deux écologies, l’une superficielle, l’autre raisonnable !

Les journalistes du MONDE sont adeptes de la première écologie. Il faut aller plus loin, l’écologie est une approche transversale qui s’occupe à la fois du moment présent, des générations futures et des non-humains. L’élargissement dans le temps et dans l’espace de l’analyse journalistique est donc nécessaire. Par exemple :

1/2) le grand Tétras

Prenons Martine Valo sur le grand tétras. Son article oppose deux points de vue contradictoires : « Le grand tétras sème la discorde entre défenseurs de la nature et hérauts des énergies renouvelables. Au nom de la protection de ce gallinacé emblématique du massif des Vosges des associations s’opposent à un projet d’éoliennes : « Si on commence à installer des éoliennes ici, il risque d’y en avoir partout dans les Vosges ». Le maire Henri Stoll, principal promoteur des éoliennes et candidat aux primaires EELV pour l’élection présidentielle de 2012 : « Dans cette forêt, on fait de la monoculture d’épicéas, ça manque de bruyère pour que le tétras se nourrisse. Voilà le problème ». Chacun se renvoie les avis d’experts qui l’arrangent. »*

D’un côté il y a la nature, la tranquillité des chemins pédestres et les harmonieuses collines sans éoliennes. De l’autre il y a la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique et de préparer la civilisation de l’après-pétrole. Si on veut défendre le premier point de vue, il faut d’abord et surtout agir contre les centrales nucléaires, leurs déchets et leurs pylônes qui dénaturent la nature, contre les autoroutes et les lignes à grande vitesse qui fragmentent les paysages, contre la civilisation thermo-industrielle et sa pollution de l’air, des eaux et des sols. S’ils en arrivent à penser ainsi, les tenants de l’écologie superficielle se rendent compte qu’il faut des moulins à vent pour moudre le blé et nourrir une population nombreuse… à moins de vouloir retourner aux fléaux de nos lointains ancêtres. Ce qui veut dire qu’il est nécessaire de débattre des techniques plus ou moins douces, du niveau de notre (sur)population, de l’échelle de nos besoins en énergie, de la place à donner aux tétras et aux chauves-souris, etc. Les réponses ne sont jamais évidentes, mais halte aux oppositions stériles entre « écolos ».

* LE MONDE du 30 août 2013, Au col du Bonhomme, éoliennes contre grand tétras

2/2) les électrohypersensibles

Audrey Garric présente la même posture que Martine Valo, façon Janus: « Les ondes émises par les antennes-relais, téléphones portables et autres réseaux Wi-Fi ont-elles un impact sur la santé ? Si cette question controversée génère une littérature scientifique foisonnante, elle n’a toujours pas été tranchée, laissant les personnes électrohypersensibles (EHS) démunies. Une réduction de l’exposition aux ondes sous le seuil de 0,6 volt par mètre (contre 41 à 61 V/m actuellement) est défendue par les associations comme un « seuil de protection » sanitaire. Mais ce plafond est critiqué par les opérateurs de téléphonie mobile, qui s’appuient sur l’Agence nationale de sécurité sanitaire : l’agence Anses estimait en 2009 que les ondes n’entraînaient pas d’effets sanitaires et jugeait infondée la valeur limite de 0,6 V/m. Or depuis, en 2011, l’Organisation mondiale de la santé a classé les ondes électromagnétiques comme potentiellement cancérigènes. Une étude française sur de jeunes rats a conclu à une perturbation du sommeil, de la régulation thermique et de la prise alimentaire entraînée par les radiofréquences. Chez l’homme, ce lien de causalité n’a jamais été établi. Il y a deux consultations médicales spécialisées en France. Dominique Belpomme : « A l’aide de tests, nous avons découvert que tous les EHS présentent un manque d’oxygène dans le cerveau. » Laurent Chevallier : « On pourrait observer la même chose chez d’autres patients non-EHS. »**

D’un côté il y a les tenants du progrès technique qui, même si on leur démontre que les ondes électromagnétiques sont néfastes, voudront poursuivre la course en avant : le risque doit être assumé, le principe de précaution est nul, etc. De l’autre il y a les diverses victimes du progrès technique, les EHS mais aussi les addicts aux écrans, les problèmes du tout électrique, ceux qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies, les exploités qui nous procurent les terres rares de nos machins dernière génération, etc. Si chacun accepte de remonter la chaînes des causalités, on se rend compte que les limites de la planète sont dépassées et qu’il faut savoir se contenter de moins. Est-ce que le portable et le Wi-Fi nous apporte plus de bonheur que la téléphonie fixe ? La réponse est non, les ondes électro-magnétiques n’ont aucune raison de se multiplier.

** LE MONDE du 31 août 2013, une souffrance mal comprise et peu prise en charge