Indépendance énergétique par la sobriété

Le plus sûr chemin pour accéder à l’indépendance énergétique n’est pas le nucléaire mais la sobriété énergétique.

Stéphen Kerckhove (Directeur général dAgir pour l’environnement) : Le déficit de notre balance commerciale a atteint un record absolu en 2021 de 84,7 milliards d’euros. La moitié de ce déficit est due à notre facture énergétique. Le conformisme énergétique postule que, pour rompre la dépendance à l’égard des pétromonarchies et autres dictatures gazières, il nous faudrait accroître nos capacités de production renouvelables et nucléaires. Jamais ou presque le principe d’une sobriété énergétique n’est appréhendé avec sérieux par notre classe politique. Il faudrait produire ce qui est consommé et non pas consommer ce qui est produit. Près de la moitié de la facture électrique des communes est induite par l’éclairage public. Des dizaines de milliers de panneaux publicitaires rétroéclairés absorbent unitairement l’équivalent électrique de trois familles de quatre personnes. Près de 10 % du trafic aérien est lié aux vols de jets privés, naviguant à vide 40 % du temps. Notre urbanisme tentaculaire, fait de grands projets inutiles et autres hypermarchés, contribue aux cinquante années gaspilleuses. Face à cet impensé, nous devons rappeler les vertus de la sobriété. Comme le veut la formule consacrée, l’énergie la moins polluante est celle que l’on ne consomme pas. Le plus sûr chemin pour accéder à l’indépendance énergétique de l’Europe n’est pas le nucléaire, qui ne représente que 17 % de l’énergie finale consommée en France, mais la sobriété énergétique.

Quelques éléments du débat :

le sceptique : Actuellement, la France consomme sur son sol 1600 TWh d’énergie finale, toutes sources confondues. On peut vanter la sobriété, mais il faut faire les maths : les petites mesures auront des petits effets. Il ne s’agit pas de se moquer des « amish », juste d’observer que si vous revenez à la conso d’énergie par habitant de 1850 ou de 1950, vous aurez grosso modo le même niveau de vie qu’en 1850 ou 1950. Rappel : si un prof est payé 2000 € aujourd’hui contre 200 € sous Gambetta, ce n’est pas qu’il enseigne à plus de personnes (sa productivité n’a pas changé), c’est qu’il est inséré dans une économie énergivore permettant ce salaire.

Frog : Tribune de Kerckhove extrêmement juste, mais si je doute que la majorité des politiques se saisissent du sujet. Plus qu’au pouvoir d’achat (qui n’est pas forcément un pouvoir), il serait effectivement temps de s’intéresser au réel besoin des individus. J’ai souvent entendu parler avec mépris des Amish qui voudraient nous priver de « l’innocent plaisir » de mettre la clim à fond ou d’installer une piscine chauffée dans son jardin.… Aujourd’hui, pendant que ces hédonistes s’affolent et pleurent pour que l’état leur donne des ristournes avec nos impôt, je ne vois arriver aucune tension dans mon mode de vie : ma facture énergétique est ultra- basse, je prends les transports en commun, je mange les légumes de mon potager, je reste en vacances en France comme tous les ans…. Bref, je vis avec beaucoup de plaisir pendant que tout le monde s’affole.

Sarah Py : L’idée de la sobriété devient de plus en plus présente dans les discours, mais la peur du Gilet Jaune rôde. Je vais suggérer une étape intermédiaire moins polémique, celle de lutte contre les gaspillages. Qui va être contre ? Les exemples donnés par Kerckhove relèvent d’ailleurs souvent de cela, du gaspillage. Et puis peu à peu élargir cette notion de gaspillage, puisque nous devons convaincre que si nous n’organisons pas notre sobriété, nous la subirons, et là ce sera frugalité et économie de guerre le sujet.

PCVT : Il vaudrait mieux parler d’économie d’énergie que de sobriété, qui a un côté moraliste, triste. Si on plonge les villes dans le noir et si on ne peut plus s’asseoir en terrasse en hiver, la vie va devenir plutôt sombre (pour les citadins).

Juste du Bonsens @ PCVT : C’est triste d’avoir besoin d’une terrasse chauffée en hiver pour ne pas être triste !

Haydée : On n’en peut plus de ces discours moralisateurs à 2 euros qui ne voient pas plus loin que la prochaine frontière. Si demain on éteint tout en UE (plus aucune consommation d’énergie), il n’y aura que 15% d’émissions en moins sur terre… alors on fait quoi ? On fait quoi avec la Chine? Et l’Inde ? Et les États-Unis ? Le seul avenir de l’humanité, c’est pas de rouler à vélo, c’est d’investir dans la science !

PPX : Ce qui est dit par Kerckhove est une totale ineptie. Aujourd’hui on consomme 1600 TWh d’énergie pour se chauffer, se déplacer, produire. Seulement 650 TWh sont décarbonés ( dont 350 sont d’origine nucléaire) et 950 sont fossiles, pétrole et gaz. La sobriété ne peut pas éliminer les 2/3 de nos besoins d’énergie !! Il faut éliminer l’énergie issue de fossiles au plus vite et la remplacer par de l’électricité solaire, éolienne et nucléaire + du biogaz et des biocarburants. Et bien sûr aussi de la sobriété dans ce qui est raisonnable, sans doute pas plus de 50 TWh à économiser sauf à supprimer chauffage et déplacements en voiture, (83% des déplacements aujourd’hui, dont une grande partie est contrainte) et fret routier. Toutes ces données sont publiques, faciles à vérifier.

Michel SOURROUILLE : Il ne peut pas y avoir d’opposition valide à l’idée de sobriété énergétique. Les ressources fossiles sont non renouvelable et le stock d’uranium limité. Quand il n’y aura plus une goutte de pétrole à un tarif abordable, il n’y aura plus de voiture thermiques, c’est aussi simple que cela, c’est une réalité d’ordre géologique. Les gouvernements mettent en place actuellement une taxe carbone « aux frontières » (de l’UE), mais l’effet prix arrive trop tard pour que changent rapidement les habitudes de déplacement. Pour que les automobilistes prennent conscience, il aurait fallu augmenter régulièrement le prix de l’essence depuis des années et des années (1972 pour être précis, année où on a démontré les limites de la croissance). Il faudra donc passer politiquement à la carte carbone, un rationnement des consommations d’énergie. Bien sûr il y aura des maisons qu’on ne chauffe plus en permanence, des villes dans le noir et des routiers en colère. Mais nécessité fait loi !

Vince : De la sobriété choisie, nous allons fort probablement passer à la décroissance subie. Il ne faut jamais sous-estimer la bêtise humaine, dixit Huval Noah Harari. Les années qui s’annoncent vont être difficiles. Le nucléaire est en chute libre et il faudrait 15 ans pour voir le bout d’un nouveau réacteur opérationnel (et je suis très optimiste). Les infrastructures énergétiques ont été pensées par une caste, pas du tout pour assurer la résilience au pays. Ils ont trahi. Les prix vont exploser avec les pénuries et la grogne sociale suivra. Les Flash-ball et les grands débats seront sans doute la réponse du pouvoir.

5 réflexions sur “Indépendance énergétique par la sobriété”

  1. Esprit critique

    – “ Frog : Tribune de Kerckhove extrêmement juste [etc.] “
    – “ PPX : Ce qui est dit par Kerckhove est une totale ineptie [etc.] “
    Lequel des deux a raison ? Encore une fois, où est la raison là dedans ?
    La Raison, voire la simple raison. Si ce n’est la raison des simplets.
    Bien sûr que la tribune de Kerckhove est extrêmement juste. Mais comment voulez-vous faire entendre quoi que ce soit à un idiot ? Voire à un sourd. Et qui plus est à un sourd qui n’a pas envie d’entendre certaines choses. La tribune de Kerckhove ne peut donc con vaincre que ceux qui, comme moi, sont déjà con vaincus.
    J’écris ça en deux mots parce que (comme je l’ai déjà développé), pour moi une conviction est une affaire strictement personnelle. Moi seul peut me convaincre (intime conviction = pléonasme).
    Par contre on peut m’aider à atteindre cette conviction. Encore faut-il que je le veuille.
    Comme on peut aussi me persuader, me rouler dans la farine etc.

    1. Le commentaire de Sarah Py est très intéressant. Je dirais même qu’elle a raison.
      Mais… dans une certaine limite seulement. Elle voit bien que l’idée de la sobriété devient de plus en plus présente dans les discours… mais etc. Elle voit bien que les polémiques ne mènent à rien, alors elle suggère une étape intermédiaire moins polémique (sic), celle de lutte contre les gaspillages. En faisant justement remarquer que les exemples donnés par Kerckhove relèvent d’ailleurs souvent de cela, du gaspillage (sic). Et au sujet de cette lutte contre le Gaspillage, elle pose cette question : Qui va être contre ?
      Personne bien sûr, mis à part peut-être quelques grands malades. Nous pouvons donc dire que cette lutte fait consensus. Parfait. D’autant plus qu’on adore les consensus.

      1. Seulement voilà, que doit-on entendre par Gaspillage ? Rappelons-nous de la Chasse au Gaspi, la bonne blague. On parlera alors du robinet qu’on se doit de fermer lorsqu’on se brosse les dents, et autres bricoles dans le même genre. Sarah Py voit bien que cette notion de gaspillage doit être élargie, et elle a toujours raison. On parlera alors des écrans publicitaires, des éclairages publics, des sapins de Noël etc. Et après des heures et des heures de palabres, peut-être… arrivera t-on à un consensus. Pour éteindre tout ça, juste quelques heures, manière de faire quelques économies. Et pour pouvoir se dire, et se faire croire, qu’on a bien avancé. Maintenant si je dis que les J.O ne sont qu’un exemple de Super Gaspillage, une Super Saloperie qui doit absolument disparaître, et vite, bien avant les sapins de Noël et autres conneries du même genre… y aura-t-il toujours con sensus ?

  2. et bien dansez maintenant

    Le déficit de la balance commerciale de la France est aussi un indicateur (avec l’empreinte écologique) de notre mode de vie non durable et ultra dépendant de l’externalisation de nos besoins et des pollutions concomitantes.
    Et pourtant dans un pays tempéré, agricole où l’eau est présente…

    1. Ce déficit, comme la Dette, ne sont avant tout que des indicateurs économiques. On pourrait rajouter le taux de chômage, qui en fin de comptes ne nous dit rien de significatif sur cette fameuse durabilité. On pourrait très bien être en PLUS du côté de la balance commerciale, comme de 1992 à 2004, ne pas avoir de dette, comme avant 1975, ni de chômage… c’est d’ailleurs tout ça que visent ou prétendent viser les libéraux, croissancistes par définition… mais ce n’est pas pour autant que notre modèle serait durable.
      Comme vous dites, dans un pays tempéré, agricole où l’eau est présente… et je rajouterais qui ne manque pas de bras… c’est une véritable aberration (égarement de l’esprit) que d’être dépendants d’Untel ou Ontel sur le plan alimentaire. Seulement ce modèle (ce système) collectionne les aberrations.

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