Ioane Teitiota n’a pas obtenu le statut de premier réfugié climatique de la planète !
– Jugement en première instance en 2013 (LE MONDE géopolitique du 24 octobre 2013).
Ioane Teitiota, un père de famille originaire d’un archipel du Pacifique menacé par la montée des eaux, devrait être expulsé vers son pays après avoir été débouté par la justice néo-zélandaise de sa demande d’asile climatique. S’en tenant à la convention de Genève de 1951, la Nouvelle Zélande a fait valoir que personne ne menaçait sa vie s’il retournait chez lui.
La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, définit les modalités selon lesquelles un État doit accorder le statut de réfugié aux personnes qui en font la demande. Cette convention ne développe qu’un seul des deux articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) se rapportant au sujet : l’article 14 sur le droit d’asile. Elle ne reprend pas l’article 13 sur la liberté de circulation. La convention de Genève garantit une protection aux personnes « craignant avec raison d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ». Il peut mourir de la montée des eaux, personne n’en est responsable directement ! En fait aucun Etat ne souhaite définir un statut de réfugié climatique. Cela ne servirait d’ailleurs à rien, l’application des principes est non contraignante et dépend de la bonne volonté des Etats.
– Décision de la Cour suprême néo-zélandaise en 2015 (Le Monde.fr avec AFP | 21.07.2015)
Ioane Teitiota n’a toujours pas obtenu le statut de premier réfugié climatique de la planète. Ioane Teitiota, 38 ans, réclamait le statut de réfugié au motif que sa famille courait un péril mortel aux Kiribati. Des zones entières de l’archipel, une trentaine d’atolls coralliens dont la plupart dépassent à peine le niveau de l’eau, sont de fait régulièrement envahies par l’océan. L’érosion grignote les rivages, et les récoltes s’appauvrissent en raison de l’infiltration d’eau salée dans les réserves d’eau douce. Après une hausse moyenne de 20 cm au XXe siècle, les océans devraient encore s’élever de 26 à 86 cm à l’horizon 2100 par rapport à la moyenne 1986-2005. Si la plus haute juridiction du pays a reconnu que les Kiribati étaient « incontestablement confrontées à des défis » climatiques, elle a également estimé que « M. Teitiota ne courait pas de “grave danger” » dans son pays natal. « Aucun élément matériel n’indique que le gouvernement des Kiribati manque à son devoir de protéger sa population des effets de la dégradation environnementale, dans la limite de ses moyens. »
Les estimations varient entre 50 et 200 millions de réfugiés dits « climatiques » en 2050. Harald Welzer prévoit le pire : « Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. » [Les guerres du climat d’Harald Welzer (Gallimard, 2009)]