« L’homme dévore 1,5 Terre par an », tel est le titre d’un article du MONDE. Cet état de « dépassement global » signifie, par exemple, que le rythme auquel nous exploitons les forêts, pompons l’eau douce et rejetons du CO2 dépasse celui auquel les arbres repoussent, les aquifères se reconstituent et la nature séquestre nos émissions. La Terre a perdu la moitié de ses populations d’espèces sauvages en 40 ans, les stocks de ressources se sont appauvris et les déchets s’accumulent. Telles sont les conclusions alarmantes du Fonds pour la nature (WWF) dans son dixième rapport Planète Vivante. La conclusion de l’article est encore plus déprimante : « Cette tendance devrait aller en s’aggravant avec l’augmentation de la population, qui a déjà doublé depuis 1950, pour atteindre 7 milliards en 2011, et devrait encore croître à 9,3 milliards en 2050 ». Mais la journaliste Audrey Garric tient pour acquis qu’il n’y a rien à faire, il suffit de constater ! Il est vrai que sa première phrase, « La planète est malade, et sa guérison semble de plus en plus incertaine » occultait par avance le fait que c’est l’espèce humaine dans son ensemble qui va être malade dans les années qui viennent sur une planète qui deviendra un désert vide de biodiversité et riche en gaz carbonique.
Le communiqué de presse WWF était un peu plus incisif : « Face au grave déclin de la biodiversité planétaire, des solutions restent à notre portée. » Ken Norris, Directeur scientifique à la Zoological Society of London, est cité : « L’ampleur de la perte de biodiversité et les dégâts subis par des écosystèmes tout simplement essentiels à notre existence sont alarmants… Ces dégâts ne sont pas inévitables, car ils sont une conséquence du mode de vie que nous choisissons. La protection de la nature passe par une action de conservation ciblée, par la volonté politique et par le soutien de l’industrie. » Mathis Wackernagel, dont l’ONG calcule l’empreinte écologique, prévient : « Près des trois quarts de la population mondiale vit dans des pays présentant à la fois des déficits écologiques et de faibles revenus. Les contraintes de ressources font que nous devons avant tout chercher comment améliorer le bien-être humain autrement que par la simple croissance. » Le premier politique qui invoque encore la divine croissance, je sors mon revolver !
La conclusion d’un accord mondial ouvrant la voie à une économie faiblement carbonée semble la voie royale pour le WWF, la consommation de combustibles fossiles étant aujourd’hui le facteur dominant de l’Empreinte écologique. Mais il ne faut rien attendre des politiques ; ils défendent les intérêts de leur propre nation et attendent des autres qu’ils fassent des efforts à leur place. ce sont les médias, et le MONDE en tant que journal de référence, qui devraient être à la pointe du combat écologique. N’oublions pas que nous sommes tous concernés, simple lecteur du MONDE ou citoyen analphabète : où que nous vivions sur le globe, nous avons tous besoin de nourriture, d’eau douce et d’air pur. Il n’est pas normal que la première page du MONDE ne mette pas en évidence cette absurdité du monde contemporain : l’homme dévore 1,5 Terre par an et ce n’est absolument pas possible de continuer ainsi.
* LE MONDE du 1er octobre 2014, L’homme dévore 1,5 Terre par an