Débat «Fin de vie», noyé dans les parlottes
Les quelque 170 participants appelés à siéger à la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’ouvre vendredi 9 décembre au Conseil économique, social et environnemental (CESE), vont se réunir neuf week-ends de trois jours jusqu’au 19 mars 2023 pour tenter de répondre à la question formulée par la première ministre, Elisabeth Borne : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »
Béatrice Jérôme : Le chef de l’Etat se réserve dès le départ la possibilité de ne pas retenir toutes les propositions. Mais c’est le Parlement, in fine, qui sera chargé de voter une éventuelle réforme. Pour l’instant l’objectif affiché du gouvernement n’est pas d’obtenir une solution clé en main mais d’apaiser le débat pour préparer le pays à toute éventualité. La fin de vie ne requiert pas d’expertises techniques, contrairement à des sujets comme celui du climat. En 2013 et en 2018, des consultations de citoyens au format nettement plus réduit s’étaient déjà prononcées en faveur d’une légalisation d’une aide active à mourir. Les praticiens des soins palliatifs se déclarent opposés pour la plupart à une légalisation de l’euthanasie. « Si on considérait que l’on peut passer outre leur avis, en estimant que c’est une question d’usagers et pas de soignants, on risquerait d’échouer » estime Olivier Véran. ministre délégué chargé du renouveau démocratique, ex ministre de la santé en février 2020.
Lire, L’ADMD et la Convention « fin de vie »
Le point de vue des usagers
Il nous paraît hallucinant que le gouvernement ménage d’emblée le corps des médecins gagnant leur vie par les soins palliatifs et l’acharnement thérapeutique au détriment des usagers, ceux qui ont personnellement besoin qu’on arrête de les « aider » à survivre. Rappelons que dans un sondage Ifop d’octobre 2022, les Français expriment leur rapport à l’aide active à mourir. 78% des Français attendent de la convention citoyenne sur la fin de vie qu’elle légalise l’aide active à mourir ; 79 % des Français se disent confiants dans un médecin qui se déclarerait favorable à l’euthanasie ; 77% des Français se disent confiants dans un médecin qui déclarerait pratiquer des euthanasies ; 82 % des Français considèrent l’euthanasie et le suicide assisté comme des soins de fin de vie à part entière.
Le docteur Ochiro Kobori estime qu’il est préférable de sortir de l’hôpital un malade dont les médecins savent qu’il est dans un état au-delà de toute thérapie et de ne pas lui infliger des soins intrusifs de réanimation, mais de lui permettre de mourir chez lui. Le rôle du médecin est de soulager les douleurs éventuelles du mourant, mais ce n’est pas à lui de l’accompagner. Ce rôle revient aux membres de la famille. Le praticien doit faire en sorte qu’ils réagissent avec sang-froid face à la mort. Il serait d’ailleurs intéressant de faire participer au débat les premiers concernés, c’est-à-dire les personnes en Ephad dans l’attente d’une vie plus ou moins assistée selon le Groupe Iso-ressources : GIR 1 (Présence continue nécessaire). GIR 2 (Assistance requise dans la plupart des activités de la vie quotidienne ou surveillance permanente). GIR 3 (Aide pour les soins corporels, plusieurs fois par jour). Les GIR 4 et GIR 5 permettent une vie à peu prêt correcte.
La fin de vie n’est pas un sujet de philosophie politique, c’est la question existentielle posée à chacun d’entre nous. Aucune opinion ne pouvant prévaloir sur une autre, la réponse nous appartient en propre. C’est le libre choix des personnes qui l’emporte, que ce soit dans le cas de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou dans le cas de l’interruption volontaire de vieillesse (IVV). Sinon il y a de toute façon avortement clandestin ou suicide. Les politiques ne doivent ni suivre le changement social en matière de vie et de mort ni le précéder. Il doivent l’accompagner.
Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. » (
Arthur Schopenhauer)
« Soyez libres » de « vous émanciper des idées reçues, de dire vos doutes, vos désaccords, de partager vos expériences, de vous laisser convaincre, et bien sûr, surtout, de défendre vos opinions, vos convictions, dans le souci du bien commun. La décision médicale est évidemment centrale, mais elle n’est qu’un aspect du débat. La fin de vie, c’est aussi un enjeu d’humanité, une exigence d’anticipation, d’accompagnement, une éthique du soi » », a déclaré Elisabeth Borne, en ouvrant vendredi 9 décembre la convention citoyenne sur la fin de vie,
Biosphère confond Arthur et Jean-Marie (une lanterne et une vessie) :
– La fausse citation attribuée à Schopenhauer par Jean-Marie Bigard
( Le Monde 02 décembre 2020 )
Par contre celle-là elle est bien de lui : « Cent fous mis en un tas ne font pas encore un homme raisonnable. » (Aphorismes sur la sagesse dans la vie)
Aujourd’hui ce n’est donc plus «le point de vue des écologistes» qui doit nous éclairer, mais «le point de vue des usagers». Demain, peut-être, aurons-nous droit au «point de vue des cons-sots-mateurs». Les usagers ce sont donc les Français qui votent POUR à 80%.
Partant de là, si le tirage au sort n’a pas été pipé, on se demande déjà ce qu’il pourrait sortir de nouveau de cette convention citoyenne. Quoi qu’il en soit, comme pour le Climat cette parodie de démocratie n’est là que pour faire joli.
Ceci dit, si, nous pouvions en finir de ces visions binaires, de ces oppositions POUR vs CONTRE, alors nous pourrions déjà commencer à véritablement débattre. Sinon ce ne sera, d’un côté comme de l’autre, qu’une guerre de com’ pour influer sur l’Opinion. Qui comme on sait est aussi versatile que ces trucs en haut des clochers. Dans ces conditions là autant s’en remettre au hasard et voter les lois à pile ou face. (Face = POUR ; Pile= CONTRE)
Dans les domaines de la santé, et maintenant de la fin de vie, nos attentes ne sont plus les mêmes qu’il y a encore cinquante ans. L’ancienne relation de confiance soignant/soigné, qui date d’Hippocrate, et dont l’intérêt bénéfique n’est plus à démontrer, a fait place à un tout autre type de relation. Bien sûr, comme pour beaucoup de choses, on continuera toujours à la mettre en avant, à la sacraliser etc. En fait nos attentes sont désormais associées à des exigences. Désormais le patient est informé, il peut comparer, et même mettre des notes aux toubibs. Et souvent il «sait» même mieux que le toubib. Bref il est devenu un client. (Voir les fréquents lapsus du Professeur Foldingue : «mon cher cli… euh patient»).
Mais bien sûr, là encore, il ne faut pas le dire comme ça. Le patient laisse donc désormais la place à l’usager. Et en tant qu’usager (de services publics) il est un acteur. Hier passif, aujourd’hui actif. ( à suivre)
On a même des «patients experts» qui participent à améliorer notre système de santé, qui en a bien besoin. Dans les hôpitaux comme dans les entreprises, il n’y a plus que des partenaires. C’est formidable !
Résumons. Le patient subit le soin, il se dit que les soignants savent ce qui est bon pour lui, il leur fait confiance, du moins il sait qu’il a intérêt. L’usager utilise le système de soins, les soignants sont là pour l’aider, l’accompagner, il est acteur.
Le client paye, il est le roi de l’établissement de santé, les soignants sont à son service, il en veut pour son argent. Mais malheureusement ce n’est QUE ce qu’il a.
Si ce qu’il paye est inférieur au coût de ses soins, eh ben il crève dans un coin.
Ce qui devrait quand même nous amener à réfléchir sur la place qu’a pris le Pognon dans tous les recoins de nos vies, de notre naissance jusqu’à notre mort.