dans les «lois» de son économie. Foi en la Science, avec quelque réserves bien sûr.

      Borlaug était donc un agronome, comme les Bourguignon, Dufumier et Compagnie.
      Borlaug est considéré comme le «père» de la Révolution verte (engrais chimiques etc. en vue d’augmenter les rendements). Notons que son prix Nobel n’était que celui de la paix. Comme les Carter, Obama, Al Gore et Compagnie .

  7. Réduire l’alimentation d’une population à seulement 2 facteurs, qui seraient S (Surface agricole utile) et N (Nombre de bouches à nourrir) est aussi absurde que réduire le salaire d’un travailleur à F (force de travail) et N (nombre d’heures de travail).
    F dépendant de S (sexe) et de A (âge). Absurde, bien sûr.
    Pour faire simple, en évitant le simplet, on peut dire que l’alimentation d’une population dépend d’abord des BESOINS (la demande) ET de ce qu’on peut appeler… l’OFFRE. ( à suivre)

    1. Les BESOINS c’est d’abord une certaine quantité de calories, de protéines etc. qui dépend du sexe, de l’âge, du type d’activité etc. Se nourrir, sainement bien sûr, n’est qu’un des premiers besoins vitaux. Seulement on sait que la fameuse Demande dépend elle-même d’un tas de facteurs dont la plupart dépassent la seule raison. C’est ainsi que certains ont «besoin» de 10 ou 100 voire 1000 fois plus que d’autres. Certes pas pour ce qui est de se remplir le ventre, toutefois regardons la réalité en face, le nombre d’obèses par exemple.

      L’OFFRE c’est d’abord la nourriture, saine et de qualité bien sûr, que cette population (ou famille) a dans le Frigo (pour ceux qui ont la chance d’en avoir).
      Eh oui, on peut très bien avoir des entrepôts, des rayons de supermarchés et des poubelles qui débordent, et des crèves la faim à côté. Eh oui, tout le monde n’a pas les moyens de se payer ce premier besoin vital. ( à suivre )

    2. Alors bien sûr, pour qu’il puisse y avoir de la nourriture dans les poubelles et les frigos, il faut d’abord qu’il y en ait dans les entrepôts. Bien sûr, elle ne tombe pas du ciel, il faut bien la produire (la récolter, la pécher etc.) Toutefois regardons la réalité en face, en nous débarrassant de nos préjugés. Notamment :
      – Déjà la quantité de gaspillage et de pertes.
      – Les surfaces agricoles consacrées à produire autre chose que de la nourriture (coton par exemple)
      – Les surfaces agricoles toujours plus bétonnées (sans aucun rapport avec N)
      – Les rendements de l’agriculture bio (permaculture et autres)
      – La et les politique(s) en matière d’agriculture, de commerce et de business.

      Et finalement, même en tournant le problème dans tous les sens… on voit bien que si N (le Nombre) est un facteur à ne pas négliger, il n’est pas pour autant Le Problème.

  8. Les gouvernements UmPs d’Europe restent dans le déni pour plusieurs raisons =
    1/ Pour eux plus de population permettrait d’obtenir un plus grand marché pour écouler nos stocks. Or paradoxalement, concernant nos produits manufacturiers nos usines continuent de délocaliser. Puis pour nos produits agricoles, nos productions sont compromises par les hausses de températures et sécheresses, la perte de fertilité des sols par la monoculture, et les déplétions d’énergies fossiles. Je ne vois pas quels écoulements des stocks on va pouvoir bénéficier à terme ? (en sachant que c’est déjà déficitaires pour nos produits manufacturiers)
    2/ Refourguer la patate brûlante pour le prochain gouvernement qui l’alternera. Pour s’agripper au pouvoir, il ne faut surtout pas aborder les sujets qui fâchent, leurs carrières priment sur l’intérêt général.

    1. 3/ Ne pas parler de surpopulation pour acheter la paix sociale sous prétexte de vouloir préserver la stabilité du pays ! Hormis que nos gouvernements n’éteignent pas véritablement l’incendie, ils le reportent dans le temps, à part que ça revient tôt ou tard comme un élastique en pleine figure, et l’incendie se manifeste à nouveau en étant encore plus dangereux que précédemment.
      4/ Les idéologues croissantistes font croire que des problèmes plus grands liés à une plus grande population ne sont pas si graves que ça, car nous serions en parallèle plus nombreux pour les résoudre ! Hormis qu’ils ne prennent pas en compte les besoins de ressources naturelles, notamment les déplétions, pour résoudre ces dits problèmes !

    2. Pour les points de 1/ à 4/ évidemment, les journalistes ont pour ordre de relayer ces propagandes mensongères, en affirmant qu’une plus grande population est une chance pour obtenir un plus grand marché, qu’on sera plus nombreux pour résoudre les problèmes, qu’il y a plus de vies (sans préciser précaires, oups !), que plus de population c’est plus de travailleurs et on se doit de déduire que plus de travailleurs c’est plus de richesse pour tous ! (Or ça fait belles lurettes que les robots ont remplacé énormément de travailleurs pour produire). En outre, les journalistes ne préciseront pas que plus de population c’est puiser plus rapidement dans les stocks de ressources naturelles et que c’est confisquer plus d’espaces à la vie sauvage.

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