Nous sommes comme dans la légende* de l’homme né avec un cerveau empli d’or qui, tout au cours de sa courte vie, puise dans son crâne de quoi se croire riche jusqu’à gratter les dernières poussières d’or dans le sang et les larmes et en mourir vidé de sa substance. De même la France veut puiser ses ressources pétrolières, minières et minérales dans le sol sous-marin grâce à l’extension du plateau continental français. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son avis oublie son étiquette environnementale : « Cette possibilité d’extension du plateau est une chance et un atout à ne pas négliger. Dans un contexte de crise économique, quel pays côtier ne saisirait pas l’opportunité d’accéder à des droits sur des ressources naturelles vitales pour ses industries ? »
Depuis le tournant libéral des années 1980, funestes années Reagan-Thatcher, la planète est au pillage.En vertu de la Convention des Nations unies de Montego Bay, signée en 1982, les États côtiers peuvent revendiquer des droits souverains sur les ressources naturelles du sol et du sous-sol de la haute mer. La France, qui occupe déjà, derrière les Etats-Unis, le deuxième espace maritime au monde, avec 11 millions de km² répartis sur tous les océans grâce à ses territoires d’outre-mer, pourrait étendre ses droits souverains sur 2 millions de km² supplémentaires. L’article du MONDE** est factuel, mais il envisage cependant en passant les conflits entre pays dans la recherche désespérée de ressources naturelles ultimes et les sommes nécessaires à assurer l’exploitation et la sécurisation de ces ressources. Le long terme est complètement absent de cet article, les générations futures se débrouilleront sur une terre dévastée.
Pourtant la condamnation de la dilapidation des ressources est ancienne. En 1948, dans son livre La planète au pillage, Fairfield Osborn écrivait : « L’idée d’écrire ce livre m’est venu à la fin de la seconde guerre mondiale. Il me semblait que l’humanité se trouvait engagée non pas en un, mais en deux conflits, cette autre guerre mondiale qui est grosse d’un désastre final pire même que celui qui pourrait provenir d’un abus de la bombe atomique. Cette autre guerre, c’est celle de l’homme contre la nature… Que l’homme ait hérité de la terre, c’est là en vérité un fait accompli, mais en tant qu’héritier, il n’a tenu aucun compte des paroles du doux Nazaréen : Bienheureux les humbles, car la terre sera leur héritage. L’homme a dès maintenant détruit une bonne partie de son héritage. Il a jusqu’ici manqué à se reconnaître comme un enfant du sol sur lequel il vit. »
De nos jours la voie de la sagesse est inaudible, nous avons perdu le sens des limites de la planète… le CESE ne sait pas encore ce que contraintes écologiques veut dire.
* Alphonse Daudet, L’homme à la cervelle d’or
** LeMonde.fr du 9 octobre 2013,Les fonds marins, une opportunité pour lutter contre la crise ?