La plupart des détracteurs de Malthus s’attachent à démontrer l’inexactitude de sa théorie concernant les évolutions respectives de la population et des ressources, selon laquelle la première croîtrait de façon exponentielle, tandis que les secondes augmenteraient de façon linéaire. D’aucuns expliquent que le taux de reproduction de la population n’est pas constant, qu’il décroît dans les pays développés au point de compromettre le renouvellement des générations dans certaines zones comme l’Europe. D’autres que les progrès de la productivité agricole, grâce aux engrais, aux pesticides, aux OGM, à la déforestation et à la mécanisation, permettront bientôt de nourrir dix milliards d’humains, dix fois plus que ceux qui peuplaient la planète à l’époque de Malthus.
Donnons-leur raison si l’on s’en tient aux modèles mathématiques développés dans l’Essai sur le principe de population. Mais le génie de Malthus est d’avoir vu, cent soixante-quinze ans avant le Club de Rome, que les limites physiques de la nature – pour Malthus, les terres agricoles – ne permettaient pas une expansion indéfinie de la production des biens – pour Malthus, les subsistances. Vision plus lucide que celle de Marx, pour lequel la société communiste est une société d’abondance : « Quand, avec l’épanouissement universel des individus, les forces productives se seront accrues, et que toutes les sources de la richesse coopérative jailliront avec abondance – alors seulement on pourra s’évader une bonne fois de l’étroit horizon du droit bourgeois, et la société pourra écrire sur ses bannières : De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! », déclarait ce dernier en 1875 (in Critique du programme de Gotha). Vision plus lucide aussi que celle de Trotsky, partisan d’un asservissement total de la nature par l’homme, qui écrivait en 1924 : « L’homme socialiste maîtrisera la nature entière, y compris ses faisans et ses esturgeons, au moyen de la machine. Il désignera les lieux où les montagnes doivent être abattues, changera le cours des rivières et emprisonnera les océans. » (in Littérature et révolution).
La modernité de Malthus, considéré comme un repoussoir par les penseurs progressistes, libéraux ou socialistes, est d’avoir articulé les rapports entre l’homme et la nature au sein d’un système global ; la finitude des ressources de celle-ci fixe les limites à l’expansion, économique et démographique, de celui-là. Un système où le calcul économique est confronté à la contrainte physique. Ce sont les prémices d’une approche écologiste.
Gilles LACAN
Une idée, agir avec l’association « Démographie Responsable »
A Gilles Lacan
Par cette phrase vous dites tout :
« La modernité de Malthus, considéré comme un repoussoir par les penseurs progressistes, libéraux ou socialistes, est d’avoir articulé les rapports entre l’homme et la nature au sein d’un système global ; la finitude des ressources de celle-ci fixe les limites à l’expansion, économique et démographique, de celui-là. Un système où le calcul économique est confronté à la contrainte physique. Ce sont les prémices d’une approche écologiste. »
@marcel
Bien sûr que les marxistes sont conscients du péril démographique, comme tout le monde je suppose. Seulement Marx fait une autre analyse des causes de la surpopulation, il voit là « l’armée industrielle de réserve » du capital, ce qui reste difficile de nier. Suivant sa logique, le capital aura certes de moins en moins besoin de producteurs, mais il n’aura jamais trop de consommateurs.
D’autre part il n’a pas fallu attendre Malthus pour deviner qu’il y avait « un danger pour l’ordre public lorsque les hommes deviennent trop nombreux » (Aristote, dans La Politique). Lisez aussi ce qu’écrivait Tertullien (150-220), écrivain et théologien chrétien, et qui devrait vous plaire peut-être encore plus que Malthus : » Assurément il suffit de jeter les yeux sur l’univers pour reconnaître qu’il devient de jour en jour plus riche et plus peuplé qu’autrefois. Tout est frayé ; tout est connu ; tout s’ouvre au commerce… Comme témoignage décisif de l’accroissement du genre humain, nous sommes un fardeau pour le monde ; à peine si les éléments nous suffisent ; les nécessités deviennent plus pressantes ; cette plainte est dans toutes les bouches : la nature va nous manquer. Il est bien vrai que les pestes, les famines, les guerres, les gouffres qui ensevelissent les cités, doivent être regardés comme un remède… »
Bonsoir @ marcel.
Parmi mes amis, il n’existe aucune personne à propos de qui je sois sûr(e) qu’elle soit ou non marxiste. Par ailleurs, je ne sais pas trop si parmi mes amis il existe ou non des gens qui du péril démographique soient conscients.
Tout ce que je peux vous confirmer, c’est le fait que moi qui suis communiste je sois conscient(e) du péril démographique. Je peux aussi confirmer qu’avec le fait d’être conscient du danger démographique le communisme est bien compatible.
Les communistes qui sont dans le déni du danger de l’explosion démographique sont dans ce déni non pas parce que communistes mais bien que communistes. Qu’un quelconque communiste soit dans le déni n’engage que ce communiste lui-même, et l’idéologie communiste n’est pas responsable de ce même déni.
@Invite2018 :
vos amis marxistes sont-ils conscients du péril démographique ?
Merci de m’ éclairer sur ce point
La défense du communisme et la promotion du fait de combattre l’explosion démographique n’ont pas à être mises en concurrence : ces combats-là sont tous deux nobles, nécessaires et possibles. Et avec la défense du communisme, combattre l’explosion démographique est parfaitement compatible.
Sans la destruction de la dictature capitaliste, il ne sera pas possible qu’à la bonne contraception les peuples aient pleinement et proprement accès. Et sans ce même accès, la très nécessaire diminution de la natalité ne sera pas possible.