Fessenheim, démantèlement d’un plan de reconversion

Fessenheim nous rappelle de lointains souvenirs. La première manifestation d’envergure contre le nucléaire civil en France, une marche sur Fessenheim, a eu lieu en 1971. Nous étions solidaire des objectifs du CSFR (Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin), à savoir : opposition par tous les moyens légaux à la construction ou au fonctionnement de la centrale nucléaire de Fessenheim ; création d’un courant populaire en faveur de la sauvegarde de la santé publique pour la non implantation de centrales nucléaire dans la plaine du Rhin. Mais le mouvement antinucléaire ne prendra son essor qu’en 1974, après le choix gouvernemental de construction en série des centrales. Aujourd’hui c’est la fin programmé de ce réacteur nucléaire. Emmanuel Macron dans son programme de présidentiable promettait : « Nous réduirons notre dépendance à l’énergie nucléaire, avec l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire à l’horizon 2025. Nous prendrons nos décisions stratégiques une fois que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) aura rendu ses conclusions, attendues pour 2018, sur la prolongation des centrales au-delà de 40 ans. La fermeture de la centrale de Fessenheim sera confirmée. »

En conséquence Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat à la transition écologique, présentait le 4 octobre un plan de reconversion économique du territoire*. L’enjeu économique ? Reconvertir 850 agents EDF et 300 salariés des sous-traitants travaillant sur le site. Le gouvernement s’engage à débloquer 10 millions d’euros et une prime de 15 000 euros par emploi créé. Pour supprimer des emplois dans la fonction publique, l’État prend moins de précautions. L’épicier de Tchernobyl a fermé boutique du jour au lendemain, celui de Fessenheim mettra la clé sous la porte tôt ou tard. Tous les paysans chassés de leur terre par l’industrialisation de l’agriculture ont été obligés de se reconvertir par leurs propres moyens, tous les métiers rendus obsolètes par la mécanisation ont nourri la longue liste des chômeurs.

Fessenheim, 2000 habitants, 13 millions d’euros de rentrée fiscale grâce à la Centrale. Le maire ne devaitt pas avoir de souci pour boucler son budget. Ce sera plus compliqué après la fermeture. La maire de ce bourg défendait donc « sa » centrale, comme le boucher du coin ou le syndicaliste CGT allié déclaré d’EDF. Les individus ne voient pas plus loin que le pas de leur porte. Ils tiennent le discours de leurs habitudes, ils ont intériorisé les avantages présents de la centrale, pas du tout l’inéluctable fin de leur gagne-pain. Pourtant rien ne garantit que le gouvernement mettra de l’argent public lors des prochaines fermetures de centrales. De toute façon la problématique de l’emploi occulte le principal problème, le coût du démantèlement. Nous nous trouvons devant la responsabilité à long terme d’une entreprise EDF dont les sources de revenus, le nucléaire, est voué à disparaître à moyen terme. Fessenheim dans cinquante ans ? Une friche industrielle dont les déchets radioactifs seront à la charge des générations futures. Que sera la démocratie dans 50 ans ? La gestion et le démantèlement d’une centrale nucléaire exige une société politiquement stable et financièrement solvable sur le long terme, et là aussi nous n’avons aucune garantie.

* LE MONDE du 5 octobre 2018, Fermeture de la centrale de Fessenheim : le gouvernement présente son plan de reconversion