Fabrice Flipo, l’écologisme comme nouvel universel

L’écologisme cherche à fonder un nouvel universel, il est donc conduit à déconstruire la « modernité occidentale » actuelle. Cette objection écologiste est d’ordre empirique : l’accumulation et la croissance ne peuvent pas être universalisés car nous vivons dans un monde fini. Par conséquent, au-delà d’un certain point difficile à déterminer, ce que les uns consomment pour leur autonomie ou leur liberté empêche la liberté et l’autonomie des autres. Il y a violence, impossible de soutenir la croissance infinie et de rester humaniste ! Les droits de la Nature sont un élément nécessaire des droits de l’Homme.

Pour les libéraux, la technologie est la clé du dépassement des difficultés. Mais dans les faits ce mécanisme se grippe, accidents nucléaires, science qui ne trouve pas, finance qui se dérègle, fausse solution des biocarburants, etc. Le libéralisme peut alors facilement virer au technofascisme, car ce système repose sur la dépendance et la hiérarchie. Pour les marxistes, le sens de l’histoire est le même que celui des libéraux : attachement aux forces productives, tout simplement parce que le mouvement ouvrier en dépend étroitement. En pratique la lutte entre le capital et le travail reste encore largement structurée comme l’opposition apparente du marché (le privé) et de l’organisation (le socialisé). Or une telle opposition ne peut pas s’emparer de la question centrale des besoins, elle désigne les gains de productivité comme le but à atteindre.

L’écologisme fait de la nature la source d’une régénération sociale. Il réhabilite le rôle de la vertu, au sens d’une rationalité permettant de générer l’autorégulation de la société civile sans faire appel ni à l’économie, ni aux Eglises. Cette idéologie doit se répandre partout, dans le milieu syndical comme patronal. C’est pourquoi les écologistes ne cherchent pas à prendre le pouvoir : c’est une structure mentale qu’ils doivent mettre en mouvement, qui n’a pas de centre. Si l’écologisme n’est pas majoritaire aujourd’hui, c’est en partie parce que nos sociétés ne sont pas encore réellement aux prises avec des problèmes écologiques massifs.

Résumé de la conclusion du livre de Fabrice Flipo, Nature et politique, Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation

(Editions Amsterdam 2014, 442 pages, 21 euros)