Ivan Illich (1926-2002) a été un précurseur incontournable de l’écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle. Nous consacrons notre dernier bimensuel paru à son livre de 1973 sur La convivialité. Pour recevoir ce numéro gratuitement, il suffit de nous écrire à biosphere@ouvaton.org. Voici un petit avant-goût de ce numéro :
De passage à Paris pour promouvoir son livre, Ivan Illich avait refusé de parler à la télé mais il avait accordé un entretien au mensuel la Gueule ouverte qui nous donne l’essentiel de son livre : Le discours télévisé est inévitablement démagogique. Un homme parle sur le petit écran, des millions d’hommes et de femmes l’écoutent. Dans le meilleur des cas, la réaction maximum du public ne peut être que bip bip je suis d’accord ou bip bip je ne suis pas d’accord. Aucun véritable échange n’est possible, mais je suis heureux de soumettre mon travail à la critique des lecteurs de La gueule ouverte, tous profondément préoccupés de ne se laisser enfermer dans aucun carcan idéologique.
Je distingue deux sortes d’outils : ceux qui permettent à tout homme, plus ou moins quand il veut, de satisfaire les besoins qu’il éprouve, et ceux qui créent des besoins qu’eux seuls peuvent satisfaire. Le livre appartient à la première catégorie : qui veut lire le peut, n’importe où, quand il veut. L’automobile, par contre, crée un besoin (se déplacer rapidement) qu’elle seule peut satisfaire : elle appartient à la deuxième catégorie. De plus, pour l’utiliser, il faut une route, de l’essence, de l’argent, il faut une conquête de centaines de mètres d’espaces. Le besoin initial multiplie à l’infini les besoins secondaires. N’importe quel outil (y compris la médecine et l’école institutionnalisées) peut croître en efficacité jusqu’à franchir certains seuils au-delà desquels il détruit inévitablement toute possibilité de survie. Un outil peut croître jusqu’à priver les hommes d’une capacité naturelle. Dans ce cas il exerce un monopole naturel ; Los Angeles est construit autour de la voiture, ce qui rend impraticable la marche à pied.
Une société peut devenir si complexe que ses techniciens doivent passer plus de temps à étudier et se recycler qu’à exercer leur métier. J’appelle cela la surprogrammation. Enfin, plus on veut produire efficacement, plus il est nécessaire d’administrer de grands ensembles dans lesquels de moins en moins de personnes ont la possibilité de s’exprimer, de décider de la route à suivre. J’appelle cela polarisation par l’outil. Ainsi chaque outil, au-delà du seuil de tolérabilité, détruit le milieu physique par les pollutions, le milieu social par le monopole radical, le milieu psychologique par la surprogrammation et la polarisation par l’outil. Aujourd’hui l’homme est constamment modifié par son milieu alors qu’il devrait agir sur lui. L’outil industriel lui dénie ce pouvoir. A chacun de découvrir la puissance du renoncement, le véritable sens de la non-violence. » (La Gueule ouverte – numéro 9, juillet 1973)
Je suis curieux de savoir ce pensait Ivan Illich d’internet. Est-ce un outil comme le livre disponible pour celui qui veut apprendre, ou est-ce qu’il cree des besoins auxquel lui seul peut repondre. De plus, il faut posseder un pc/smartphone, un acces a une source d’electricite, et un acces a Internet lui-meme (toute l’equipement/infrastructure necessaire). Finalement, est-ce qu’il me prive d’une capacite naturelle, est-ce qu’il me modifie?
Ce que je remarque chez moi est qu’ Internet est un outil d’apprentissage fantastique, au point que j’accepte assez volontier l’addiction (sentiment desagreable de faiblesse)!