Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Parti et associations en symbiose ?

Une participation à une association environnementaliste devrait être obligatoire quand on se veut militant de l’écologie politique. Voici mon raisonnement, exposé explicitement mais en vain à la liste nationale des formateurs bénévoles d’EELV :

D’un côté un parti écolo qui ne compte que 16 000 adhérents en moyenne. En 2008 on ne dénombrait que 2000 élus pour quelque 6000 adhérents. Lors de la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts le 6 juin 2011, il y avait pourtant plus de 30 000 votants : aux 16 452 adhérents encartés, il fallait ajouter 18 905 coopérateurs avec un statut bancal qui autorisait même la double appartenance partisane. J’étais moi-même encore membre du PS quand j’ai voté à cette primaire ! De l’autre il existait des ONG puissantes, comme Greenpeace France (165 000 adhérents à l’époque) ou WWF France (160 000 adhérents). Mais parti écolo et associations environnementales s’ignorent complètement. Il semblerait pourtant logique que les membres d’EELV soient en symbiose avec les associations qui œuvrent sur le terrain. Ce genre d’obligation est d’ailleurs inscrit dans les statuts du PS : « Les membres du Parti doivent appartenir à une organisation syndicale de leur profession et au moins à une association, notamment de défense des droits de l’homme, de solidarité, de consommateurs, d’éducation populaire, de parents d’élèves ou d’animateurs de la vie locale. (statuts du Parti socialiste – titre 2, les militants – Article 2.2 : obligations syndicales et associatives des adhérents) ».

Pourquoi pas le même type d’obligation à EELV ?

Il nous faut en effet créer un sentiment d’appartenance au peuple écolo dans son ensemble : « L’enjeu est dorénavant de construire un parti réseau, un parti social multiforme. Coopérative, ou mouvement, réseaux ou cercles, l’important est moins dans l’appellation que dans la capacité à créer une forme d’appartenance commune à ce qu’on pourrait appeler un « peuple écolo » : une identité sociale qui serait devenue légitime et revendiquée (Des écologistes en politique d’Erwan Lecoeur) ». L’écologie est pour l’instant un sentiment diffus dans la population, elle est très peu représentée institutionnellement. Ce n’était pas le cas autrefois des mouvements qui ont accompagné la lutte de classes, les mutuelles, les coopératives ouvrières, les caisses de grève, le mouvement d’éducation populaire… Or l’histoire du XXIe siècle ne va plus être centrée sur le travail (le prolétariat) et le capital technique (les capitalistes), mais sur le facteur nature. L’écologie politique ou art de bien gérer notre maison commune (la planète) va rassembler normalement au-delà des sensibilités partisanes traditionnelles. Car tout le monde est concerné par la pérennité des rapports d’équilibre entre l’es humains et la nature. Encore faut-il en prendre conscience. L’antagonisme entre patrons et travailleurs n’était pas une évidence au XIXe siècle. Un salarié pouvait trouver tout à fait normal qu’il y ait des patrons tout puissants et très très bien payés. Karl Marx faisait la distinction entre la classe en soi (existence de l’exploitation de l’homme par l’homme sans en avoir conscience) et la classe pour soi (qui entraîne un engagement politique). Si les militants EELV montraient leur affinité avec les associations environnementales, nous serions sur la voie de la constitution du peuple écolo.

Certains pourraient penser qu’une adhésion du militant écolo à n’importe quelle association ferait l’affaire (Syndicats, Parents d’élèves, Aide à la personne ou aux sans-abris…). Cela serait valable si nous étions militant socialo. Nous, nous devons montrer que l’écologie est au fondement de toute chose, sociales ou économiques : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. Rappelons qu’il ne saurait y avoir d’humanité prospère et le moindre PIB bien gras et bien dodu sur une planète dévastée. Quiconque réalise ce que signifie, pour le mode de vie occidental, de limiter la hausse de la moyenne des températures à 2°C comprend que ça ne va pas être simple d’y arriver. Une grande partie des évolutions économiques et sociales vont s’inverser. Le prix de la biosphère est infini ; sans elle, l’espèce humaine deviendrait immédiatement un vestige du passé (Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici) ».

Nos associations de référence en tant qu’écolo sont aussi bien les AMAP que les MAB, FNE, WWF, Greenpeace… ou les faucheurs d’OGM, les SELS ou même le mouvement NIMBY, etc.

Nous sommes un parti politique généraliste, social-écologique, nous ne sommes pas un parti strictement socialiste. Le socialisme s’est historiquement appuyé sur les syndicats et réciproquement, c’était dans leur objectif commun de changement du rapport de force économique. Mais le socialisme connaît aujourd’hui le même échec que le capitalisme libéral : « Avec qui engager des partenariats (p.42)… Marqués comme la droite au fer rouge du productivisme, fasciné par ses fétiches et ses addictions, la social-démocratie et les courants marxistes restent éloignés de l’essentiel du paradigme écologiste. Les écologistes n’ont pas vocation à épouser une doctrine qui n’est pas la leur en y introduisant un peu de vitamine verte (p.44) (Manifeste pour une société écologique – Les petits matins, 2010) ». EELV doit s’appuyer sur ce qui dans la société civile permet d’instaurer un autre rapport entre l’homme et la nature : les associations environnementalistes.

N’oublions pas que si ces associations découlent des inquiétudes de l’écologie scientifique, l’écologie politique découle historiquement de l’action associative. Ce sont des associations qui ont motivé puis soutenu la candidature de René Dumont à la présidentielle de 1974 : « Tout a commencé en France au début du mois de décembre 1973, au cours d’une réunion de l’Association des Journalistes et Écrivains pour la protection de la nature et de l’environnement. Et si on présentait un candidat aux présidentielles de 1974 ? Idée adoptée, puis oubliée. Mais après la mort de Pompidou, l’idée renaît au sein des « Amis de la Terre ». On choisit le 6 avril 1974 comme candidat, sans qu’il le sache, René Dumont. Voici quelques associations signataires pour la candidature de René Dumont : Les Amis de la Terre ; Action zoophile ; Comité antinucléaire de Paris ; Combat pour l’homme ; Droits du piéton ; Ecologie et Survie ; Fédération des usagers des transports ; Association pour la protection contre les rayonnements ionisants ; Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin ; Nature et Vie ; Maisons paysannes de France ; Défense et protection des animaux ; La Gueule Ouverte ; Front occitan ; Etc. (La campagne de René Dumont et ses prolongements, Pauvert 1974) ». Tout au long de sa campagne électroale, Dumont sera le représentant des associations écologiques qui le soutiennent. 

Savoir à quelle association adhérer pour soutenir le combat politique des écolos relève simplement d’une analyse des statuts de cette association. Par exemple Attac a « pour objet de produire et communiquer de l’information, de promouvoir l’éducation populaire, ainsi que de mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde. Parmi ces moyens figure la taxation des transactions sur les marchés financiers. » Il n’y a nulle trace dans ces objectifs de préoccupation explicite à propos des rapports entre l’homme et la nature. Attac s’intéresse aux conséquences économiques et socio-politiques, pas aux conséquences écologiques. On ne pourra donc justifier de son adhésion à Attac pour se prévaloir de la double appartenance, partisane et associative.

Mais ne rêvons pas. Instaurer cet engagement double dans les statuts d’EELV c’est terminé un jour quand j’étais membre d’un groupe de réflexion sur l’avenir d’EELV et qu’on m’a asséné : « Cette double appartenance, on n’en veut pas, notre liberté avant tout » !!! EELv n’est pas réellement un parti écolo, c’est plutôt un espace libertaire où il faut avant tout défendre le féminisme, les LGBT, les sans-papiersl’effondrement de la société thermo-industrielle n’est pas au programme !

Quant à l’efficacité d’une association dans le changement social, il m’est apparu récemment que seules les communautés de résilience permettraient une réelle prise en compte de l’urgence écologique tout en respectant les règles démocratiques. (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père