Immigration, l’écologie politique est-elle humaniste 

Une certaine gauche, plus ou moins écologique, prône l’ouverture sans frontières. Exemple, les rubriques exposées récemment par deux mouvements concordants :

Livre en préparation du mouvement Utopia, « Migrations (propositions) » : Abroger le délit de solidarité ; Sécuriser les parcours migratoires ; Refuser l’externalisation de nos frontières ; Garantir la liberté d’installation ; Instaurer une citoyenneté universelle de résidence : Accorder le droit de travailler à toute personne arrivant en France ; Abolir toute rétention administrative ; Réviser la position de la France en donnant la primauté à l’accueil sur l’ingérence…

Motion de la commission Immigration « en contribution au projet EELV pour l’élection européenne » (présentée au Conseil fédéral fin septembre 2018) : L’Europe ne doit pas être une forteresse, mais au contraire tendre vers l’ouverture des frontières ; La mise en place d’un titre de séjour européenne « résident.e étranger.e » doit permettre la libre circulation et libre installation de personnes étrangères au sein de l’UE ; Sortir de la logique sécuritaire qui régit actuellement les politique migratoires ; La Méditerranée n’est pas destinée à être un cimetière pour les personnes abandonnées au naufrage ; L’aide au développement doit viser à réduire les inégalités, et non à empêcher les migrations…

Bien entendu toutes ces propositions sont un idéal à atteindre, l’utopie se rêve avant d’être réalisé. Mais une écologie mise en acte tient compte des limites, doit gérer le long terme et ne pas s’appuyer sur de faux raisonnements. Prenons point par point l’exposé des motifs de la commission Immigration :

EELV : « Notre position découle d’une vision spécifique à l’écologie politique, celle d’un monde qui forme un tout par-delà le quadrillage national, et dont les parties se doivent d’être solidaires du fait d’un destin inévitablement partagé. »

Biosphere : Bien entendu la biosphère est un espace interdépendant, l’écologie scientifique considère que les parties et le tout sont indissociables au niveau biophysique. Mais les espèces qui constituent le Vivant ont un comportement migratoire qui est propre à leur espèce. Il y a des espèces qui migrent très loin, d’autres qui se contentent d’un territoire très réduit. Le trait commun, c’est l’adaptation à une niche écologique qui permet à chaque espèce de subsister durablement. La spécificité des migrations humaines, c’est qu’elles ont progressivement envahies le territoire de toutes les autres espèces, réduisant leur espace vital dans des proportions le plus souvent insupportables conduisant à l’extinction massive des espèces. Ces migrations ont même entraîné la disparition des autres hominidés, pensons aux Néandertaliens ou à la volonté d’éradication de peuples autochtones. Homo sapiens a historiquement résolu ses problèmes de surpopulation et d’approvisionnements défaillants pas l’invasion du territoire des autres. Or aujourd’hui notre espèce vit sur une planète close et saturée d’humains au point où on a même dépassé la capacité de régénération globale de la planète (cf. l’empreinte écologique). Dans ce contexte, la tendance que doit prôner l’écologie politique, c’est d’arriver à la concordance entre une population humaine et sa biorégion, son propre écosystème, son Lebensraum (espace vital). Actuellement la définition la plus institutionnalisée de cette obligation de vivre de ses propres ressources est le cadre national ou ethnique (une culture homogène). Échapper à ce cadre, c’est promouvoir des luttes interethniques, conflits souvent meurtriers qui se multiplient actuellement sur toute la surface du globe. Bien entendu l’écologie n’est pas nationaliste en soi, elle dit au contraire que le plus adapté à la durabilité est la constitution de communautés de résilience sur un territoire restreint, alliant l’autonomie alimentaire et énergétique à la décentralisation du pouvoir. L’écologie est pour une relocalisation, pas pour la libre circulation des hommes et des marchandises, idéologie à la base d’un libéralisme économique dévastateur.

EELV : « L’ambition de l’écologie politique est de faire humanité dans un monde commun. »

Biosphere : les mots sont trompeurs, « humanité » est mis à toutes les sauces, entre humanisme et humanitaire. Notons d’ailleurs qu’il s’agit de mettre l’anthropocentrisme au premier plan, ce que critique une écologie digne de son nom. Un « monde commun » est d’une complexité de définition encore plus effrayante : avec qui partager ce monde et quels sont ses contours ? Tant que l’espèce humaine n’aura pas acquis le sens des limites, à commencer par l’adaptation de son niveau de population aux capacités de charge de son milieu, définir un « monde commun » se révélera impossible. L’histoire humaine est une longue litanie de conflits de territoires, d’invasions, de colonialismes, d’impérialisme… Se dire « citoyen du monde » est bien sûr une option pour revendiquer son pacifisme, pas pour justifier les migrations humaines.

EELV : « Le droit à la mobilité de chaque individu est l’horizon vers lequel tendre. »

Biosphere : Prenons la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui définit nos droits : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Le philosophe Etienne Balibar a souligné le caractère ambigu de ce texte, il manque l’obligation pour tout État d’accepter l’entrée des étrangers ! Balibar estimait à juste titre qu’il existe « un point où la liberté non contrôlée se détruit elle-même ». Le droit à la mobilité est un facteur prépondérant de la dégradation de la biosphère et des relations humaines. Richard Heinberg lie conscience écologique et limitation des migrations : « L’opposition à l’immigration incontrôlée est souvent assimilée à tort à la xénophobie anti-immigrés. Mais dans une perspective écologique, l’immigration n’est pratiquement jamais souhaitable. Lorsqu’elle se fait massivement, elle ne fait que mondialiser le problème de surpopulation. De plus, ce n’est que lorsque les groupes humains se sont enracinés dans une zone particulière, au fil de plusieurs générations, qu’ils développent un sens des limites en termes de ressources. » Or la mobilité humaine est sans précédent. En 2012, nous cumulions déjà 214 millions de migrants internationaux et près de 1 milliard en comptant les migrations internes. Cela s’accompagne nécessairement de perception anxiogène et d’image négative des migrants, de manifestation de xénophobie et d’attitudes discriminatoires. Une attitude politique d’ouverture des frontière sans aucun filtre ne peut que nourrir la percée électorale de l’extrême droite et des partis nationalistes.

EELV : « Droits humains et droits de la nature sont indissociables. »

Biosphere : Notons que le discours d’EELV sur les migrations ne parle jamais de toutes les analyses écologiques que nous venons de faire. Dire que « Droits humains et droits de la nature sont indissociables » n’est donc qu’un discours auto-justificatif sans aucune réalité. Cette soi-disant « écologie politique » est hors sol, même pas utopique, complètement absurde. EELV devrait prendre exemple sur l’association suisse Ecopop (Ecologie et Population) qui s’occupe depuis 1970 de l’impact de la démographie sur la nature et les ressources naturelles. EELV devrait nuancer ses propos sur  les phénomènes d’émigrations et soutenir fortement les mouvements de relocalisation humaine.

2 réflexions sur “Immigration, l’écologie politique est-elle humaniste ”

  1. Le dilemme est énorme, du moins pour celui à qui la morale parle encore. Entre sauver son petit confort de petit-bourgeois occidental, son cadre de vie, son air pur et les petits oiseaux, et sauver ce qui lui reste d’humanité… en effet ce n’est pas facile.

  2. Le doute n’ est plus permis , EELV est bien un élément de la chaîne toxique du grand remplacement de nos populations par des gens du 1/3 monde .
    Sacré biosphère , excellente réfutation identitaire et malthusienne des slogans absurdes de ce parti en voie de décomposition mais bien inutile car tenter de raisonner ces gens (les dirigeants en tous cas ) relève de la mission impossible : leurs cerveaux sont contaminés par le virus gauchiste qui provoque une maladie mentale incurable !
    En quoi l’ existence d’ un vrai parti nationaliste est -elle un danger pour un pays dans la mesure où le nationalisme favoriserait ses propres natifs (droit du sang) et encouragerait la coopération avec les pays voisins ou autres ?

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